• Femmes et chatiment

    L’enlèvement au Nigéria de 223 fillettes et jeunes filles lycéennes (53 ont pu s’échapper) par la secte « Boko Haram » (littéralement « ce qui vient d’Occident est illicite »)  qui les retient en otages, après s’être vantée de procéder à leur vente en tant qu’esclaves, ou à leur mariage forcé, occupe en ce moment, bien tardivement, le devant de la scène médiatique.

    Bien tardivement, parce que ce forfait remonte au 14 Avril, voici presque un mois.

    Et que les ravisseurs ont eu trois semaines pour les transférer dans une autre région d’Afrique.

    D’après Amnesty International, l’armée nigériane aurait été avertie de rumeurs d’enlèvement imminent, mais n’aurait pas agi avec assez de réactivité.

    C’est la mobilisation des parents des jeunes filles, puis des ONG, et enfin de l’opinion publique internationale, qui a fini par enfler jusqu’à provoquer l’intervention de Michelle OBAMA : « Ce qui s’est passé n’est pas un incident isolé » a déclaré la Première Dame des Etats-Unis, « c’est le genre d’histoires que nous voyons tous les jours , tandis que des jeunes filles dans le monde entier, risquent leur vie pour poursuivre leur projet de vie ».

    J’ai traduit « ambitions » par « projet de vie », parce que deux évènements tragiques, qualifiés de « faits divers » par la presse française, ont eu lieu ces jours derniers ; et qu’ils démontrent que depuis l’enfance jusqu’à l’âge mûr, les filles et les femmes ne sont aucunement libres de poursuivre leur vie comme elles l’entendent ; d’avoir accès au savoir et à l’autonomie.

    Dans une proche banlieue ordinaire de Paris, un homme séparé de son épouse vient récupérer des affaires au domicile où cette dame vit avec leur fille de 3 ans et demi.

    Il fait montre de violence avant même d’avoir franchi la porte, et elle appelle la police.

    L’homme parvient à pénétrer dans le logement, et malgré l’intervention massive des policiers s’enferme dans une pièce avec l’enfant qu’il tue de plusieurs coups de couteau.

    Le même jour, dans une autre banlieue, un fonctionnaire de police (!) venu ramener sa fille de 4 ans à son ex-compagne après une journée passée avec l’enfant, menotte et bâillonne la mère, et tue la petite fille à bout portant, avant de retourner son arme contre lui.

    Que sa compagne refasse sa vie lui aurait paru insupportable ? (c’est l’hypothèse avancée par la presse). Ce geste était donc bien dirigé contre elle….

    La mort de ces deux fillettes s’ajoute au féminicide qui se poursuit partout dans le monde.

    Rappelons que près de 117 millions de fœtus féminins sont éliminés parce que féminins avant même leur naissance.

    Mais aussi, ces évènements sont tous liés par une constante : la PUNITION, terrible, atroce, des filles qui veulent s’instruire et avoir une profession* ; des femmes qui osent vouloir se séparer du père de leurs enfants.

    Un organe de presse sur internet précisait à juste titre que jamais la presse écrite ne parle d’infanticide quand c’est un père qui tue son enfant, comme si ce droit de vie et de mort d’un père sur ses enfants, comme à l’époque romaine, pouvait être justifié ; alors que de la part de la mère, il est inexcusable. Ce sont des meurtres d’enfants, et la souffrance de la séparation ne peut en rien les justifier. Ce ne sont pas des « drames de la séparation », ce sont des punitions exemplaires. Comme le soulignait N. HENRY, l’auteure de « Frapper n’est pas aimer », si les femmes hésitent à fuir le foyer d’un homme violent, rien d’étonnant : voilà ce qui arrive à celles qui partent ! Le message est clair. Même si il a mis fin à ses propres jours ensuite, un père qui tue son enfant devant sa mère peut être absolument sûr que la vie sur terre de cette mère sera détruite à tout jamais. Et, consciemment ou inconsciemment (c’est aux experts psychiatriques d’en juger, mais la plus part d’entre eux s’accorde sur cette notion de punition), c’est ce qu’il veut ! Bienvenue en enfer !

    Qualifier la secte pseudo-islamique de « monstrueuse » sans jeter les yeux sur l’actualité occidentale, et la portée symbolique de tous ces actes, permet aussi de rester dans l’illusion.*

    La violence n’a pas besoin de monstres, elle peut être le fait d’hommes bien ordinaires.

    Et si elle se perpétue, c’est que les sociétés les permettent.

    Elle commence avec les mots, avec « la place des femmes » :

    « Les femmes à la cuisine, pas à la mairie », s’était vu taguer sur sa permanence une candidate aux municipales voici quelques semaines.

    Que des hommes nous proclament esclaves, ou que nous le soyons dans leur tête, briser les chaînes est un vaste combat.

     

    Michelle. C. DROUAULT

     

    * 1 La jeune Pakistanaise Malala a échappé de justesse à un assassinat simplement pour avoir parlé en faveur de l’éducation des filles.

     

    *2 : que le but visé par les ravisseurs soit autre (rançon, pouvoir) est possible, mais le résultat du message est là !

     

     

     

     

     

     


  • Commentaires

    1
    Alice Damay-Gouin
    Mardi 20 Mai 2014 à 15:22

    Lycéennes enlevées par Boko Haram. J'ai été émue lorsque j'ai appris cette horreur mais je me suis surtout sentie particulièrement impuissante. Il existe une association internationale qui permet de lancer une pétition. Mais pour réagir auprès de qui ? Puisque ce sont des bandits, sans foi ni loi, et sans domicile fixe ! Vous dîtes que cela a commencé à bouger après l'intervention de Michelle Obama. Alors, je me mets à penser... Votre blog n' est-il pas être un lanceur d'alerte ? Vos lecteurs-lectrices pourraient donc, vous signaler un fait, le diffuser sur votre blog, mais aussi, pour qu'ensemble, nous puissions trouver des personnes influentes pour mener une possible action !

    Par exemple : je lis dans « M le magazine du monde du 17 mai 2014 » :

    « le 30 avril, le sultan de Brunel, Hassanal Bolkiah, a instauré la charia sue le territoire de son micro-Etat d'Asie du Sud-Est. Depuis, il affronte une révolte...Relayés par les réseaux sociaux, les appels au boycott des hôtels de luxe de la chaîne Dorchester, propriété du monarque »...

    Boycottons... mais j'avoue que je ne fréquente pas ce genre de lieux !

     

     

     

    2
    Alice Damay-Gouin
    Mardi 20 Mai 2014 à 15:47

    Vous faîtes référence au ''pater familias' de la Rome antique qui avait droit de vie ou de mort sur les différents membres de sa famille. Il me plaît à penser à cet homme qu'une personne de son entourage avait surnommé ''le Patriarche''. Bien sûr, il n'a jamais été à l'image du pater-familias, mais il aimait assez bien régenté tout son petit monde. Et sa joie était de voir tout son monde réuni autour de lui, lors d'une fête ! Et sa famille était nombreuse !!! Mais cette descendance n'est-ce pas ce qui est promis, comme le plus merveilleux des cadeaux, à Abraham, ce patriarche père d'une multitude, d'un peuple de croyant/es. Ce patriarche à qui je rends hommage a eu une vie bien remplie et pouvait contempler son œuvre, même si, au fil du temps, il lui a fallu apprendre à s'effacer pour laisser les enfants grandir, vivre leur vie...Aujourd'hui, dans notre société, quelle est l'image du père ? Ce père doit composer avec une mère. Quelle relation entre les parents et le ou les enfants ?

    Je ne sais pourquoi avoir envie de parler de cet homme, après avoir lu votre article ! Peut-être un antidote ?

     

     

    3
    Alice Damay-Gouin
    Mardi 20 Mai 2014 à 16:08

    Dans votre texte, vous faîtes référence à 2 faits divers tragiques. Je voudrais en rappeler un 3ème : « un père de famille se hissant tout en haut d'une grue pour réclamer le droit de voir son enfant ». Qui sommes-nous pour dire que ces hommes qui en arrivent à tuer leur enfant, devant les yeux de la mère, et à se suicider, agissent pour punir la mère, la femme ? Ne peut-on pas se demander comment on peut en arriver-là, trouver la vie si insupportable qu'on pense qu'il vaut mieux tuer son propre enfant afin de lui éviter ce que lui, vit. Certains hommes peuvent agir ainsi pour punir la femme, je peux l'admettre mais je crois aussi que certaines femmes sont suffisamment perverses pour détruire psychiquement et physiquement leur mari et l'amener à accomplir un tel geste ...

    4
    michelle
    Mercredi 21 Mai 2014 à 18:59

    Ces "pères en haut des grues" sont instrumentalisés par des réseaux masculinistes. Si ils ne voient pas leurs enfants, c'est en raison de violences pour lesquelles ils ont été pénalisés.

    les femmes ne sont, en aucune manière, responsables de tels errements….

    5
    Alice.Damay-Gouin
    Samedi 24 Mai 2014 à 10:39

    Bonjour, Michelle. Je suis profondément attristée par votre réponse. Comment peut-on faire une affirmation aussi péremptoire , un jugement définitif, aucune remise en cause de la femme . Or , hommes ou femmes, nous ne sommes pas blanc/hes comme neige.  Selon vous, L'homme a fauté , il a la peine qu'il mérite....Cela me pose des questions sur le titre "Féministe croyantes" Cela me pose question sur votre façon de concevoir une réinsertion possible! Cela me pose question sur votre recherche du bien de l'enfant...

    Je vous signale qu il existe des endroits où le parent (jugé fautif/ve) peut voir son enfant mais en n'étant pas seul/e avec lui, avec elle; car l'enfant a peut-être besoin de voir son père et sa mère.

    je suis aussi profondément attristée de constater que vos propos péremptoires, vos jugements, ne provoquent aucune réaction; Votre groupe est-il en parfait accord avec vous? .....Je répète qu'il existe aussi des femmes qui détruisent leur compagnon au point de voir celui-ci en arriver à ces solutions extrêmes...

    6
    michelle
    Samedi 28 Juin 2014 à 11:50

    Il me semble, Alice, que vous vous méprenez sur le sens de ce que j'écris. C'est un simple constat: les "pères en haut des grues" sont des personnes souvent perturbées(voir mes articles précédents) et qui ne voient pas leurs enfants en raison de condamnations pour violences.Ce qui ne veut pas dire qu'ils n'en souffrent pas.Oui, les lieux passerelle existent,professionnelle du social, je les connais bien. Mais souvent,le contact est impossible à établir. (le père ne se présente pas, ou l'enfant est encore terrifié) Par ailleurs, ils sont peu nombreux.

    quand je dis que les femmes ne sont en aucune manière responsables des errements de conjoints violents/et/ou perturbés, ce n'est pas moi qui le dis! c'est , en travail social, aussi bien qu'en thérapeutique, ce qui est affirmé aux femmes traumatisées par la violence familiale: elles n'y sont pour rien.

    Qu'il existe des femmes qui veulent détruire leur ex-compagnon, c'est possible. Personne ne le nie. mais enfin, chacun est responsable de ses actes, et les "solutions extrêmes" qui vont parfois jusqu'au meurtre, ne sont jamais justifiables.

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    7
    belle province
    Jeudi 3 Juillet 2014 à 10:53

    @Alice: Madame, vous déplorez le faible nombre de réactions, je vais en avoir une: vous semblez représentative de la confusion dans laquelle est l'opinion publique, confusion bien entretenue d'ailleurs! la responsabilité de l'échec d'un couple, incombe en effet en général aux deux partenaires. Mais la responsabilité d'actes violents incombe au seul auteur des violences.IL n'existe pas de provocation à la violence. Par ailleurs, vous lisez juste ce que vous voulez bien lire Il me semble que dans l'article sur le "virus muant" de la domination masculine, il est dit que les mouvements de pères manipulent les "pères en haut des grues" au lieu de les aider à des démarches qui favoriseraient leur réinsertion, et donc leur droit de visite....

    8
    Alice Damay-Gouin
    Jeudi 3 Juillet 2014 à 16:52

    Bon, je suis dans la confusion..., selon vous...  !!! Que dire? Comment espérer un dialogue ?

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