• Racisme et féminicide

    RACISME ET FÉMINICIDE,

    LA SITUATION DES FEMMES AUTOCHTONES D’AMÉRIQUE DU NORD

    Dans la préface du livre magnifique d’Emmanuelle WALTER « Sœurs Volées, enquête sur un féminicide au Canada », Widia Larivière* explique :

     

    « Les femmes autochtones assassinées ou disparues au Canada ne sont pas victimes de faits divers. Elles sont victimes de crimes, mais il ne s’agit pas uniquement de meurtres et de séquestrations. Il y a un autre crime, c’est l’indifférence… »

    1181 femmes autochtones ont été assassinées ou portées disparues au Canada entre 1980 et 2012.

    Proportionnellement au nombre total d’amérindiens d’Inuits*ou de métis du pays, c’est énorme.

    Cela équivaut, explique la co-auteure, à 30 000 femmes canadiennes non autochtones.

    Il est évident qu’un phénomène de cette ampleur aurait mobilisé les pouvoirs publics, or

    ceux-ci  se sont manifestement fait tirer l’oreille pour diligenter des enquêtes rapides et efficaces. Comme pour les femmes de Ciudad Juarez au Mexique.

    Quant à la couverture médiatique, elle est deux fois moindre que pour les femmes blanches.

    Double peine, donc, pour les femmes autochtones : être femme, et d’une ethnie dévalorisée.

     

    Emmanuelle WALTER enquête dans cet ouvrage sur la disparition de deux jeunes amérindiennes du Canada en Septembre 2008 : MAISY ODJICK  et SHANNON ALEXANDER, deux Anishnabées disparues à l’âge de 15 et 16 ans.

    Elle a rencontrés leurs familles, leurs amis ; les journalistes qui ont (imparfaitement) couvert ces tragédies.

    Elle établit méticuleusement des comparaisons entre les moyens déployés par la police et la gendarmerie, l’impact médiatique faible d’articles maigres et mal documentés, et les efforts et l’audience donnée à des évènements semblables concernant des jeunes filles blanches.

    Elle dénonce les stéréotypes tant racistes que sexistes, qui désignent systématiquement les autochtones comme des marginales ayant des vies « dissolues », ou des toxicomanes ou des prostituées. Donc ne « méritant pas » qu’on s’intéresse à leur sort.

    Or certaines familles autochtones ont déclaré que leur fille n’était aucunement dans un circuit de drogue ou de prostitution, et menait une vie familiale ordinaire.  Les premières heures décisives dans tous les cas d’enlèvement ont été dépassées et négligées, sous le prétexte qu’il s’agissait d’une « fugue » ; alors qu’une alerte était en général immédiate pour les non autochtones… la disparition de Maisy et Shannon n’a été prise en considération qu’au bout de quatre jours.

     

    Analysant les causes de ce système dévastateur pour les victimes, elle décortique avec soin  l’héritage colonial, qui a, entre autres, dépossédé les femmes amérindiennes des pouvoirs qu’elles exerçaient dans leurs communautés autochtones, et a remplacé les conseils de clan ou de village mixtes par des formes d’autorité exclusivement masculines, à la suite de traités inégaux. Un Algonquin raconte comment sa tribu a été contrainte de se replier dans les réserves, à force d’être privée de ses moyens habituels de survie (chasse et pêche) par des incarcérations injuste et répétées sous l’inculpation de « braconnage ».

    Les Réserves étant situées dans des territoires extrêmement éloignées des structures sociales (écoles , collèges, administrations, soins), les jeunes filles sont souvent obligées d’employer l’auto-stop pour se déplacer, faute de transports en commun adéquats aménagés pour y accéder depuis une Réserve.

    L’auto-stop est une des premières causes de violence sexuelle dans beaucoup de provinces :

    Une autoroute de Colombie Britannique  a été surnommée « l’autoroute des Larmes »…

     

    Point par point, nous voyons les spoliations historiques, les préjugés, les négligences, s’accumulés pour que des milliers de femmes meurent dans l’indifférence.

    Elles ont été assassinées parce que femmes, parce qu’autochtones, dans une double haine.

    Parmi les victimes, il y a des femmes jeunes abusées avant leur assassinat, et des femmes âgées, laissées pour mortes après un accident, comme un animal…

     

    Pour en sortir, il a fallu  que le mouvement autochtone « IDLE NO MORE » (traduction : arrêtons de paresser ), puis les « Sisters in Spirit » (Sœurs en Esprit ), interpellent directement le gouvernement, campant dans un tipi devant le Parlement, pour que le problème soit enfin pris au sérieux.

     

     Les liens puissants entre colonialisme, racisme et sexisme sont ici démontrés.

    Ces systèmes ont une constante : la négation de l’altérité, le mépris de l’Autre.

     

    Pour ne pas qu’on les oublie, même au delà des mers, souvenons nous de

    Maisy et Shannon, mais aussi de Sandra, Minnie, Kelly, Tiffany, Léah, Francesca, Jane, Linda, Marlène ; et toutes les autres,

    Soutenons les campagnes d’Amnesty International pour le respect des femmes autochtones.

     

    Michelle. C. DROUAULT

     

     

     

     

     

     

     

     

    *Widia Larivière, co-fondatrice de la branche québécoise du mouvement « Idle No More ,

    québécoise et mohawk.

     

    * 11 nations Inuits ont été recensées au Canada

     

     


  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :