• Pour une indépendance spirituelle

    Pour une indépendance spirituelle

    Il était important pour nous les femmes des années 70 qui avons pris le relais des suffragettes, et des premières féministes anglo-américaines, de proclamer notre totale volonté d’une véritable autonomie de pensée.

    Pour ce faire, il fallait se libérer de tous ceux qui voulaient penser à notre place, et nous assigner un rôle dont nous restions prisonnières. La fameuse position de « complémentarité » dont les Tunisiennes ont failli faire les frais voici peu de temps ; et qui heureusement, grâce à la pression d’hommes et de femmes déterminés, est restée à l’état de velléité….

    Les suffragettes avaient réclamé leur dignité avec leurs droits civils ; les mouvements de libération des femmes demandaient la libération des corps, les corps des femmes dont le patriarcat, allié aux religions, prétendait disposer.

    « Ils ne décideront plus pour nous », disait une affiche qui représentait un juge, un médecin, un prêtre.

    Seulement voilà, « jetant le bébé avec l’eau du bain », celles d’entre nous qui étaient croyantes ont du abandonner leur religion. Maîtrisant mal les textes et les sources, nous n’avions que l’interprétation des clercs à notre disposition, et ceux ci, que nous soyons chrétiennes, juives, ou musulmanes, nous répétaient « soumission, soumission, soumission ».

    A qui ? A l’homme censé représenter Dieu, l’être masculin seul étant son image, son clone.

    Le salut, c’était non pas être la « Servante du Seigneur », ou celle de son prochain, c’était servir un seul homme. Cela, c’était insupportable.

    Alors, nous avons quitté, bruyamment ou à pas de loup, les églises, les mosquées les synagogues.

    Mais peu à peu, en nous, s’est formée une déchirure, un manque. Un manque dont nous ne parlions pas. Etre croyante était devenue une aliénation ridicule.

    Peu à peu, la vérité s’est fait jour : on nous avait vraiment tout pris, car on nous avait confisqué Dieu. On nous L’avait rendu impossible à aimer, trop dur et intransigeant pour être suivi. On nous avait fait un chantage odieux : si nous voulions notre dignité, nous ne pouvions plus approcher Dieu, nous en étions privées. L’enfer est l’éternelle privation de Dieu, me disait on, alors, les clercs avaient ils condamné les femmes à l’enfer pour vouloir leur simple dimension humaine : ne plus être des femelles esclaves de leurs capacités reproductives, des objets qu’on viole et qu’on jette, des domestiques gratuites ?

    Aux quatre coins du monde, certaines d’entre nous ont repris les textes, étudié, rencontré des religieux ouverts et progressistes, fréquenté des théologiennes.

    Et nous avons vu que les textes sacrés avaient été instrumentalisés, tronqués, déformés, pour servir d’appui à ceux qui avaient une soif inextinguible de pouvoir.

    « Quand on ne peut plus taper sur la table pour dire aux femmes « je veux », m’a confié un jour un imam Africain, on clame « Dieu veut », ça marche mieux »…attitude qu’il désapprouvait, bien sûr !

    Et peu à peu, nous avons réconcilié ces deux parts de nous mêmes.

    Croyantes et féministes, ou femmes en devenir de liberté, c’est donc possible.

    Car en se libérant, les femmes libèrent aussi le monde de ses entraves pour appréhender l’altérité : l’autre est différent, et je peux l’aimer, le découvrir, sans l’asservir.

     

    Michelle.C. Drouault

     


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