• « Les féministes de gauche et les femmes catholiques  doivent combattre ensemble les tentatives de légalisation des ventres de louage »(Gestation Pour Autrui)

     

    C’est ainsi que s’exprime l’écrivaine et juriste espagnole Lidia Falcon dans l’hebdomadaire « Publico », en préambule à un entretien avec M. Térésa Compte, une chrétienne engagée.

     

    « Dans notre société, la femme est un objet vendable » (littéralement « mercantilisable ») poursuit elle.(…) Comme norme morale d’une société, la capacité reproductive des femmes ne doit JAMAIS pouvoir se vendre ou se louer ».*

     

    Son interlocutrice, catholique, est absolument d’accord avec elle, et déplore que l’Église ne participe pas également davantage à la lutte contre les violences conjugales et la prostitution, qui sont de véritables fléaux.

     

    « Les femmes prostituées sont des sujets de droit , bien que les hommes veuillent l’ignorer », renchérit Lidia Falcon.

     

    Les deux femmes, après avoir défini ce qui les sépare (elles ne pourront jamais être en phase sur la question de l’avortement) poursuivent un dialogue fructueux sur leurs axes de combat pour la pleine dignité des femmes dans le monde.

     

    Comment se fait il qu’en France un tel dialogue ne soit pas possible ?

     

    Comment se fait il que les femmes s’avèrent si peu désireuses de dépasser leurs divergences pour s’unir contre l’ennemi commun, qui est la domination masculine et l’exploitation des femmes ?

     

    Une union comme celle de nos deux interlocutrices espagnoles s’opère aussi au Québec, où il existe des religieuses féministes ; certaines appuyant la défense de toutes les femmes, y compris lesbiennes, contre les discriminations.

     

    La France semble être le pays des « cases idéologiques » où il faut ranger systématiquement les auteur(e)s ou essayistes, et même les citoyennes, dans un processus qui n’autorise aucune nuance, ni aucune possibilité de nouvelle dialectique.

     

    Qu’il ait fallu justifier la teneur de ce blog, et expliquer qu’être féministe et croyante n’était pas un grand écart entre deux positions irréconciliables en est la preuve.

     

    J’ai pu constater avec tristesse et déception que les catholiques françaises dans leur grande majorité ne veulent pas accepter le fait que toutes les luttes de femmes soient coordonnées, et que la place des femmes dans l’Eglise soit étroitement liée à leur statut dans la société civile.

     

    Si au Québec plus personne ne s’aventurerait à contester qu’il y ait communément des jeunes filles servantes de messe, c’est bien parce que dans la société civile les cheffes d’entreprise, dirigeantes d’organisations, femmes politiques, sont nombreuses et acceptées comme des évidences.

     

    Rappelons que la France est un pays où une ministre a été sifflée en plein Parlement parce qu’elle arborait une robe à fleurs, ce qui serait inimaginable dans un pays anglo-saxon sans provoquer la démission immédiate des trublions. La France demeure archaïquement sexiste, et le harcèlement au travail ou dans la rue est monnaie courante ; les meurtres de femmes par leurs compagnons sont vus comme des « faits divers », et le « plafond de verre » tapisse toutes les sphères de la société : envers et contre tout, les femmes ne sont que 27% à l’Assemblée Nationale(sont elles vraiment représentées ?) elles gagnent 26% de moins que leurs homologues masculins, 11% d’entre elles seulement sont cheffes d’entreprise.
    Par contre 52% des personnes en dessous du seuil de pauvreté sont des femmes élevant seules des enfants ; et une femme meurt tous les 3 jours sous les coups d’un partenaire.

     

    Une pétition ahurissante a réuni voici presque deux ans un nombre considérable d’hommes issus des media et du monde artistique français revendiquant le droit d’acheter les corps des femmes prostituées sous le fallacieux prétexte du « droit au plaisir » (pour qui ?) .

     

    Et à l’heure où j’écris ce texte, je viens d’exprimer ma solidarité aux « FEMEN » accusées d’exhibition sexuelle parce qu’elles avaient manifesté  torse nu contre la relaxe de M. Strauss-Kahn , soupçonné de complicité de proxénétisme  dans le procès du Carlton. On atteint là le comble du « deux poids deux mesures » : l’indécence n’est pas du côté des exploiteurs des femmes, mais de celles qui combattent l’exploitation.

     

    Les catholiques françaises sont logées à la même enseigne : on leur interdit l’accès à l’autel sous le prétexte oiseux d ‘« impureté »(un résidu du paganisme) pendant que l’indulgence pour les prêtres pédophiles vient tout juste d’être freinée par le Pape François.( L’agression d’un enfant n’est elle pas la pire des impuretés ? les coupables restent prêtres…)

     

    D’aucuns estiment que la condamnation des pédophiles dans l’Eglise française reste bien molle…

     

    Église ou société civile les mâles gardent leurs privilèges, et les femmes doivent rester sous contrôle.

     

    Côté féministe, je suis également chagrine de constater qu’on ne parle plus de Libération des Femmes, mais uniquement des droits des femmes ! Or même si les femmes acquièrent des droits formels, elles ont un besoin urgent et profond de se libérer des mentalités misogynes, et des carcans de pensée qui les empêchent justement de s’unir et de débattre les unes avec les autres de « qu’est ce qui pour nous constitue une oppression ? » dans des espaces non mixtes où leur parole ne peut être disqualifiée.

    Nous avons besoin de nous libérer de la pensée masculine, et de voir par nos propres yeux.

     

    Tant que les femmes seront sous la tutelle de catégories de pensée masculine dont elles ne parviennent pas à s’affranchir, tant qu’elles se feront les ventriloques de « la Voix de son Maître », elles continueront à s’opposer stérilement les unes aux autres au lieu de poser de fructueuses controverses ; et elles ne pourront pas s’unir sur des objectifs déterminés.

     

    Nous verrons dans un article ultérieur les exemples de deux sujets emblématiques : le voile et l’avortement. A suivre, donc…

     

    Michelle. C. DROUAULT

     

    * cet entretien  a eu lieu à l’occasion de la tenue d’une sorte de « Foire de la Gestation pour Autrui » à Madrid, très controversée, à laquelle participaient de nombreuses « agences  de maternité de substitution »

     


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