• Bushra Almutawakel, est une photographe Yéménite qui vit et travaille à Sanaa.

    Née en 1969, elle est diplômée de l’Université d’Atlanta, en Géorgie, USA.

    Elle a travaillé pour des organisations internationales et humanitaires, avant de se consacrer à son propre travail photographique.

    En 1990, elle a été la première femme photographe au Yémen.

     

    A travers la photo,  le but de cette artiste est le questionnement des normes.

    Elle cherche à provoquer des débats sur les normes sociales. Ses images questionnent les manières dont les peuples les jugent, et ce qu’ils en font.

    Les questions d’identité sont un enjeu central de son travail.

    Ses principales œuvres sont : « Disparition » (2009), série de photos désormais devenues célèbres ; et récemment « What If », une autre série qui interroge le costume en fonction du genre des individus

    http://www.slate.com/blogs/behold/2012/11/29/boushra_almutawakel_photographingvariations_of_the_veil_photos.html

    http://www.slate.fr/grand-format/cinquante-nuances-de-voile-65983

     

     

    Le travail de Bushra m’a beaucoup intéressée, parce qu’il aborde la question du voile d’une façon particulière. On lui a reproché de critiquer et de défendre le voile, tout ensemble.

    Mais c’est plus complexe.

    Dans une de ses interviews, elle explique que « beaucoup de gens en Europe sont persuadés que les femmes voilées sont opprimées, arriérées, et non éduquées ; et c’est absolument faux ! »

    Ce qu’elle estime abusif, c’est de couvrir les petites filles (« il n’existe aucune recommandation à ce sujet dans l’Islam », précise-t-elle), ou les costumes de niqab qui ne laissent voir que les yeux, ou pire, obturent aussi le regard des femmes.

    Ne pas pouvoir voir les lèvres de celle qui parle, ou son regard, est pour elle une amputation, un effacement dramatique.

    Son approche de la dissimulation, du masque, est intéressante : elle établit un parallèle entre le voile intégral et le maquillage épais et stéréotypé en Europe : dans les deux cas, une femme est dissimulée derrière un masque social.

    A titre personnel, elle préfère les voiles traditionnels de couleur bariolée, qui ne couvrent pas totalement la chevelure ; et ont plutôt une connotation culturelle.

    Cependant, la loi française sur le voile intégral lui est apparu comme une interférence avec les droits humains de chaque individu de se couvrir ou se découvrir comme il (ou elle) veut, et de se vêtir à sa convenance.

    C’est aussi ainsi que je l’avais ressenti, et ma position avait énormément de difficulté à se faire entendre en France, tant les stéréotypes sur les Musulmans sont prégnants.

     

    L’humour de Bushra n’est pas compris de tout le monde.

    Elle interroge les normes de genre par une attitude ludique, en bousculant les attentes du spectateur.

    Sa deuxième série a été très mal comprise en Occident : certains croyaient qu’elle souhaitait le port du voile pour les hommes aussi !!!

    Pour le moment, elle travaille sur les poupées ; la poupée « Fulla », homologue orientale de la poupée Barbie, qui porte une garde-robe d’abayas, de hijabs, et de costumes traditionnels orientaux. A travers une poupée, dit-elle, on peut faire passer beaucoup de messages et de questions.

    Bienvenue à Bushra Amultawakel dans la ronde des femmes créatrices !


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  • Le mercredi 18 avril 2012, le Vatican avait décidé une réforme complète de la Conférence des religieuses des États-Unis, la Leadership Conference of Women Religious, (LCWR) l’organisme rassemblant plus des 80% des sœurs vivant aux États-Unis (plus de 50 000 membres).

    La Congrégation pour la Doctrine de la Foi du Vatican reprochait notamment aux sœurs de trop « axer leurs travaux sur la pauvreté et l’injustice économique » et leur  » absence de soutien aux enseignements de l’Église sur l’ordination des femmes et sur l’homosexualité. » Elle déplorait aussi « leur silence » concernant le droit à la vie de sa conception à la mort naturelle. De fait, le soutien des religieuses à la réforme de la santé du président démocrate qui comprend tout un volet de médecine reproductive et contraceptive – n’est certainement pas étranger à leur recadrage.

    Comment allaient-elles réagir ? Elles se sont retrouvées cette été et forte du soutien d’une grande partie de la population des USA, elles ont décidé, certes de rencontrer l’évêque délégué par Rome mais sans  aucune soumission,  elles gardent le cap fondé sur leur fidélité à l’Evangile et ont même la prétention de faire comprendre à Rome les raisons de leurs options !

     

    Pour prendre la mesure des options de ces religieuses américaines, vous pouvez  aller voir la vidéo du discours de Sr Simone Campbell, lors d’un meeting démocrate. C’est en anglais mais la traduction française est en dessous. Quelle fougue. C’est un moment de bonheur de voir l’engagement de cette religieuse, sa joie, son audace. Ce discours a été mis en ligne grâce au site du Comité de la Jupe que nous avons mis en lien de notre blog.

     http://www.comitedelajupe.fr/dans-la-presse/avec-soeur-simone-campbell-les-religieuses-sortent-de-l%E2%80%99ombre/

     

    Ci-dessous, vous trouverez aussi l’intégralité du discours de la Présidente de la LCWR, Sr Pat Farrel : un texte magnifique.

    Voici un extrait pour vous donner envie de tout lire :

    « Nous pouvons vivre dans la joie de l’espérance parce qu’il n’y a pas d’herbicide

    politique ou ecclésiastique qui puisse étouffer le mouvement de l’Esprit de Dieu. Notre

    espérance est dans la puissance de Dieu, une puissance absolument impossible à endiguer.

    Et c’est ainsi que nous vivons l’espérance joyeuse, prêtes à être de mauvaises herbes toutes

    tant que nous sommes. Nous vivons de la puissance de la mort et de la résurrection de Jésus.

    Je garde au coeur une expression de cette foi, qui remonte à l’époque de la dictature au

    Chili : Pueden aplastar algunas flores, pero no pueden detener la primavera. Ils peuvent

    écraser quelques fleurs, mais ils ne peuvent pas retarder le printemps. »

     

     

    Les virages et l’art de naviguer

    Pat Farrell, OSF

    Allocution de la présidente, Assemblée 2012 de la LCWR

    L’allocution que je vais vous donner n’est pas celle que j’avais imaginée. Après la sérénité

    contemplative de notre assemblée de l’été dernier, j'envisageais simplement de développer,

    du point de vue de la vie religieuse contemporaine, certains aspects de la nouveauté que

    Dieu continue de susciter. De fait, la nouveauté s’est imposée à nous. Mais je ne pensais pas

    vraiment à l’évaluation doctrinale.

    Il s’est manifestement produit un virage ! Un mouvement important dans l’Église, dans le

    monde, a atterri chez nous. Nous vivons un temps de crise, ce qui est déjà porteur d’espoir.

    Notre conférencière principale Barbara Marx Hubbard l’a bien montré, la crise précède la

    transformation. Il semblerait qu’une transformation ecclésiale, voire une transformation

    cosmique, cherche à percer. L’évaluation doctrinale que nous avons reçue nous donne

    l’occasion d’y contribuer. Nous n’avons pas recherché cette controverse. Mais je ne pense

    pas qu’elle nous soit arrivée par hasard. La visite apostolique a galvanisé la solidarité parmi

    nous. Notre réflexion sur la vie contemplative a fait mûrir notre profondeur spirituelle. Ce

    sera bientôt le 50e anniversaire de Vatican II. Pour nous qui avons pris à coeur le Concile et

    qui avons été façonnées par lui, c’est très important ! Autant de signes qui nous font

    reconnaître avec une clarté émouvante que nous vivons une heure bien différente. Je vois

    que ma prière, ces jours-ci, prend souvent la forme des lamentations. Oui, un déplacement

    s’est produit ! Et nous voici dans l’oeil d’un cyclone ecclésial, sous les projecteurs, un micro

    planté devant nous. À quoi sommes-nous invitées, où est l’occasion à saisir, la responsabilité

    à prendre? Notre énoncé de mission nous rappelle que le temps qui nous est donné est

    sacré, que l’autorité dont nous sommes investies est un don et que les défis qui se

    présentent sont des grâces.

    Je pense que ce serait une erreur d’accorder une importance démesurée à l’évaluation

    doctrinale. Nous ne pouvons pas la laisser accaparer une trop grande part de notre temps et

    de notre énergie, nous distraire de notre mission. Ce n’est pas la première fois qu’une forme

    de vie religieuse heurte l’Église institutionnelle. Et ce ne sera pas non plus la dernière. Nous

    avons vu une visite apostolique, la Commission Quinn, l’intervention du Vatican à la CLAR et

    chez les Jésuites. Plusieurs des fondateurs et des fondatrices de nos instituts ont dû lutter

    longuement pour obtenir la reconnaissance canonique. Certaines, certains ont même été

    réduits au silence ou excommuniés. Quelques-uns, comme Mary Ward et Mary McKillop,

    furent ensuite canonisées. Il y a une tension existentielle inhérente aux rôles

    complémentaires de la hiérarchie et des religieux, et il est peu probable qu’elle disparaisse.

    Dans un monde ecclésial idéal, ces différents rôles sont assumés sous une tension créatrice,

    dans le respect et l’appréciation mutuels, en un contexte de dialogue ouvert, pour

    l’édification de l’Église universelle. L’évaluation doctrinale semble indiquer que nous ne

    vivons pas aujourd’hui dans un monde ecclésial idéal.

    Je pense aussi que ce serait une erreur de sous-estimer l’importance de l’évaluation

    doctrinale. L’impact historique de ce que nous vivons est évident pour chacune de nous. Il

    ressort du soin avec lequel les membres de la LCWR ont su réagir et ne pas réagir, en

    s’efforçant de parler d’une seule voix. Nous l’avons perçu lors d’entretiens privés avec des

    prêtres et des évêques inquiets. Cela transparaît dans la vague d’appuis que nous recevons

    de nos frères religieux et des laïcs. De toute évidence, ils partagent notre inquiétude devant

    l’intolérance face aux opinions divergentes de personnes dont la conscience est éclairée, ou

    devant le rôle étriqué qu’on continue de réserver aux femmes. Voici quelques extraits de

    l’une des nombreuses lettres que j’ai reçues : « Je vous écris parce que j’observe ce qui se

    passe à ce moment charnière dans l’histoire spirituelle de notre planète. Je crois que tous les

    fidèles catholiques se doivent de se joindre à vos efforts et qu’il faut traiter cette crise

    comme le catalyseur qui déclenchera au 21e siècle un débat ouvert en lâchant un courant

    d’air frais sur toutes les verrières du pays. » Oui, les enjeux sont considérables. Dans tout

    cela, nous ne pouvons qu’avancer dans la véracité et dans l’intégrité. Espérons que nous

    saurons le faire dans un esprit qui contribuera au bien de la vie religieuse partout dans le

    monde et à la guérison de l’Église fragmentée que nous aimons tant. Ce n’est pas simple.

    Nous sommes sur la corde raide. Heureusement, nous avançons ensemble.

    À la lumière de la communication de Barbara Marx Hubbard, il est facile de voir dans ce qui

    se joue à la LCWR le microcosme d’un monde en évolution. Niché dans le vaste changement

    de paradigme en cours aujourd’hui. L’effondrement et la percée cosmiques que nous visons

    nous offrent un contexte plus large. Nombre d’institutions, de traditions et de structures

    semblent se dessécher. Pourquoi? Je pense que les assises philosophiques de notre façon

    d’organiser la réalité ne tiennent plus. La famille humaine est mal servie par l’individualisme,

    le patriarcat, l’obsession de la rareté ou la concurrence. Le monde fait éclater les structures

    dualistes (supérieur/inférieur, gagner/perdre, bon/mauvais, domination/soumission).

    Émergent à leur place l’égalité, la communion, la collaboration, la synchronicité,

    l’expansivité, l’abondance, l’intégrité, la mutualité, l’intuition et l’amour. Ce virage, quoique

    douloureux, est une bonne nouvelle ! Il annonce un avenir porteur d’espérance pour notre

    Église et notre monde. Élément naturel du progrès de l’évolution, il ne nie et ne sous-estime

    aucunement ce qui a précédé. Et il n’y a pas lieu non plus de craindre les mouvements

    cataclysmiques de la spirale du changement autour de nous. Il suffit de prendre conscience

    de ce mouvement, de s’y glisser et de se laisser porter par lui. En fait, toute la création gémit

    dans les douleurs d’un grandiose enfantement. L’Esprit de Dieu continue de planer sur le

    chaos. Ce qu’exprime le poème bien connu de Christopher Fry :

    Le coeur humain est capable d’aller jusqu’au bout avec Dieu.

    Il peut faire froid, il peut faire nuit

    Mais ce n’est pas l’hiver.

    La glace de la misère des siècles se fissure, se brise, se met en marche.

    Le tonnerre qui gronde est celui de la banquise.

    Le dégel, le déluge, l’éclosion du printemps.

    Dieu soit loué, ce temps est à nous:

    Le mal se dresse devant nous de toutes parts

    Il ne partira pas que lorsque nous aurons osé

    Faire le plus grand pas spirituel qu’on ait jamais fait :

    L’enjeu est désormais à la mesure de l’âme.

    Le projet, c’est l’exploration de Dieu… Christopher Fry – A Sleep of Strangers

    J’aimerais vous suggérer quelques façons de naviguer à travers les changements grands et

    petits que nous connaissons. Depuis l’avenir, Dieu nous appelle. Je suis convaincue qu’on est

    en train de nous préparer à une nouvelle irruption du Règne de Dieu. Qu’est-ce qui peut

    nous y préparer? Peut-être trouvons-nous des réponses dans notre ADN spirituel. Des outils

    qui nous ont servi pendant des siècles sont encore, me semble-t-il, une boussole capable de

    nous guider aujourd’hui. Examinons-en quelques-uns, un par un.

    1. Comment naviguer? Grâce à la contemplation

    Comment pourrions-nous aller de l’avant sinon en partant d’une prière profonde? Nos

    vocations, nos existences commencent et culminent dans le désir de Dieu. Pendant toute

    une vie, nous avons été attirées par l’union au mystère divin. La Présence est notre véritable

    demeure. Le chemin de la contemplation, que nous avons suivi ensemble, est la voie la plus

    sûre vers l’obscurité à travers laquelle Dieu nous guide. Dans l’impasse, seule la prière crée

    l’espace où puisse émerger ce qui veut se manifester. Nous sommes aujourd’hui dans

    l’impasse. Il nous faut recueillir notre sagesse collective. Elle germe dans le silence, comme

    nous l’avons vu pendant les six semaines qui ont suivi la publication du mandat de la

    Congrégation pour la doctrine de la foi. Nous attendons que Dieu sculpte en nous un savoir

    plus profond. Nous prions avec Jan Richardson :

    Tu nous évides, Seigneur, pour que nous puissions te porter, et tu ne cesses de nous

    combler pour nous vider à nouveau. Adoucis nos espaces intérieurs et rends-les

    vigoureux pour que nous puissions t’accueillir avec moins de résistance et te porter

    avec plus de profondeur et de grâce.

    Voici une image de la contemplation : 1 la prairie. Les racines de l’herbe des prairies sont

    extraordinairement profondes. L’herbe des prairies enrichit la terre. C’est elle qui produit le

    sol fertile des Grandes Plaines. Les racines profondes font respirer le sol et se décomposent

    en un humus aussi riche que fécond. Remarquez qu’une prairie en bonne santé doit être

    incendiée régulièrement. 2 Elle a besoin de la chaleur du feu et de la combustion de l’herbe

    pour faire remonter à la surface du sol les nutriments des racines profondes, qui

    alimenteront les nouvelles pousses. Ce brûlis me rappelle une autre image. Il y a en Australie

    une sorte d’eucalyptus dont la graine ne peut germer que lors d’un incendie de forêt. La

    chaleur intense fissure la coque de la graine et lui permet de se développer. Peut-être y a-t-il

    aussi en nous de profonds replis de notre être qui ne peuvent être activés que lorsque nous

    sommes dépouillées de couches plus superficielles. Nous sommes émondées et purifiées

    dans la nuit obscure. La contemplation et le conflit nous meulent tel un paillis pour nous

    rendre fécondes. Et comme l’incendie de la prairie fait remonter à la surface l’énergie

    emmagasinée dans les racines, la contemplation nous pousse à l’action fructueuse. C’est le

    semis, la pépinière de la vie prophétique. Dieu s’en sert pour nous façonner et nous affermir

    en vue de ce qu’il faut aujourd’hui.

    2. Comment naviguer? D’une voix prophétique

    La vocation à la vie religieuse est par nature prophétique et charismatique, elle offre un style

    de vie alternatif à celui de la culture dominante. L’appel de Vatican II, que nous avons

    entendu et suivi si consciencieusement, nous exhortait à répondre aux signes de notre

    temps. Pendant cinquante ans, les religieuses des États-Unis ont essayé de le faire, d’être

    une voix prophétique. Rien ne garantit, toutefois, que nous puissions être prophétiques du

    seul fait de notre vocation. La prophétie est à la foi un don de Dieu et le fruit d’une ascèse

    rigoureuse. Il faut que notre enracinement en Dieu soit assez profond et notre lecture du

    réel assez claire pour devenir voix de la conscience. Il est habituellement facile de

    reconnaître la voix prophétique authentique. Elle a la fraîcheur et la liberté de l’Évangile :

    ouverte, elle prend le parti des sans-droits. La voix prophétique ose la vérité. On l’entend

    souvent dans la remise en question de l’autorité établie, dans le dévoilement de la

    souffrance humaine et des besoins restés sans réponse. Elle conteste les structures qui

    excluent les uns au profit des autres. La voix prophétique appelle à l’action et au

    changement.

    En considérant de nouveau les virages grands et petits de notre temps, à quoi ressemblerait

    une réponse prophétique à l’évaluation doctrinale? Je pense qu’elle serait humble, mais

    sans servilité; enracinée dans la conviction de ce que nous sommes, mais sans pharisaïsme;

    sincère, mais dans la douceur et sans aucune crainte. Elle poserait des questions pertinentes.

    Sommes-nous invitées à un émondage nécessaire, et y serions-nous ouvertes? Cette

    évaluation doctrinale traduit-elle une inquiétude ou veut-elle être une reprise en mains?

    L’inquiétude naît de l’amour et appelle à l’unité. La reprise en mains par la peur et

    l’intimidation serait un abus de pouvoir. La légitimité institutionnelle que nous confère la

    reconnaissance canonique nous permet-elle de vivre de manière prophétique? Nous donnet-

    elle la liberté de poser les questions que se posent des consciences éclairées? Sait-elle

    accueillir les réactions d’une Église qui prétend respecter le sensus fidelium, le sens des

    fidèles? Comme le dit Bob Beck, « un corps social qui ne dispose pas de mécanisme pour

    enregistrer le dissentiment est comme un organisme qui ne sentirait pas la douleur. Il n’a

    aucun moyen de capter les réactions qui indiquent que ça ne va pas. Par ailleurs, un corps

    social qui ne vit que du dissentiment est aussi dysfonctionnel qu’un organisme en état de

    douleur constante : les deux ont besoin de soins. »

    Quand je pense à la voix prophétique de la LCWR, je me rappelle notamment la déclaration

    sur le discours civil de notre assemblée de 2011. Dans le contexte de l’évaluation doctrinale,

    elle prend à mes yeux une tout autre portée. Saint Augustin a décrit ce que doit comporter

    le discours civil : « De part et d’autre, renonçons à l’arrogance. Ne prétendons, ni les uns ni

    les autres, avoir déjà découvert la vérité. Cherchons ensemble quelque chose que nous ne

    connaissons pas. Car ce n’est que de cette façon que nous pouvons chercher, dans l’amour

    et la tranquillité, sans l’orgueilleuse présomption de la découverte et de la possession. »

    De même, à quoi ressemblerait une réponse prophétique aux grands changements de

    paradigmes de notre époque? J’espère qu’elle comporterait à la fois de l’ouverture et une

    pensée critique, tout en nourrissant l’espérance. Nous pouvons revendiquer l’avenir que

    nous désirons et agir en conséquence dès maintenant. Il y faut la discipline de choisir sur

    quel objet concentrer notre attention. Si, comme le suggère la neurologie, notre cerveau

    reçoit tout ce sur quoi nous nous concentrons comme une invitation à le faire advenir, les

    images et les visions avec lesquelles nous vivons revêtent une grande importance. Nous

    devons donc engager activement notre imagination pour qu’elle façonne des visions

    d’avenir. Rien de ce que nous faisons n’est insignifiant. La moindre décision courageuse,

    consciente, peut contribuer à la transformation du tout. Ce sera, par exemple, le choix

    d’investir notre énergie dans ce qui nous paraît le plus authentique, et de cesser de nous

    investir dans ce qui ne l’est pas. Ce genre d’intentionnalité est ce que Joanna Macy appelle

    l’espérance active. Elle est à la fois créatrice et prophétique. Dans la difficile période de

    transition que nous traversons, l’avenir a besoin de notre imagination et de notre espérance.

    Pour reprendre les mots du poète français Edmond Rostand, « C’est la nuit qu’il est beau de

    croire à la lumière; il faut forcer l’aurore à naître en y croyant. »

    3. Comment naviguer? Dans la solidarité avec les marginalisés

    Nous ne pouvons vivre une vie prophétique sans être proches de ceux et celles qui sont

    vulnérables et marginalisés. Avant tout, c’est là notre place. Notre mission consiste à nous

    donner dans l’amour, en particulier à ceux qui sont le plus dans le besoin. C’est ce que nous

    sommes en tant que religieuses. Mais en outre, le point de vue des marginaux est un lieu

    privilégié de rencontre avec Dieu, qui a toujours préféré les exclus. Il y a une sagesse

    précieuse à glaner de ceux et celles qui vivent dans la marge. Les êtres humains vulnérables

    nous mettent plus étroitement en contact avec la vérité de notre condition humaine, avec

    son désordre et ses limites, sa fragilité, son incomplétude et ses inévitables difficultés. Faite

    dans ce milieu, l’expérience de Dieu en est une de miséricorde absolument gratuite et

    d’amour libérateur. Les gens qui vivent dans la marge sont moins capables et moins soucieux

    de sauver les apparences, et ils ont souvent le don d’appeler les choses par leur nom. Le fait

    de vivre parmi eux peut nous aider à nous situer dans la vérité sans nous bercer d’illusions.

    Nous avons besoin de voir ce qu’ils voient pour devenir des voix prophétiques pour notre

    monde et notre Église en même temps que nous nous efforçons d’équilibrer notre vie à la

    périphérie avec notre fidélité au centre.

    Collectivement, les religieuses ont une expérience aussi vaste que variée du ministère dans

    la marge. N’avons-nous pas eu le privilège de nous tenir avec les populations opprimées? Ne

    nous ont-elles pas enseigné ce qu’elles ont dû apprendre pour survivre : la résilience, la

    créativité, la solidarité, l’énergie de la résistance et la joie? Ceux et celles qui vivent la perte

    jour après jour peuvent nous apprendre à vivre le deuil et à lâcher prise. Ils nous font aussi

    comprendre à quel moment il ne suffit plus de lâcher prise. Il y a des structures d’injustice et

    d’exclusion qu’il faut démasquer et éliminer systématiquement. Voici une image de

    démantèlement actif. Ces photos ont été prises à Suchitoto, au Salvador, le jour de la

    célébration des accords de paix. 4 5 Ce matin-là, les gens sont venus de chez eux avec des

    marteaux piqueurs et ils ont entrepris d’abattre les bunkers, de démanteler la machinerie de

    la guerre. 6

    4. Comment naviguer? Grâce à la communauté

    Les religieuses ont pu prendre plusieurs virages au fil des années parce qu’elles ont navigué

    ensemble. Nous sommes les unes pour les autres une grande force ! 7 Au cours des

    cinquante dernières années, depuis Vatican II, notre vie communautaire a changé de

    manière spectaculaire. Ça n’a pas été facile, et la situation continue d’évoluer, car aux États-

    Unis nous devons relever le défi de faire communauté au sein d’une culture individualiste.

    Néanmoins, nous avons appris de précieuses leçons.

    Nous qui assumons des fonctions d’autorité devons constamment relever le défi de

    respecter un large éventail d’opinions. Nous avons beaucoup appris sur la vie

    communautaire dans la diversité et sur la célébration des différences. Nous en sommes

    venues à faire confiance aux opinions divergentes qui nous ouvrent une voie puissante vers

    une plus grande clarté. Notre engagement envers la communauté nous oblige à le faire, car

    c’est ensemble que nous recherchons le bien commun.

    Nous sommes réellement passées, dans nos congrégations, d’un mode de vie hiérarchisé à

    un modèle plus horizontal. C’est vraiment étonnant, surtout si on se rappelle la rigidité que

    nous avions connue. Les structures de participation et les modèles de gouvernement en

    collaboration que nous avons élaborés ont été libérateurs [empowering] et porteurs de vie.

    Ces modèles pourraient bien être le don, le cadeau que nous avons à offrir aujourd’hui à

    l’Église et au monde.

    L’évolution de notre expérience communautaire nous a amenées à modifier notre façon de

    comprendre l’obéissance. Voilà qui revêt pour nous une importance primordiale au moment

    de discerner notre façon de réagir à l’évaluation doctrinale. Comment en sommes-nous

    venues à comprendre ce que signifie l’obéissance libre et responsable? Une réponse intègre

    au mandat doit naître de notre façon de comprendre ce qu’est la fidélité créatrice. La

    Dominicaine Judy Schaefer a remarquablement articulé les fondements théologiques de ce

    qu’elle appelle « l’obéissance en communauté » ou « l’attention des disciples ». Ces

    catégories reflètent l’expérience postconciliaire que nous avons faite du discernement et de

    la prise de décision communautaires comme formes d’obéissance dans la fidélité. « Ce n’est,

    dit-elle, que lorsque toutes participent activement à l’écoute active que la communauté peut

    être assurée qu’elle est restée ouverte et obéissance à la plénitude de l’appel et de la grâce

    de Dieu à chaque instant de son histoire. » N’est-ce pas ce que nous avons fait dans cette

    assemblée? La communauté est encore une boussole au service de notre navigation. Notre

    monde a changé. Je célèbre la chose avec vous en reprenant un poème d’Alice Walker, tiré

    d’un ouvrage intitulé Hard Times Require Furious Dancing [Les temps difficiles appellent une

    danse frénétique] :

    Le monde a changé

    Le monde a changé :

    Éveillez-vous et respirez

    tout ce qui est devenu possible.

    Le monde

    a changé :

    Il n’a pas changé

    sans vos prières,

    sans votre détermination

    à croire

    en la libération

    et en la bonté;

    sans votre danse

    à travers

    toutes ces années

    où il n’y avait pas

    de rythme.

    Le monde a changé :

    Il n’a pas changé

    sans votre présence,

    votre amour sauvage

    de vous-mêmes

    et du cosmos,

    il n’a pas changé

    sans votre force.

    Le monde a changé :

    Éveillez-vous !

    Faites-vous le cadeau

    d’un jour

    nouveau.

    8

    5. Comment naviguer? Sans violence

    L’effondrement et la percée d’un changement de paradigme massif forment un processus

    violent. Ce processus appelle la force intérieure d’une réponse non violente. Jésus est en

    cela notre modèle. Son inclusivité radicale a eu de graves conséquences. Il fut rejeté

    violemment parce qu’il menaçait l’ordre établi. Mais il n’y a personne qu’il ait déclaré son

    ennemi et il a aimé ceux qui le persécutaient. Jusque dans la défaite apparente de la

    crucifixion, Jésus n’est jamais devenu victime. Il s’est tenu devant Pilate en affirmant qu’il

    avait le pouvoir de donner sa vie, et que personne ne la lui arrachait.

    À quoi ressemble donc la non-violence pour nous? Ce n’est certainement pas la passivité de

    la victime. Elle nous pousse à résister, au lieu de collaborer avec le pouvoir abusif. Mais elle

    suppose qu’on accepte la souffrance au lieu de la refiler à d’autres. Elle refuse d’humilier, de

    condamner, de menacer ou de diaboliser. En fait, la non-violence exige de nous que nous

    apprivoisions notre part d’ombre et de fragilité au lieu de la projeter sur autrui. Ce qui nous

    renvoie à l’unité fondamentale qui nous relie les unes aux autres, même en situation de

    conflit. La non-violence est créatrice. Elle refuse d’accepter les ultimatums et les prétendues

    impasses sans faire appel à l’imagination pour les recadrer. Le cas échéant, j’ai bon espoir

    que nous saurons reconnaître le comportement dommageable et y résister sans rendre le

    mal pour le mal. Nous pouvons absorber un certain niveau de négativité sans en faire un

    drame, en choisissant de prévenir l’escalade et les coups en retour. Ce que j’espère, c’est

    qu’un certain niveau de violence au moins s’arrêtera grâce à nous.

    Voici un paratonnerre. 9 La foudre, la décharge électrique provoquée par le choc des

    masses d’air froid et d’air chaud, peut détruire pratiquement tout ce qu’elle frappe. 10 Le

    paratonnerre protège en attirant la décharge, en la canalisant et en la dirigeant vers le sol.

    Le paratonnerre ne retient pas l’énergie destructrice, mais lui permet de plonger vers la

    terre pour s’y transformer. 11

    6. Comment naviguer? En vivant la joie de l’espérance

    L’espérance joyeuse est la caractéristique du disciple authentique. Nous attendons un

    avenir plein d’espérance face à tout ce qui semble annoncer le contraire. L’espérance nous

    rend attentives aux signes de l’avènement du Règne de Dieu. Jésus décrit le règne à venir en

    prenant la parabole de la graine de moutarde.

    Arrêtons-nous un instant à considérer ce que nous savons de la moutarde. Même si on peut

    en faire la culture, la moutarde est une plante envahissante, une mauvaise herbe en somme.

    12 L’image que vous voyez représente une variété de moutarde qui pousse dans le Midwest

    américain. Certains exégètes nous disent que lorsque Jésus parle de la minuscule graine de

    moutarde qui devient un arbre assez grand pour que les oiseaux du ciel viennent y faire leur

    nid, il est probablement en train de badiner. 13 Il est ridicule d’imaginer des oiseaux en

    train de se construire un nid sur le frêle arbrisseau qu’est la moutarde. Ce que Jésus veut

    dire, c’est probablement quelque chose comme : Écoutez, ne vous imaginez pas qu’en

    venant à ma suite vous allez devenir comme de grands arbres. Ne comptez pas devenir des cèdres du Liban ou quoi que ce soit qui ressemble à un puissant empire. Mais même le plant de moutarde, flexible et courbé, peut porter la vie. La moutarde est le plus souvent une mauvaise herbe. 14 D’accord, la fleur est belle et c’est une plante médicinale. Elle est savoureuse et elle a des vertus thérapeutiques. 15 On peut la cueillir pour la guérison, c’est

    sa plus grande valeur. Mais la moutarde est habituellement tenue pour une mauvaise herbe.

    16 Elle pousse n’importe où, sans permission. Et le plus remarquable, c’est qu’elle est

    impossible à contenir. Elle prolifère et peut envahir des champs entiers de cultures. 17 On

    pourrait même dire que cette petite nuisance était illégale au temps de Jésus. Il y avait des

    lois qui prescrivaient où il fallait la planter, dans l’espoir dans contrôler la prolifération.

    Bien, que conclure en voyant Jésus recourir à cette image pour décrire le Règne de Dieu?

    Pensez-y. Nous pouvons vivre dans la joie de l’espérance parce qu’il n’y a pas d’herbicide

    politique ou ecclésiastique qui puisse étouffer le mouvement de l’Esprit de Dieu. Notre

    espérance est dans la puissance de Dieu, une puissance absolument impossible à endiguer.

    En nous engageant à vivre notre vie radicalement à la suite de Jésus, nous pouvons nous

    attendre à passer pour une mauvaise herbe qu’il faut absolument chercher à contenir. 18 Si

    les mauvaises herbes du Règne de Dieu sont sarclées quelque part, elles repoussent ailleurs.

    Il me semble entendre Monseigneur Romero : « Si on me tue, je ressusciterai dans le peuple

    salvadorien. »

    Et c’est ainsi que nous vivons l’espérance joyeuse, prêtes à être de mauvaises herbes toutes

    tant que nous sommes. Nous vivons de la puissance de la mort et de la résurrection de Jésus.

    Je garde au coeur une expression de cette foi, qui remonte à l’époque de la dictature au

    Chili : Pueden aplastar algunas flores, pero no pueden detener la primavera. Ils peuvent

    écraser quelques fleurs, mais ils ne peuvent pas retarder le printemps.

     

     

    RÉFÉRENCES

    Michael W. Blastic, OFM Conv., « Contemplation and Compassion: A Franciscan

    Ministerial Spirituality ».

    Robert Beck, Homélie pour le 15e dimanche du Temps ordinaire, le 15 juillet 2012,

    Mount St. Francis, Dubuque (Iowa).

    Judy Cannato, Field of Compassion: How the New Cosmology is Transforming Spiritual

    Life, Notre Dame (Indiana), Sorin Books, 2010.

    Barbara Marx Hubbard, Conscious Evolution: Awakening the Power of Our Social

    Potential, Novato (Californie), New World Library, 1998.

    Joanna Macy et Chris Johnstone, How to Face the Mess We’re in Without Going

    Crazy, Novato (Californie), New World Library, 1998.

    Jan Richardson, Night Visions: Searching the Shadows of Advent and Christmas,

    Wanton Gospeller Press, 2010.

    Judith K. Schaefer, The Evolution of a Vow: Obedience as Decision Making in

    Communion, Piscataway (New Jersey), Transaction Publishers.

    Margaret Silf, The Other Side of Chaos: Breaking Through When Life is Breaking

    Down, Chicago, Loyola Press, 2011.

    Alice Walker, Hard Times Require Furious Dancing, Novato (Californie), New World

    Library, 2010.


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  • « INTERDITS  D’ENFANTS » ?

    Une revendication bien discutable….

     

     

    Etait diffusé recemment sur une chaîne publique un docu-fiction  ainsi intitulé, inspiré d’une histoire réelle : celle d’un couple de français ayant eu recours à une mère-porteuse américaine aux Etats Unis, pour avoir des jumelles.

    Le ton est donné d’emblée, et le parti-pris, évident : ce couple est dans son droit ; et la justice française, qui lui a rappellé qu’il était hors la loi, archaïque et cruelle.

    Nous voici donc dans un film de propagande, qui évacue d’avance toutes les interrogations légitimes du spectateur.

    L’épouse est présentée comme stérile et sans utérus, en raison d’une malformation. Elle ne produit  à priori pas d’ovocytes. Avec quels ovocytes a été fécondé le sperme du père ?

    Nous ne le saurons pas.  Dans le cas d’une donneuse, cette épouse du père n’a aucun lien avec les enfants, encore moins que celle qui les a portés et leur a donné naissance.

    C’est là que le bât blesse en droit français. Jusqu’à nouvel ordre, la mère d’un enfant est  celle qui accouche de cet enfant ; et l’épouse du père peut adopter éventuellement ces enfants, mais certainement pas prétendre être leur mère.

    Le terme de mère porteuse déplait : il est à chaque fois vivement rectifié en « gestatrice » ou « gestation pour autrui ».  Cette novlangue n’empêche pas le réel, comme il est plus soft de dire « mal voyant » ou « décédé », cependant les sujets sont bien aveugles ou morts.

    La « gestatrice » justement, est peu évoquée, et son point de vue presque totalement occulté.

    C’est une mère de quatre enfants, mariée à un officier en retraite, époux soi disant enthousiaste de la générosité de sa femme.

    La fable naïve qui nous est servie est celle que l’on raconte aux enfants : Mary (la gestatrice) est une « bonne fée » qui a prêté son « sac à bébé » parce que Maman n’en avait pas !

    Ne serait ce pas la personne toute entière qui est réduite à être un « sac à bébés », et la maternité considérée comme un simple portage ? La disqualification du maternel  est ce qui menace le plus les femmes en ce moment.

    Générosité, donc ? Un silence pudique est fait sur la nature des 50 000 euros que le couple a déboursés pour cette opération. 50 000 euros, mais encore ? Voyage, certes, agence de « mères porteuses », frais de grossesse et d’accouchement ?....dédomagement, ou rémunération de Mary ? Aux USA, la rémunération de la « gestatrice «  n’est pas interdite, elle est même la norme. Il était peut être difficile d’élever quatre enfants avec une seule source de revenus, et comment trouver un emploi à quarante ans sans avoir de qualification ?

    On est en droit de s’interroger.

    Comme sur une image d’Epinal, on voit les enfants de Mary s’approcher  du ventre de leur mère, qui porte les jumelles des français. Que ressentent ces enfants ? Ont ils des craintes, des interrogations ? nous ne le saurons pas non plus.

    Le point de vue de la gestatrice, ou plutot sa motivation, est vaguement expliqué à la fin :

    Elle même et son mari sont des enfants adoptés. Mais du vécu de cette grossesse-porter deux enfants est fatigant et difficile- de la naissance, de sa relation avec son mari pendant cette période-comment ressent il que sa femme soit enceinte, mais pas de lui ?-de la séparation d’avec les bébés, nous ne saurons rien.  Rien.

    L’attention est entièrement focalisée sur le mal être  d’Elodie, et la malédiction qui pèse sur elle : la stérilité, vécue comme une infirmité honteuse.

    Nous voici dans une association qui regroupe ces malheureuses femmes.

    C’est là l’occasion d’accréditer les pires préjugés sexistes :

    Pour être une « vraie femme », une femme doit enfanter des bébés à elle, sinon, elle est infirme, incomplète , inutile….les hommes le savent bien, qui abandonnent dés qu’ils savent sa stérilité une jeune assistante sociale, pourtant belle et intelligente.

    Ainsi , on pourrait se demander si les femmes, contraintes de se conformer aux stéréotypes masculins-productrices à mammelles ou putains ?- ne sont pas prêtes à tout pour « donner » un ou des enfants à un homme, quitte à exploiter une autre femme ?

    Non seulement la question n’est pas posée, mais la jeune amie ne trouvera d’autre solution à ses maux que le suicide. Message : si vous ne légalisez pas la gestation pour autrui, vous condamnez les femmes stériles au suicide ….

    Jamais n’est remise en question cette obssession des femmes et des couples d’avoir des enfants « à soi », de les posséder en quelque sorte, et d’entrer dans la fiction juridique d’être les seuls parents à tout prix , le prix de l’invraissemblance et du déni.

    La solution de l’adoption est balayée d’un revers de main. Trop long. Nous sommes dans le domaine d’un désir qui doit être satisfait dans l’immédiat. On ne veut pas attendre, 9 mois top chrono, et abracadabra ! l’enfant surgit comme un lapin d’un chapeau, et on le porte sur son livret de famille…On ne le répétera jamais assez, tout ceci relève du fantasme, et nous sommes libres de fantasmer ; mais ce n’est réalisable qu’au prix de très grandes souffrances humaines, et c’est cela qui est condamnable.

     Qu’a l’adoption de si rebutant ?

    Pour adopter, il est nécessaire d’avoir des entretiens avec des psychiatres, des psychologues , des travailleurs sociaux, qui évaluent avec les futurs adoptants leurs capacités à accueillir un enfant. Que les critères retenus soient parfois trop rigides ou restrictifs est un autre problème.

    Ces évaluations sont indispensables dans l’interêt des enfants.

    Le système de la gestation pour autrui ne permet pas d’interroger son désir d’enfant ; il est juste une question de ressources : il suffit d’avoir les moyens de quitter temporairement sont travail , et de débourser entre 50 000 et 100 000 euros. Un simple critère de classe.

     

    Le « combat «  de notre couple-vedette se poursuit donc contre la justice française, qui persiste simplement à dire la loi : la mère de leurs petites filles est américaine, elles le sont aussi,et leur statut est dans un vide juridique qui pose problème. Les « parents » français ont enfreint la loi en voulant valider la fiction qu’ils sont les parents naturels de ces enfants.

    Or,cette justice est ridiculisée, montrée comme bornée, rigide ,inhumaine.

    Les arguments pourtant cruciaux qui leur sont opposés sur l’indisponibilité du corps humain, et la merchandisation du corps des femmes, sont énoncés par des personnages filmés en radoteurs grotesques.

    Disqualifiés d’avance.

    Rideau, la messe est dite. La « victoire » de ces parents doit être la nôtre, ou alors , nous sommes de méchants arriérés.

     

     

    Le débat qui a suivi sur le sujet de la « gestation pour autrui », tout aussi orienté, laissait une impression de malaise.

    Y étaient invitées des personnes triées sur le volet dont on a vite compris les positions favorables à la GPA ; plus deux contradicteurs, pourtant intéressants, auxquels l’animateur et ses alliés coupaient constamment la parole. Lorsque furent évoqués les drames du trafic de mères porteuses en Ukraine et en Inde, qui rentrent dans le cadre de la traite des êtres humains internationalement combattus,on a carrément essayé de les faire taire !  Et affirmer qu’on ne voyait pas de femmes riches porter des enfants pour des femmes pauvres, était indécent, et fut couvert par des bruits de voix !

    Ces personnes auraient elles eu la même attitude face au trafic d’organes ?

    Devant une telle mauvaise foi, et un tel aveuglement volontaire, on reste pantoise.

    Et inquiéte. Car le devenir de l’humanité est en jeu.

     

    Nota : la suite du débat fut heureusement plus nuancé, sur le sujet de l’homoparentalité.

    La présence de jeunes adultes élevés par des couples homosexuels, qui expliquaient avoir eu les mêmes joies et les mêmes difficultés que les autres enfants, était précieuse.

    Cependant, on ne peut que regretter ce « packaging » intellectuel qui se dessine : certains sont pour , tout-en –un, le mariage pour tous, la procréation assistée, et la gestation pour autrui ; ceux qui sont contre ces deux dernières possibilités semblent être aussi contre le mariage pour tous ? Oui, il existe une dramatique absence de  débat dépassionné sur ce que nous sommes en train de faire de L’Humain….

    Michelle Colmard-Drouault

     

     

     

     


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  • Appel à signer une pétition

    Voici le texte d’une pétition initiée par AVAAZ et publiée le 4 Janvier 

    2013


    « Elle n’était qu’une simple étudiante de 23 ans qui voulait prendre le bus le mois dernier, à Delhi,
     quand six hommes ont verrouillé les portes et l’ont violée sauvagement pendant plusieurs heures avec une barre de fer avant de la jeter, nue, dans la rue. Après s’être battue courageusement pour rester en vie, elle est morte samedi dernier.  


    Dans toute l’Inde, des citoyens organisent
     d’importants mouvements de protestation pour que ces agressions cessent. En Inde, une femme est violée toutes les 22 minutes, et seule une infime fraction d’entre elles voient ce crime condamné par des juges. Dans le monde, on estime que 7 femmes sur 10 seront agressées physiquement ou sexuellement au cours de leur vie. L’horreur du drame de Delhi est la goutte d’eau qui fait déborder le vase: aujourd’hui, en 2013, il est temps de déclarer la guerre aux agressions physiques envers les femmes. Nous pouvons gagner notre première bataille en Inde. 

    Le gouvernement, qui a convoqué une commission extraordinaire, est encore à l'écoute des propositions citoyennes pendant 24 heures.
     Il faut instaurer de toute urgence un meilleur suivi judiciaire et un programme de sensibilisation pour changer les comportements masculins qui engendrent des violences envers les femmes. Avec un million de signatures, nous pourrons faire en sorte que les tortures subies par cette jeune étudiante restent à l’avenir un cas isolé. »

     

    Signez cette pétition.

     

    http://www.avaaz.org/fr/inde_la_fin_des_violences_aux_femmes/?fp

     


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  • Des chrétiens, saturés de la surenchère de l’Eglise catholique institutionnelle contre le mariage pour tous, réagissent et appelle à signer une pétition.

    Pétition Trop c'est trop !
    Une manifestation hostile à la loi ouvrant le mariage à tous est prévue le 13 janvier prochain à Paris.
    L’ampleur que prend l’implication de l’épiscopat français dans la préparation de cette manifestation ne peut pas nous laisser indifférents.
    Tout d’abord, rappelons que les évêques n’ont aucun droit à parler au nom des catholiques, qu’ils n’ont jamais consultés. L’épiscopat dit vouloir un débat sur ce sujet pour faire entendre l’opinion publique française, alors qu’il ne tient aucun compte de l’opinion publique dans l’Eglise catholique, ni sur ce sujet, ni sur aucun autre.
    En effet, les chrétiens, catholiques ou d’autres confessions, sont divers dans leur approche de cette question comme des autres questions de société, et nombre d’entre eux étaient présents à la manifestation du 16 décembre 2012, avec leur parti politique ou leur syndicat, ou sous la banderole « Juifs, chrétiens, musulmans, croyants pour le mariage pour tous ».
    Rappelons aussi qu’aucune parole de Jésus dans l’Evangile ne donne d’indication sur ces problèmes de société : la seule urgence, la seule exigence, c’est l’amour du prochain, signe de l’amour de Dieu. Or l’Eglise catholique de Paris semble plus prompte à ouvrir ses bras et ses locaux aux manifestants du 13 janvier 2013 qu’aux SDF. Et, disant cela, nous tenons à saluer les chrétiens « de base » qui, dans les paroisses ou d’autres lieux, mettent activement et discrètement en œuvre l’amour du prochain le plus démuni.
    Il faut dire aussi à quel point les homosexuel-le-s sont blessés, humiliés par des arguments qui, tout en prétendant récuser l’homophobie, font d’eux des égoïstes prêts à saper les bases de la société en n’écoutant que leurs propres désirs. Ces caricatures, qui se multiplient à la faveur des appels à la manifestation, sont autant de douleurs pour ces personnes homosexuelles, et en particulier pour celles et ceux qui sont chrétien-ne-s et se sentent encore et toujours rejetés, comme se sentent rejetés beaucoup de parents chrétiens d’enfants homosexuels. Certaines interventions dans les paroisses ont fait beaucoup de mal.
    Enfin, rappelons qu’il s’agit ici d’une loi civile, qui concerne la République française et ses citoyens. Or la collusion de fait entre l’épiscopat et les partis politiques d’opposition, notamment l’UMP, dans la préparation de la manifestation du 13 janvier 2013, est une atteinte évidente et inadmissible à la laïcité.
    Pour toutes ces raisons, nous appelons les chrétien-ne-s catholiques à manifester clairement leur désaccord aux responsables de leur Eglise.
    Nous ne laisserons pas une hiérarchie qui ne nous représente pas confisquer notre liberté de pensée et de parole.

    Le Bureau de la fédération « Réseaux du Parvis »

     

    Vous pouvez la signer en cliquant sur le lien suivant :

    http://www.petitionpublique.fr/PeticaoVer.aspx?pi=P2012N33833Haut du formulaire

     

    Et pour plus d’infos sur les Réseaux du parvis, voici les coordonnées :

    Les Réseaux des Parvis
    68, rue de Babylone 75007 PARIS
    Tél : 01 45 51 57 13 Fax : 01 45 51 40 31
    Site Internet : http://reseaux-parvis.fr/chretiens-en-liberte/
    Page Facebook : http://www.facebook.com/FederationDesReseauxDuParvis
    Page Twitter : https://twitter.com/EgliseEnLiberte



    Bas du formulaire

     


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  • Les jugements prononcés lors du procès des viols collectifs de Créteil ont étonné la plus part des citoyens, accablé les victimes, et révolté les femmes et les associations pour les droits des femmes. C’est à juste titre. Les peines prononcées ne semblaient pas à la mesure de la gravité des faits : des crimes, commis sur des jeunes filles mineures pour certaines.

    Il ne s’agit pas de remettre en question les décisions de justice. Il est seulement nécessaire de s’interroger sur ce problème : qu’est ce que les membres des jurés populaires-et la majorité des citoyens –connaissent de la réalité du viol ?

    Les déclarations de personnalités publiques lors d’affaires de viol sont consternantes tout à la fois de bêtise et d’ignorance.  Entre ceux qui ont déclaré, au sujet de l’affaire DSK « Il n’y a pas mort d’homme »( !), le journaliste français qui a affirmé qu’il fallait une arme pour commettre un viol ; et le politicien républicain(USA) qui a prétendu, lors d’un discours de campagne, qu’il était impossible de devenir enceinte suite à un viol, parce qu’il existait un mécanisme matabolique qui l’empêchait (sic)… nous nageons certes dans le fantasme pur ; mais l’horreur du réel est évacué.

    Tout d’abord, le viol est assimilé au sexe. Ce qui est faux. Le viol est une manifestation de domination, d’assujetissement et de violence. L’erreur vient de ce que cette violence cause à son auteur une jouissance au niveau de son sexe. Mais à la victime, elle ne cause qu’humiliation, terreur, douleur intense, et traumatisme ; exactement comme la torture.

    Le fait que le viol soit devenu une arme de guerre dans certains pays devrait pourtant mettre en évidence la nature de ce crime, et lui ôter toute connotation sexuelle ou érotique.

    Malheureusement, le fait même que des jurés aient pu prêter l’oreille à l’assertion selon laquelle une des victimes « aimait ça », démontre que tout ce qui touche au vécu des femmes est encore un continent noir. Acquitterait-t-on un auteur de tortures sous le prétexte que sa ou ses victimes étaient masochistes ? Dés qu’il s’agit des femmes, les affirmations les plus absurdes, contredisant toute expérience humaine, trouvent un écho.

    Les descriptions concrètes des viols décrivent des actes de torture : pénétrations forcées vaginale, anale, fellations contraintes. On fait effraction dans le corps de la victime par tous ses orifices, de manière répétée, sans tenir compte de son refus et de ses cris.

    Lorqu’une des victimes de Créteil dit qu’elles avaient l’impression d’être de la viande, c’est exact.

    L’éducation des citoyens doit se faire dés l’école ; elle doit être aussi précise que pour les mutilations sexuelles : une femme violée a le vagin déchiré, plein d’hématomes et d’écorchures, et il peut en être de même de son anus ou de son périnée. La souffrance est intense. Cela peut rendre ultérieurement un accouchement plus douloureux.

    Les blessures psychologiques sont immenses, et durent beaucoup plus longtemps que les douleurs physiques, comme pour la torture. Elles vont de la dévalorisation au dégoût de son corps, en passant par la dépression grave et les bouffées suicidaires.

    Une des victimes décrit ce calvaire. Comment les jurés ont ils pu croire un instant qu’elle se laissait faire « par plaisir » comme le prétendent ses agresseurs ? Pourquoi alors aurait elle porté plainte ? Pourquoi a t-on attendu qu’elle ait le visage fracturé pour intervenir ?

    Cela défie toute logique, tout sens commun.

    En Inde, on a attendu « qu’il y ait mort de femme » pour réagir. Pourtant, les viols collectifs sont nombreux, mais les plaintes n’étaient jusqu’ici jamais prises en considération.

    Et la honte rejaillissait sur la femme et sa famille si le crime était dénonçé.

    Une prise de conscience de l’impérieuse necessité d’écouter la parole des femmes, et de ne plus juger les violences qui leur sont faites à l’aune de valeurs masculines misogynes, s’avère urgente et indispensable.

    Michelle.C.Drouault

     

     


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  • Dans un article paru dans la revue Croire aujourd’hui  A. Wenin traduit Adam par : « l’humain ». (A..WENIN, « Une rencontre manquée », Croire aujourd’hui, n°159 du 1er septembre 2003)

    Actuellement, dans la langue française, c’est ce que nous avons trouvé de mieux pour inclure féminin et masculin dans un même mot. Si nous adoptons cette traduction pour Gn 2-3, cela permet, de décrire l’homme et la femme comme formé-es de la glèbe, recevant une haleine de vie, posé-es dans le jardin, entendant ensemble la parole d’ouverture à tous les arbres et celle de l’interdiction de l’arbre à connaître le bien et le mal. 

    Si nous suivons la lecture inclusive d’A.Wenin, le verset 18 du chapitre 2 peut cependant nous arrêter et rendre difficile l’inclusion du féminin et du masculin dans cet-te Adam 

    Même si on traduit par : "Le Seigneur dit: il n’est pas bon que l’humain soit seul", on peut se demander qui était-il cet humain seul ? La réponse de l’auteur est de considérer Adam comme l’Humain dont l’être n’est pas encore différencié sexuellement. L’interpréter ainsi (et non comme un Adam masculin) comporte un enjeu important. Pourquoi ? Parce que Dieu s’adresse à lui-elle, fait de lui-elle un-e interlocuteur-trice,  lui donne un pouvoir de nomination. Dieu l’associe donc  à son pouvoir. En donnant un nom, il-elle en devient maître-maîtresse. 

    Si Adam est toujours cet-te humain indifférencié-e sexuellement, ce pouvoir est celui des deux sexes. 

    Si c’est l’Adam uniquement masculin, une lecture fondamentaliste peut se servir, s'est servi et se sert encore de lui, pour introduire une image du masculin différente du féminin, dans le sens d’un pouvoir de gouvernement qui n’est donné qu’à l’Adam masculin. 

    C'est en tout cas une lecture non avertie des exigences critiques d'une éthique de l'égalité homme-femme. Cette interprétation a prévalu pendant des siècles au point d’oublier ou d’occulter l’Adam mâle et femelle de Gn 1. 

    Telle n’est pas l’interprétation que suggère la traduction d’ A.Wenin. 

    « Dans le récit, il n’est ni homme ni femme. Ou les deux à la fois. Mais pour le Seigneur Dieu, un tel isolement n’est pas bon. C’est la relation qui fait vivre. » 

    Très beau commentaire qui dit bien l’enjeu et le bienfait de cette différenciation voulue par Dieu et qu’il va opérer. La suite de son commentaire est encore plus novatrice : 

    « La torpeur fait perdre  connaissance  à l’humain. C’est la  manière de dire que ce qui constitue un être dans sa singularité échappe forcément…Dieu prend un côté de l’humain puis ferme la chair à sa place. Cette opération signifie que seul un manque, une perte ouvre un être à l’altérité et qu’une relation authentique n’est possible que si le moi accepte d’être blessé, altéré. »  

    Dans une Bible traduite et commentée comme cela, nous pourrions avoir comme titre à partir du v.27 : « Le premier péché ». Il aurait pour premier auteur l’Adam masculin. 

    En effet ce qui est dit au v.23, à côté de son aspect positif, peut être questionné. Ce n’est pas une parole de dialogue, Adam ne dit pas : « Tu es os de mes os et chair de ma chair ». Il se parle à lui-même. La communication commence mal !  « Il en fait l’objet de son discours ». dit A.Wénin. Mais peut-être encore plus grave, il se donne comme l’origine de « issah » : « Car de ys a été prise celle –ci ». Il croit qu’elle vient de lui. 

    Cette déclaration se veut parole de savoir. Il croit savoir comment cela s’est passé et qu’elle vient de lui alors que le texte nous a bien dit que c’est Dieu qui est l’auteur de cette différenciation, que l’humain féminin comme l’humain masculin a été tiré comme lui de l’humain par séparation : lui, un côté, elle l’autre. Il croit savoir alors qu’il ignore tout puisque tout s’est passé dans un sommeil. 

    Quelle aurait dû être la parole juste ? Peut-être interroger Dieu sur ce qui vient de se passer, sur le mystère accompli, et s’adresser à cette autre maintenant devant lui ? Au contraire, poursuit A.Wénin : 

    « On le voit ainsi reprendre connaissance en gommant ce qu’il ignore, à savoir l’action divine qui a fait de la femme un être singulier, différent de lui. On le voit aussi prendre sur elle un pouvoir que Dieu avait donné à l’humain sur les animaux, le pouvoir de nommer. » 

    Si cette remarque est juste, elle devient un bon exemple de la manière dont une lecture biblique est toujours voilée par des présupposés. On va pointer le péché de la femme en Gn 3/6 et ne pas remarquer cet autre peut-être encore plus grave et qui n’a pas même besoin d’un tentateur extérieur ! 

    Premier péché donc mais qui est aussi celui de la femme. Celui-là aussi a été voilé et combien il est nécessaire qu’il soit  dévoilé. Le péché, ici, au féminin, est le silence. Elle ne dit rien, se laisse dire. Se laisse prendre dans ce refus d’une vraie altérité, au profit du même. Elle se laisse nommer par un autre. Ce mutisme est autant refus de dialogue que le « parler à soi même » de l’humain masculin. Il dit un péché de soumission à l’injustice dont on est victime et donc une possible complicité avec son propre malheur. La femme ici le commet : par son silence elle accrédite la parole qui fait d’elle un objet dont on parle, au lieu d’être sujet parlant. 

    Le texte même à partir du verset 25 à l’air d’entériner cette situation. En effet pour parler de l’humain masculin, le texte va simplement dire l’humain (l’Adam ou le Glébeux, ou l’homme selon les traductions). Comme si le masculin était simplement l’humain à lui tout seul. Simplement  et c’est bien là la faute. Au lieu d’accueillir l’altérité comme un don, le manque comme l’espace d’une vraie rencontre, l’Adam masculin va se vivre comme le sexe premier, parfait, exemplaire et le féminin comme dérivé de lui. Ceci est au fondement de toute l’anthropologie classique discriminente qui va s’élaborer à partir d’une interprétation de l’Adam au masculin. 

     


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