• Un  livre défraye actuellement la chronique : il s’agit de « Marie- toi et sois soumise », de Costanza Miriano, journaliste italienne. 

    Si l’ouvrage a eu un succès incontesté pendant quelques semaines en Italie, il n’a provoqué aucune polémique. Par contre, sa traduction espagnole, éditée par la maison d’édition sponsorisée par le tristement célèbre archevêque de Grenade (voir notre article « Corps brisés, esprits sous influence ») a déclenché la fureur de certains partis politiques, et des organisations des droits des femmes en Espagne. 

    Nous avons tenté d’y voir plus clair, en navigant sur le blog de l’auteure, ses interviews, les commentaires des internautes dans la presse espagnole ; et enfin en explorant la position de Mgr Martinez, qui s’est exprimé pour défendre son poulain… 

      

    Tout d’abord, il existe DEUX livres parallèles : 

    Un à l’usage des femmes : « Marie toi, et sois soumise », dont la couverture évoque une attitude d’humilité et de subordination certaine de l’épouse ; il est présenté comme « une expérience radicale pour les femmes sans peur » 

    Un autre à l’usage des hommes : « Marie toi, et meurs pour elle », 

    « Des hommes de vérité pour des femmes sans peur » 

    Reconnaissons que la presse espagnole parle fort peu du second. 

    Ce sont les deux titres qui ont remporté un succès en Italie. 

    A lire les interviews de l’auteure, et des extraits de son ouvrage, il nous est surtout apparu qu’il s’agissait d’une femme qui vit dans un conte de fées, et certainement pas dans la réalité. 

    Elle reconnaît ne pas avoir écrit un traité de sociologie (nous voilà rassurés), mais vouloir aider les lectrices à « mieux aimer leur mari, et prendre soin de lui, et  demander (à nos époux) de prendre soin de nous (…)  faire l’apprentissage des langages de l’homme et de la femme, qui sont très différents (…) ; apprendre comment assumer tous les différents rôles de la femme moderne :femme, épouse, mère, travailleuse, femme de foi, qui cultive son esprit, mais aime aussi prendre soin de son corps ». 

     Rien de bien extraordinaire ! Ce sont les éternelles recettes des magasines féminins. 

    Mais son propos peut faire penser à une sorte de remake moralisant de « La Belle et la Bête » : 

    Le rôle de la femme dans un couple serait de « montrer à l’homme que le bien et la beauté sont possibles (…) comme une sorte de miroir positif…. » 

    « L’homme tend à l’égoïsme, et la femme peut vaincre cette inclination négative, non en revendiquant, en criant, ou en serrant les poings, mais en montrant la beauté d’un amour total, du sacrifice de son propre égoïsme. »  

    Elle doit faire du foyer une « antichambre du paradis » (….) un lieu magnifique où se reposer la tête… » 

    Costanza Miriano insiste sur la douceur (innée ?) de la femme, qui doit « éveiller les meilleurs sentiments de l’homme, et, « comme dans l’amour courtois, résister au côté animal de l’homme « … 

    « Réclamer en criant le respect de ses propres droits ne sert à rien » ajoute-t-elle. 

    Certes, nous pourrions nous dire que ce livre mérite sa place au milieu des contes de Perrault (encore que certains ne mettent en garde les jeunes filles contre les abus possibles), et hausser les épaules. Mais  sa publication s’accompagne de plusieurs problèmes : 

    -Il ne tient aucun compte de la situation réelle, tant économique que politique, des femmes dans le monde. 

    L’auteure prétend que la violence ne concerne pas les femmes « normales » comme elle (!) ; c’est ce qui montre son degré d’inconscience de ce que vivent la masse des femmes, et surtout son manque de solidarité avec elles. 

    -Il prétend s’appuyer sur une interprétation d’un texte théologique (la lettre de St Paul aux Ephésiens) sans aucune exégèse sérieuse, et tente de faire ainsi pression sur les femmes catholiques pour qu’elles acceptent ce point de vue 

    -Il est sponsorisé par un prélat (l’archevêque de Grenade) qui dans ses commentaires persiste et signe sur une vision du monde manichéenne et infantilisante, qui nie la véritable violence faite aux femmes ; et est par ailleurs accusé par nombre d’espagnols, y compris croyants, d’avoir gardé des sympathies franquistes et des opinions d’extrême droite…. 

    C’est à dire qu’en l’occurrence, l’ignorance tient lieu de savoir. 

      

    1- UNE CONFRONTATION AVEC LA RÉALITÉ 

    Madame Miriano nie absolument justifier la violence machiste, et cela est exact dans les termes de son texte, mais pas dans son signifié ! 

    Elle légitime les stéréotypes de genre ; et nous savons depuis longtemps que les stéréotypes de race et/ou de genre excusent la violence. 

    Si l’homme ne peut s’empêcher d’être animal, alors, violer, frapper, dominer, serait dans sa nature, et non une construction culturelle qui peut être éradiquée. 

    Dire aux femmes que « revendiquer ses droits ne sert à rien »mais que seule la douceur sacrificielle est efficace, est absurde et criminel.*1 

    La confusion entre NON VIOLENCE et abnégation est ici utilisée.
    Si, il faut revendiquer ses droits au respect en tant qu’être humain, mais on peut ne pas le faire avec violence. L’immense majorité des légitimes manifestations de femmes pour leurs droits humains sont pacifiques ; ce sont les pouvoirs masculins qui les répriment avec violence.
     

    L’ignorance totale de l’auteure des mécanismes de violence intrafamiliale est patente ; aussi devrait elle s’abstenir de jouer les conseillères conjugales. 

    Elle accrédite l’idée dangereuse que l’attitude de l’homme va RÉSULTER de celle de la femme, c’est à dire qu’elle en serait responsable. 

    Or, dés qu’une situation de violence survient, qu’elle soit physique ou psychologique, la première phase de sidération passée, la femme pense qu’en MODIFIANT SON ATTITUDE, la violence va passer ; qu’elle n’a qu’à s’ajuster, et tout rentrera dans l’ordre. 

    Certaines épouses d’hommes violents, ou simplement tyranniques, sont de véritables anges de patience et de dévouement, et des femmes appréciées et aimées de tout le monde …sauf de leur conjoint, jamais satisfait. Car le problème est en lui ! 

    Tout homme qui effectue des pressions sur sa compagne pour qu’elle satisfasse ses désirs, a un problème de communication important : il ne peut pas dialoguer et négocier pour tenter de persuader l’autre pacifiquement de son point de vue ; et un problème de maturité : il est incapable de tolérer la frustration (souvent dans le cadre de carences éducatives antérieures). Ou encore, il peut être un pervers qui aime dominer. 

    Dans les deux cas, l’amour, la patience extrême, le sacrifice, ne feront rien, bien au contraire ! Les immatures seront jaloux de la perfection de leur épouse ; et les pervers jouiront de ses perpétuels sacrifices. Nous ne sommes pas à Disneyland ! 

    Les deux catégories d’hommes s’appuient sur les stéréotypes sexistes pour justifier leur domination, aussi les renforcer par de tels propos leur donne du grain à moudre. 

    Un des signes, parmi d’autres, de violence conjugale latente en travail social, est le discours stéréotypé et rigide sur les rôles de chacun. Il ne s’agit pas seulement des tâches familiales, mais de la HIERARCHIE des rôles. Qui décide ? Qui s’incline toujours ? 

    Bien sûr, la journaliste italienne prétend qu’en Italie, l’idée que les hommes et les femmes pourraient n’être pas égaux n’a plus cours ? Si c’est le cas, je me demande pourquoi une marche des femmes contre les violences qui leur sont faites, a eu lieu pas plus tard qu’en Septembre dernier dans une ville du Nord de l’Italie ? 

      

    2- UNE CONFRONTATION AVEC LES TEXTES DE ST PAUL 

    Il semble que l’auteure fasse une lecture fondamentaliste de la lettre de St Paul aux Ephésiens (5, 21). 

    En effet, jusqu’au concile Vatican II, une lecture tout à la fois classique et tronquée en était faite dans les mariages, justifiant l’obéissance et la soumission de la femme : 

    « Que les femmes soient soumises à leur mari comme au Seigneur, parce que l’homme est le chef de la femme comme le Christ est le chef de l’Eglise ». 

    La réciproque, c’est à dire que l’époux » chérisse sa femme comme son propre corps, et l’aime comme lui même » était, la plus part du temps, omise ou minorée. 

    MAIS l’encyclique du pape Jean Paul II »Mulieris Dignitatem » (la dignité des femmes), en 1995  établit une RUPTURE sur ce sujet : 

    Le Souverain Pontife commence par une interprétation contextuelle : Si St Paul parle de la soumission de la femme à son mari, c’est en raison «  d’un enracinement dans les mœurs et les traditions du temps » (ch. 24). 

    C’est pourquoi il nous faut comprendre que la seule soumission légitime est celle de l’Eglise au Christ. Par contre, dans la relation époux/épouse, elle doit être réciproque. 

    Cette interprétation se veut ferme : 

    « Le défi de l’ethos de la Rédemption est clair et définitif. Toutes les motivations de la soumission de la femme à l’homme dans le mariage doivent être interprétées dans les sens d’une soumission RÉCIPROQUE. » (Mulieris dignitatem ch. 24) 

    Donc, même un pape a une exégèse plus progressiste ! 

    Par ailleurs, il nous semble que St Paul est très exigeant envers les hommes : « qui ne prend soin de son corps ? » demande- t-il, l’épouse étant comme le corps de l’époux. 

    C’est à dire que cela peut être interprété à juste titre comme une exigence évangélique absolue d’amour du prochain. 

    Or Costanza Miriano ne parle de cette réciprocité qu’en termes de différence : 

    « Marie toi et meurs pour elle », dit elle aux hommes. 

    Mais dans nos démocraties occidentales, il est bien rare qu’un homme ait à mourir pour défendre ou protéger son épouse !! Et dans les pays en guerre, beaucoup le font spontanément sans avoir besoin d’être ainsi apostrophés. 

      

    3- LES RÉACTIONS DE L’ARCHEVÊQUE DE GRENADE, ET CELLES DES INTERNAUTES 

    Sur son blog, Mgr Javier MARTINEZ défend bec et ongles l’ouvrage de sa protégée. 

    Ce texte n’a « rien à voir avec les relations de pouvoir entre les hommes et les femmes dans le nihilisme contemporain ». Certes, Monseigneur, qui a le pouvoir sur qui ? 

    Les deux livres seraient simplement « une réflexion sur la foi dans le monde contemporain », au milieu de « la culture dominante contemporaine ». Une culture dont il ne précise pas les problématiques ou les enjeux. 

    Puis, il enfourche son dada : « Ce qui facilite la violence sur les femmes est la législation sur l’avortement (…) qui laisse la femme livrée à elle-même sans donner de responsabilité à l’homme ». Quand l’Eglise a-t-elle clamé aux hommes qu’un enfant se faisait à deux, et qu’ils devaient être responsables ? Quand a-t-elle blâmé publiquement les violeurs et les abuseurs ? Jamais ! Au contraire, elle a parfois tenté de protéger des pédophiles, et excommunié la mère d’une fillette abusée. Et avant la législation, les femmes étaient abandonnées aux risques mortels d’avortements clandestins, seules, les futurs pères se désintéressant de la question… 

    Le problème semble en effet la personnalité de l’Archevêque. Rappelons que dans son homélie de Noël de 2009, il avait déclaré l’avortement crime plus abominable que ceux des nazis…. 

    En Espagne, les passions se sont déchaînées surtout contre lui et l’Eglise espagnole ; beaucoup moins contre l’auteure des livres, davantage considérée comme une naïve sous influence. **2 

    Les réactions des internautes sont très violentes, dans une sorte de « backlash » auquel il fallait s’attendre. La blessure du franquisme, et de l’alliance d’une partie de l’Eglise espagnole avec le régime, ne paraît pas totalement cicatrisée, ce qui est normal tant la douleur fut grande pour nombre de croyants. Certains internautes signent fièrement « un républicain ». 

    Beaucoup de commentaires sont carrément anticléricaux : Costanza Miriano ayant déclaré que « si il fallait censurer tout ce qui évoque la soumission, il faudrait brûler la Bible », une internaute déclare : « Brûler la Bible ? Eh bien, c’est la seule parole sensée qu’a prononcé cette femme ! » et un autre répond : « Oui, vite, passez moi une Bible que j’allume la mèche ! ». Ces commentaires sont tempérés par d’autres, qui s’insurgent contre toute idée de censure (certains partis demandent l’interdiction des ouvrages), et disent que quand on commence à vouloir brûler les livres, c’est là qu’on revient à des périodes totalitaires… 

    Le seul résultat tangible de la publication de ces pamphlets, semble être de raviver la souffrance légitime des espagnols d’avoir été trahis par leur Eglise, et d’augmenter la désaffection des fidèles… 

      

    Michelle. C. Drouault, et Michèle Jeunet. 

      

    *  1  Les sites catholiques sont pleins de témoignages de femmes qui se sont sacrifiées pour des hommes égoïstes, parfois violents, et demeurent bien amères au seuil de la vieillesse… 

    Certaines le paient de leur vie, comme à Nantes, en 2011. 

      

     

    ** 2 « Cette brave dame est-elle au courant que nous vivons au XXIème  siècle ? » interroge une internaute  

     

     


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  • Jadis, le 25 Novembre, c’était la Ste Catherine ! Le jour où les jeunes filles non mariées à 25 ans faisaient la fête….une fête un peu honteuse : « coiffer Ste Catherine », ce n’était pas si valorisant…

    Aujourd’hui, c’est la journée où l’on rappelle que partout dans le monde, ce sont les femmes les premières victimes de violence : politique(non représentation), économique(elles sont les êtres les plus pauvres de la planète), sexuelle(90% des personnes victimes de la traite des êtres humains) maternelle( avortements forcés ou interdits, élimination des fœtus féminins, manque d’accès à la contraception) et domestique(les violences familiales sont internationales et touchent toutes les classes sociales).

    Mais les mots, les discours, les pamphlets les livres, sont aussi une source de violence ; et les religions ou les personnes qui s’en réclament y participent largement, hélas, au lieu de la condamner sans équivoque :

    C’est ce que nous verrons prochainement dans un article intitulé « Femmes, la violence des mots », où nous évoquons un ouvrage qui fait beaucoup de bruit….

     MCD et MJ.


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  • La notion d’égalité, une manipulation en trompe-l’œil

    Depuis plus d’une décennie, la plus part des décisions des instances d’arbitrage sur l’égalité hommes/femmes ont eu pour résultat d’accorder aux hommes quelques uns des maigres avantages que conservaient les femmes ; ou d’ôter aux femmes les privilèges liés spécifiquement à leur capacité à être mère.

    Ainsi, les femmes ont eu le droit (et souvent l’obligation) de travailler la nuit, alors qu’il est reconnu médicalement que ce type de poste pour une femme enceinte, allaitante, ou mère d’un jeune enfant est hautement préjudiciable à sa santé.

    On a supprimé des avantages de retraite liés à la maternité, pour en donner aux hommes/pères sous certaines conditions ; on a raboté aussi certains avantages fiscaux pour les mères ayant élevé seules des enfants.

    On a accordé aux hommes veufs le droit à la pension de réversion, mais supprimé l’allocation veuvage, qui empêchait de nombreuses veuves sans profession de tomber complètement dans la misère.

    Une décision européenne a accordé à un citoyen espagnol un « temps de disponibilité à l’enfant » en corolaire aux réductions du temps de travail pour allaitement.

    Mais les assureurs, « au nom de l’égalité », ont été contraints de ne plus pratiquer d’abattement sur les cotisations d’assurance-auto des femmes, qui avaient beaucoup moins d’accidents. Au lieu de valoriser la prudence et le civisme des femmes, on les a pénalisées, et les ligues automobiles, où les adhérents sont presque tous des hommes, se mobilisent dés qu’il est question de réduire les vitesses autorisées….

    J’omet certainement des mesures dont je n’ai pas connaissance.

    Mais en attendant, la véritable égalité est un leurre, et l’écart de rémunération entre les hommes et les femmes en France dépasse encore les 25%, et les obligations des employeurs pour enrayer ce fléau demeurent dérisoires et inefficaces.

     

    Cependant, la plus grande escroquerie intellectuelle au service du pouvoir masculin demeure  la soi disant recherche de « l’égalité parentale ».

    Rappelons que jusqu’à la loi sur l’autorité parentale du 4 Juin 1970 (43 ans seulement !) l’époux et père SEUL avait sur l’enfant tous les droits, représentés par la « puissance paternelle ».

    La mère ne pouvait l’inscrire à l’école, ou décider d’un séjour à l’étranger qu’avec son autorisation écrite. L’enfant relevait automatiquement de l’assurance maladie du père, même si la mère était salariée.

    Jusqu’en 1985 (28 ans seulement !) , le père était seul gestionnaire des biens de l’enfant mineur, au détriment de la mère. Celle ci ne pouvait toucher à un argent qu’elle aurait elle même capitalisé pour son enfant, par exemple, même dans l’intérêt de celui ci.

    La loi sur l’autorité parentale, et celle sur la cogestion des biens de l’enfant ne s’appliquant qu’aux parents mariés, en 1987(loi du 22/7/87) les deux parents non mariés ont la possibilité

    d’exercer en commun l’autorité parentale s’ils en font la demande conjointe devant le juge des tutelles.

    Le balancier était enfin stabilisé.

    La sagesse eut été de ne pas aller beaucoup plus loin.

    Or la loi du 8 janvier 1993, si elle consacre le principe de l’égalité de traitement entre les enfants quelle que soit leur filiation lors des séparations, érige aussi l’autorité parentale conjointe en principe auquel il ne peut être dérogé qu’exceptionnellement si l’intérêt de l’enfant l’impose. *4

    Paradoxalement, c’est à cette époque que se sont développées les formations des policiers et travailleurs médico-sociaux sur les violences conjugales, phénomène jusqu’alors sous estimé et mal connu, sauf par les associations de défense des droits des femmes.

    La délégation aux Droits des Femmes se saisit du problème : une femme en France est tuée par son conjoint ou compagnon tous les deux jours !

    C’est donc au moment où la société réalise combien la domination masculine est violente qu’on répète à satiété cet axiome stupide « le couple parental survit au couple conjugal ».

    Lors d’une séparation, il n’y a plus de couple ! Les parents peuvent garder CHACUN des droits et obligations, mais certainement pas ensemble, et encore moins dans des contextes de violence qui sont si fréquents ! Et dans les meilleurs des cas, parler de couple est préjudiciable à l’enfant qui garde facilement le fantasme de la réconciliation de ses parents.

    Mais peu importe ! On n’est pas à une contradiction prés.

    Les femmes divorcées  ou séparées vont peu à peu commencer à être les otages de leur ex-conjoint, qui, si il est mécontent d’avoir été quitté, ( ce qui est le cas dans prés de 60% des séparations) va utiliser le ou les enfants pour empoisonner littéralement l’existence de leur mère.

    Balbutiantes, les associations de pères se présentent en alliés des féministes et des femmes, faisant croire qu’ils sont prêts à les soulager de cette tâche écrasante qu’est l’éducation des enfants….Que ne le faisaient ils pendant la durée du mariage ? La question reste sans réponse pendant que grand nombre de divorces ont pour cause le délaissement familial de l’époux et père, qui vit sa vie et prend son foyer pour un hôtel, se contentant d’une présence sporadique… les statistiques sur le « partage des tâches » font apparaître de très faibles avancées : 60 à 70% des tâches ménagères et éducatives autour de l’enfant sont assurées par les mères, les pères ayant progressé de 11 minutes par jour en 10 ans ! 

    Mais cette autorité parentale conjointe, là où il y a forcément déchirement, rancune, jalousie, donne une prise formidable à ceux et celles qui n’en finissent plus de se haïr à travers l’enfant. Ils contestent le choix de l’école, des vacances, parfois veulent interdire la fréquentation des grands parents, qui eux aussi saisissent la justice.

     La hache de guerre est déterrée.

    Et au lieu de pacifier la situation, la loi du 4 Mars 2002 va l’envenimer considérablement :

    Elle va consacrer un autre principe : celui de la possibilité de la résidence alternée.

    Oubliant totalement l’idée républicaine fondatrice d’ »intérêt général », le législateur va légiférer pour les classes sociales les plus aisées, la bourgeoisie, qui en imposant son idéologie va provoquer des drames atroces dans les classes populaires, dont les enfants feront les frais.

    En effet la résidence alternée suppose plusieurs préalables :

    -les parents doivent avoir gardé des liens d’estime et de respect mutuel ; ils doivent s’entendre sans conflit sur les règles de vie de l’enfant,

    -les résidences des parents ne doivent pas être trop éloignées, pour la poursuite normale d’une scolarité, et pour éviter à l’enfant la fatigue de transports multiples,

    -les parents doivent bénéficier tous deux de logements suffisamment spacieux.

    -l’âge de l’enfant ne doit pas être inférieur à 3 ans. Jusqu’à cet âge, la stabilité absolue du cadre de vie, et de la personne principale qui s’occupe de l’enfant depuis sa naissance est primordiale. Ce n’est pas une fantaisie, mais une réalité confirmée par l’expérience de la majorité des pédopsychiatres.

    Certains parents plus responsables s’organisent d’une autre manière : ce sont les parents qui viennent à tour de rôle dans l’appartement, et l’enfant ne change pas de lieu.

    Tout ceci suppose des moyens financiers, des facilités, de la disponibilité professionnelle, deux voitures.

    C’est un système qui peut convenir à une élite urbaine aisée. Ceux qui ont les clés, les codes (comme dirait Bourdieu), qui peuvent payer une baby-sitter en cas de problème, ou sauront consulter un médiateur familial si un gros désaccord survient…

    Convient-il aux enfants ? C’est peu probable. Ceux qui sont interrogés se décrivent comme perpétuellement « en transit », ayant toujours oublié quelque chose, avec des existences hachées. Quel adulte, d’ailleurs, accepterait de mener cette vie ? Tous ces bons apôtres de la résidence alternée en ont- ils fait l’expérience pour eux mêmes ? Certains enfants devenus adolescents se décrivent comme des « enfants SDF »….

    Les statistiques sur les parents qui choisissent d’un commun accord la résidence alternée font état d’un revenu moyen de 2163 euros pour les hommes ; 1364 euros pour les femmes.

    Néanmoins, les prestations familiales sont divisées en deux lors de ce type d’arrangement, contrevenant à l’esprit de la loi qui est de corriger les disparités de revenu entre les conjoints pour prendre soin de l’enfant. Les pensions alimentaires versées sont nulles, ou inférieures à 200 euros par mois.  Beaucoup d’avocats ont observé que les demandes de résidence alternée unilatérales n’ont souvent aucun rapport avec l’intérêt de l’enfant, mais surgissent dés qu’intervient une demande de pension alimentaire ! Si le père demeure loin, ou n’a pas l’habitude de s’occuper de l’enfant au quotidien, la mère terrifiée ne demande plus rien : malgré un salaire bien inférieur, elle se débrouillera sans pension, pourvu que son enfant ne soit pas balloté comme un paquet. La résidence alternée est clairement devenue un moyen de chantage.

    Or, la majorité des citoyens français est  actuellement confrontée au chômage, à l’emploi précaire, à la mobilité géographique forcée pour conserver un emploi, aux délocalisations, aux plans sociaux, qui font la une des journaux télévisés. Ils et elles sont en butte aux loyers inabordables, au prix de l’essence, au coût souvent prohibitif de la santé….

    Dans ce contexte, la résidence alternée devient un « cauchemar pour tous » !

    Rendons à nos concitoyens cette justice que la plus part des résidences alternées résultent d’un commun accord….encore qu’il y ait, par suite de chantage ou de pressions diverses, de « faux » commun accord, tout comme il existe des « faux » consentements mutuels, là où un divorce pour faute (violence, maltraitance) se serait imposé.

     Cet accord est explicité dans la Convention remise au Juge aux Affaires Familiales, qui l’entérine, ou peut la modifier.

    Les situations conflictuelles représentent un pourcentage officiel infime des séparations, mais sont montées en épingle par les associations masculinistes « de pères ».

    Et parfois, des magistrats débordés, des avocats lassés, proposent une résidence alternée pour pacifier un conflit, comme si le fait de couper un enfant en deux comme s’il s’agissait d’un bien de consommation pouvait être satisfaisant ! On ordonne des résidences alternées pour des jeunes enfants brutalement séparés de leur mère pour être confiés à un père qui s’est souvent peu occupé d’eux, et peut s’en décharger sur une nouvelle compagne ou une grand’mère.

    Quelques magistrats, campant sur des positions idéologiques, ou totalement inconscients des besoins d’un enfant (ce qui n’est pas rassurant !) ont récemment ordonné par jugement le sevrage de bébés, afin que l’alternance de la résidence puisse être appliquée….

    Cependant, les ravages de la résidence alternée, même au départ consensuelle, commencent à être dénoncés depuis 2004 par des médecins, des pédopsychiatres, et des mères désespérées de voir l’état physique et psychique de leur enfant se détériorer de jour en jour.

    Un certain nombre de pédopsychiatres, alarmés par les dégâts psychologiques sur les enfants qu’ils recevaient en consultation, ont publiquement tiré la sonnette d’alarme, réexpliquant la théorie de l’attachement*5, la nécessité du cadre stable, les conditions d’âge et de résidence impératives pour qu’un tel système soit jouable. Ils le remettent d’ailleurs en question dans son principe, le réservant à des cas très marginaux.

    Pour résumer, un bébé de moins de deux ans ne peut conserver l’image de sa mère que pendant un temps limité, au delà duquel il a le sentiment de l’avoir perdue, et d’être abandonné.(Maurice Berger) Ce qui explique des pathologies psychiques ultérieures ou concomitantes, avec angoisse d’abandon, troubles du sommeil, perte de confiance envers les adultes, et à l’âge adolescent, dépressions chroniques.

    Ce qui est en cause n’est pas forcément un conflit parental, mais des vies morcelées, qui contrecarrent les besoins des enfants jeunes.

    Actuellement, certains enfants en bas âge doivent effectuer des trajets pouvant varier entre 40 et 1300 kms tous les quinze jours pour appliquer une résidence alternée stricte. Nous avons pu lire des témoignages portant sur des enfants de 15 mois, 2 ans, 4 ans, 7 ans…..

    La bonne preuve qu’un père et une mère, ce n’est pas la même chose, c’est que lorsque l’enfant est perturbé, la mère, même si au départ elle était de bonne volonté, veut introduire une certaine souplesse pour essayer de réduire l’anxiété de l’enfant. Et bien souvent, le père refuse, demeurant dans le déni des difficultés.

    Certaines femmes ont l’impression que la résidence alternée est une véritable « arme de guerre », destinée à les punir d’avoir voulu une séparation, dont les enfants font les frais.

    Mais encore une fois, qu’importe !

    La mystification consiste à faire croire que ces solutions violentes pour une majorité de familles, qui n’ont ni le capital économique, ni le capital social et culturel nécessaires pour limiter les traumatismes vécus par les enfants, sont un progrès.

     

    Un pas vient encore d’être franchi avec la proposition de la résidence alternée « par défaut » en cas de conflit ! C’est à dire un perpétuel jugement de Salomon, un enfant clivé, coupé en deux, dont on « jouit », comme d’un bien.

     Une autre disposition, prévoyant l’obligation absolue de communiquer son adresse à l’autre parent quelles que soient les circonstances est plus qu’alarmante : aucune femme ne sera plus à l’abri d’un ex conjoint violent, sous le « prétexte » du ou des enfant(s). Les magistrats français ont d’ailleurs du mal à comprendre le traumatisme que représente pour un enfant le fait de voir sa mère violentée par son père : beaucoup confient encore un droit de visite et d’hébergement à un père qui est un conjoint violent qui a terrifié les enfants, au motif « qu’avec les enfants » , il n’a jamais été violent, et qu’il peut être un bon père !(Pratique qui indigne les magistrats et policiers canadiens)

    Il s’agit encore d’un manque total de capacité d’identification à un enfant comme personne : que diriez vous si on vous enfermait deux jours à la merci d’un agressif violent, que vous avez vu tabasser un ami ou un frère, au motif qu’il n’agresse que les blonds et que vous êtes brun » ?!.

    Cette logique légitime la violence conjugale, comme si elle était particulière, quasi excusable, et n’englobait pas le comportement de la personne toute entière.

    La douleur pour un enfant de voir maltraitée celle qui est son pôle d’attachement est atroce ; elle lui fait de surcroit perdre confiance en son père, elle le remplit de terreur quand il l’approche sans garde-fou. C’est une souffrance dont j’ai été témoin en tant que travailleur social. J’ai vu des enfants confiés pour les week-ends à des pères qui avaient causé à leur mère des blessures graves. Ils revivaient avec acuité les scènes violentes, leur peur et leur impuissance. Souvent, ils étaient malades dès le vendredi soir. Il fallait des expertises psychologiques, des rapports au juge des enfants, avec demande expresse de transmission aux affaires familiales (les juridictions sont très étanches), bref de multiples interventions pour que cesse ce martyr, et ses répercussions sur le plan scolaire et sanitaire.

    Malgré tout cela, la loi s’entête, et se veut « progressiste ».

    POUR QUI EST LE PROGRÈS ? 

     

    Notes :

    * 4 La raison affichée de ce principe d’autorité parentale montre vraiment qu’il existe deux poids deux mesures entre les hommes et les femmes : » les hommes se montreront plus  responsables, ils partiront moins sans laisser d’adresse, si ils ont des droits ! «  Pourtant, pendant des siècles, les mères n’avaient aucun droit, et elles ont été très peu nombreuses, voire rarissimes, à abandonner leurs enfants. De plus cet abandon est deux fois plus mal jugé, et plus mal ressenti par les intéressés une fois adultes.

     

    *5 De par les relations mère/bébé in utéro, au moment de l’accouchement, et au cours de l’allaitement, la mère est la base d’attachement sécure (travaux du pédopsychiatre anglais John BOWLBY,1907-1990 ) qui permet au bébé de s’éloigner progressivement pour explorer le monde( voir aussi S. FREUD, expérience du « for/da)

    Un enfant petit ne s’autonomise que si il est certain de ne pas perdre sa relation avec sa mère quand il s’éloigne d’elle.

    Malheureusement, les travaux de Bowlby, basés entre autres sur son expérience avec des bébés séparés de leurs parents au cours de la guerre de 39/45, ont été détournés, et on en a cité des passages pour culpabiliser les mères qui confiaient leur bébé à une crèche dans les années 70…Pris avec discernement, les exposés tirés des observations de Bowlby sont remarquables.

    La « quantité de présence » n’est pas le facteur prédominant de l’attachement, mais cette stabilité quotidienne de la présence de la mère (même si elle est absente en journée) en particulier le soir et la nuit, avec les rites d’endormissement qui s’y rattachent.

    Voir également les travaux et recherches de Brazelton, et du français Marcel Rufo.

    Tous confirment qu’il existe actuellement une regrettable confusion entre l’égalité du droit au niveau de l’autorité parentale, et l’égalité du rôle au niveau du développement précoce de l’enfant.

     

     

     


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  • Nous commençons une série de 4 articles sur ce « virus mutant ». 

    Problématique

    Comme tout système de domination, la domination des hommes sur les femmes dans les sociétés occidentales mute. C’est à dire qu’elle s’adapte aux avancées incontestables qu’ont connu les droits des femmes, et aux nouvelles normes de ce qui est considéré comme un consensus acceptable de valeurs.

     Ces valeurs résultent des luttes ininterrompues menées par les femmes, mais elles ont été intégrées : la contraception est un droit ; le viol doit être pénalement puni ; les salaires ne doivent pas être discriminants ; la parité doit s’appliquer en politique, etc….Bien sûr, cette manière d’envisager la vie sociale est affirmée en surface, et INDIVIDUELLEMENT, beaucoup d’hommes ne sont pas d’accord ; mais ils sont obligés de le dissimuler sous peine d’apparaître comme des troglodytes, et, pour certains, de ruiner leur carrière politique ou artistique. Ceux qui, ces derniers temps, se sont hasardés à des caquètements de poule à l’intervention d’une députée, ou à des propos sexistes sur la meilleure place des femmes aux confitures qu’au conseil municipal, en ont fait les frais : amendes financières, et blâmes publics. Car parfois, la surface policée se craquèle, et surviennent les petites phrases qui traduisent le fonds de leur pensée. Les « il n’y a pas mort d’homme » au sujet d’un viol, les « qui va garder les enfants ? » au sujet d’une femme politique candidate à une élection…..les « salope » murmurés entre les dents, et opportunément enregistrés par un journaliste…

    Cependant, le moyen le plus sûr de continuer à dominer collectivement reste encore de se servir des concepts qui sont consensuels pour les détourner, les instrumentaliser au service du pouvoir. Et de faire apparaître, sublime supercherie, les personnes ou les groupes qui dénoncent ces procédés comme réactionnaires !

    ( « comme il sait, avec ruse dernière/ se faire un beau manteau de tout ce qu’on révère » disait déjà Molière dans « Tartuffe »…)

     

    Première mystification : la laïcité, une instrumentalisation des lois

    Comme nous le rappelions voici peu sur ce site, l’Etat seul, en France, est laïque, c’est à dire qu’il ne peut y avoir aucune religion, aucun culte, qui soit officiel ou favorisé et subventionné ; et que tous les fonctionnaires de l’Etat, ses moindres représentants, doivent être neutres, et ne montrer ni professer aucune religion DANS L’EXERCICE DE LEURS FONCTIONS.

    Par contre, la liberté religieuse, et le droit d’exprimer ses convictions pour l’ensemble des citoyens, restent inscrits dans la Constitution.

    On a voulu faire croire que le devoir de neutralité s’étendait à tous les citoyens français, et la répression s’est particulièrement abattue sur les femmes et les filles musulmanes, puisque l’expression de leurs convictions passe par le fait de se couvrir les cheveux.* 1

    Au nom de la laïcité, des petites filles, des jeunes filles, ont été exclues du savoir, de la connaissance, de la possibilité d’accès à un métier valorisant, et renvoyées chez elles à faire le ménage tout en prenant des cours par correspondance ! Julie-Victoire Daubié, première bachelière française en 1861, a du s’en retourner dans sa tombe !

    Voilà comment le droit chèrement acquis des femmes à l’éducation et à l’instruction a été battu en brèche.*2

    On a pu entendre à l’occasion de ces « affaires de foulard », un florilège de préjugés aussi sexistes que racistes, visant à présenter l’ensemble des femmes et des filles comme des personnes faibles et manipulables, qui ne pouvaient avoir de réelles convictions personnelles.  Les mouvements d’extrême droite identitaires se sont saisis de ces affaires en les présentant comme un grave problème, manipulation qui rappelle les fantasmes de « complot juif » ou sur la franc-maçonnerie qui avait cours dans les années 30 et 40. La légende du complot franc maçon qui infiltrerait la sphère politique, est d’ailleurs remise au goût du jour par certaines mouvances…

    Et plusieurs  organisations féministes n’ont pas vu que le critère de l’oppression des femmes était la CONTRAINTE : être forcée à porter ou retirer un foulard rentre exactement dans la même logique de possession des femmes. Nulle part il n’existe de police qui se préoccupe de l’apparence des hommes !*3

    On peut noter au passage que les « Femen » qui découvrent leurs seins, ( symbole de la reproduction que les hommes veulent contrôler) scandalisent autant que les femmes en tchador ou en niqab, voire en simple voile : il s’agit toujours d’actes VOLONTAIRES et revendiqués des femmes de couvrir ou découvrir une partie de leur corps ; et c’est cela qui hérisse ces messieurs….

    Michelle. C. DROUAULT

    Notes :

    *1 Il ne nous appartient pas, si nous ne sommes pas musulman-es, de juger du bien-fondé théologique de cette pratique. C’est un débat qui doit avoir lieu à l’intérieur de l’Islam, et non hors de son cadre, par des « spécialistes de »…

    *2 Oui, un droit chèrement acquis, puisque, bien qu’elle ait réussi l’examen, Julie Daubié a eu beaucoup de mal à obtenir le titre : « lui donner officiellement son diplôme de bachelier és lettres…ridiculiserait le Ministère de l’Instruction Publique », clamait un ministre. Ce qui n’empêchera pas Julie d’obtenir sa licence de Lettres en 1872 !

     *3 Sauf en Iran, où la police des mœurs s’assure effectivement qu’ils ne circulent pas en short…

     

     


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