• ALICE AU PAYS DES TARTUFFES

    J’allais écrire sur la polémique aussi surprenante qu’artificielle qui continue d’enfler sur le dernier livre d’Alice Coffin « Le Génie Lesbien », lorsque j’ai appris que cette dame avait été  licenciée de son poste à l’Université Catholique de Paris où elle donnait depuis prés de 8 ans des cours hebdomadaires de journalisme. Son cours « Media et pouvoirs » semblait très apprécié.

     

    Alice Coffin, journaliste, autrice, élue EELV à la Mairie de Paris, s’est trouvée sur le devant de la scène lorsqu’elle a contribué à la démission de Christian Girard, adjoint à la culture, et  soupçonné d’être impliqué dans l’affaire Gabriel Matzneff((auteur sous le coup d’une enquête judiciaire pour viols sur mineurs).

    Le soutien inconditionnel et prématuré des élus municipaux à Christian Girard avait été vilipendé par Madame Coffin. Vigoureusement. A la suite de ces interventions, elle a fait l’objet d’insultes lesbophobes, de cyberharcèlement , et de menaces telles, qu’elle a été placée sous protection policière.

    La polémique récente porte sur quelques passages de son dernier livre.

    Je la soupçonne d’être entretenue par ceux qui ont tout interêt à présenter les féministes comme des hydres assoiffées de sang(masculin de préférence) afin que les autres femmes se détournent d’elles ; et aussi sans doute à discréditer la lutte contre la pédocriminalité.

     

    Dans son essai, l’autrice explique donc essayer d’éliminer de sa bibliothèque un maximum d’œuvres écrites par des hommes. Et de même, préférer les films, tableaux, photos, toutes œuvres d’art créées par des femmes. Car l’Art, dit elle, est une sorte d’extension du regard des hommes où elle ne se retrouve pas.

    Voilà une opinion  personnelle. Que l’on peut partager ou pas. Et qui ne s’accompagne d’aucune agression contre qui que ce soit.

    Mais certains sont allés tirer quelques phrases de leur contexte(ont ils lu la totalité de l’ouvrage ?) pour affirmer sans vergogne que Mme Coffin voulait « éliminer tous les hommes », et incitait les femmes à le faire…Cette fable tourne en boucle sur les réseaux sociaux , suscitant des indignations ridicules ou outrancières, peu soucieuses de la vraisemblance d’une telle posture.*

      A l’appui de son exclusion, l’Université Catholique de Paris affirme que l’attitude d’Alice Coffin n’est « pas compatible avec ses valeurs ». Quelles valeurs ? Mme Coffin n’a jamais fait mystère de son orientation sexuelle qui ne lui a , jusqu’alors, nullement été reprochée (c’est heureux !).

    L’Université désapprouverait elle ses protestations contre la persistance à un emploi public d’un homme sous le coup d’une enquête judiciaire dans le cadre de viols présumés sur mineurs ? On n’ose le croire !

    Se gendarmerait elle de ses propos sur son célibat :« Ne pas avoir de mari me permet de ne pas craindre d’être battue, violée, voire tuée », alors qu’un 74 éme féminicide par un conjoint vient d’avoir lieu depuis Janvier dernier ?  7 meurtres par mois !

    Alors, quelles valeurs ?

    Priver de ses fonctions , de sa réputation, et d’une source de revenus une femme sur la seule foi de polémiques médiatiques haineuses n’est pas honorable.

    Mettre encore davantage en difficulté une femme déjà insultée, blessée par des groupes extrémistes est il chrétien ? Certainement non !

    « Ils m’ont enfoncé la tête sous l’eau », a déclaré Mme Coffin au sujet de l’Université.

    Bravo ! A ce prix se targuer de sa foi catholique semble une imposture.

     

    Virginia Woolf  disait que la littérature écrite par des femmes était essentielle, car elles montrent comme important ce que les hommes pensent anodin ; et elles décrivent comme anodin ce que les hommes jugent important.

    C’est profondément vrai ; et en ce sens je rejoins Alice Coffin : changeons de regard. Le monde s’en portera mieux !

    Cependant, je lui ferais observer que certains auteurs, hommes et femmes, ont su dépasser leur sexe et leur genre pour nous parler de l’Humain, en se mettant complètement à la place du sexe opposé. Je pense à Tahar Ben Jelloun, Yasmina Khadra, ou Marguerite Yourcenar, pour ne citer qu’eux.

    Et je préfère mille fois les écrits des hommes que sont les deux premiers, à ceux d’autrices visiblement alliées du système patriarcal. 

    La misogynie, hélas, n’a pas de sexe.

    J’ai envie de lui dire aussi que nous avons besoin les uns des autres : les militaires, gendarmes pompiers, qui ont secouru et secourent encore héroïquement leurs concitoyens en ce moment dans mon département sinistré sont majoritairement des hommes…

    J’ai envie de lui poser la question de l’inévitable altérité, et de sa reconnaissance :elle ne pourra constamment éviter l’Autre…

     

    Mais malgré ces points de désaccord, je soutiens la liberté de Mme Coffin d’écrire ce qu’elle veut sans avoir à le payer de sa sécurité et de son gagne-pain.

    Je demande qu’on juge les femmes sur leurs capacités professionnelles, et pas sur leur aptitude à se taire devant les injustices et les inégalités de la société.

     

     

     

    Michelle C. DROUAULT

     

     

     

    *Note : une élue a franchi le Rubicon en comparant Alice Coffin à Eric Zemmour, récemment condamné pour incitation à la haine raciale ; et une secrétaire d’Etat vient de parler d’Apartheid…


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