• 8 mars: l'entourloupe annuelle

    Cette année encore, nous entendrons le mot « femme » toute la journée, car aucun organe de presse ne veut passer pour réactionnaire et passéiste en ignorant cette date symbolique.

    Alors, chacun y va  de son couplet admiratif (quelques femmes célèbres, la regrettée Florence Arthaud, par exemple) ou de son lamento (tant de chemin reste à parcourir !).

    Mais la journée est toujours, à quelques exceptions prés, présentée comme « la journée de LA femme », abstraction, généralité, concept éthéré et imaginaire qui nous nie toutes ensembles dans nos diversités :

    Femmes nous sommes Noires, Blanches, Asiatiques, Amérindiennes, Inuits, Africaines du Nord ou du Sud, Perses ou Moyen Orientales… Nous sommes mères par choix ou par contrainte ; homosexuelles, hétérosexuelles, bisexuelles ou transgenre ; libres de nous montrer ou obligées de nous cacher. Nous sommes une multiplicité de visages et de courages, car nous sommes aussi :

    MUTILÉES : si l’excision régresse, grâce surtout à la ténacité de femmes africaines qui forment des sages-femmes pour faire des interventions itinérantes dans les villages, elle reste une pratique majoritaire en Egypte, où elle est médicalisée pour les plus fortunées : seul est supprimé le traumatisme de la souffrance, mais reste celui de la non-jouissance ; d’une sexualité atrophiée et vide de sens demeure. Une médicalisation proposée, au mépris du serment d’Hippocrate, par certains médecins américains, dans le but de « limiter les dégâts » tout en conservant le rite. Or l’excision n’est plus un rite de passage, puisqu’elle n’est plus pratiquée à l’adolescence, avec les rites de passage qui les accompagnaient, mais sur des fillettes de plus en plus jeunes, voire des bébés ! Le but réel de l’opération est alors montré dans toute sa cruauté : contrôler les femmes, et les empêcher d’avoir une sexualité épanouie et des désirs. Elle va souvent de pair avec des MARIAGES FORCÉS, de plus en plus précoces ; c’est à dire des VIOLS DE PETITES FILLES. (Yémen, Soudan, Mali, Mauritanie, Somalie, entre autres)

    Félicitons les hommes et les femmes qui s’obstinent à montrer que dans notre diversité nous sommes toutes égales, et qu’aucune « exception culturelle » ne justifie des mutilations ou des crimes. Bravo au clip  de Julie Gayet montrant le mariage forcé d’une petite blondinette parisienne avec un vieil homme ; merci à Linda Weil-Curiel  d’avoir clamé, voici des années déjà , que Noires ou Blanches, les petites filles avaient les mêmes droits, et d’avoir impulsé les premiers procès pour excision sur le sol français, sensibilisant ainsi l’opinion. Car auparavant on pouvait encore voir des films sur « l’excision rituelle en Afrique », présentée comme un quelconque rituel folklorique et exotique… Merci aux médecins-des hommes pour la plus part- qui effectuent des chirurgies réparatrices sur les femmes excisées, et leur permettent une meilleure vie. Ils sont pour nous l’image de la solidarité humaine, et de l’entente des sexes, la démonstration vivante de l’abandon de la soif de pouvoir pour le respect et la compassion…

    APPAUVRIES : dans le monde occidental, aucun pays ne parvient à une égale représentation politique et économique des hommes et des femmes.

    En FRANCE, les chiffres sont effarants, rappelons-les : 26% d’écart de salaires entre les hommes et les femmes ; 73% d’hommes dans les instances parlementaires ; aucune femme à la tête d’une entreprise du CAC 40 ; mais 80% des personnes gagnant moins que le SMIC sont des femmes, le plus souvent avec enfants…

    ASSERVIES : nous effectuons 89% des tâches ménagères, 60% des tâches liées aux enfants, sans aucune rémunération ;

    HARCELÉES : plus de 90% des femmes ont reconnu avoir subi des attouchements, ou des intrusions ou interventions brutales ou humiliantes dans les transports français.

    Il se produit  un viol toutes les 6 minutes, et pour seulement 10% d’entre eux, une plainte est déposée. Mais les agresseurs sont loin d’être tous des anonymes ! Dans 37% des cas, il s’agit du conjoint ou ex-conjoint ou partenaire !

    TUÉES : une femme meurt tous les 3 jours sous les coups de son partenaire de vie.

    Mais surtout, dans notre pays comme ailleurs, nous sommes sujettes au DÉNI de notre vécu et de notre expérience : les insultes sont de l’humour, le harcèlement est de la galanterie, le viol est une « relation trouble » ou un « non qui veut dire oui » ; les coups sont de la jalousie et de l’amour ; le meurtre est « passionnel », et justifié par la « douleur de la séparation »….Ce sont les errements linguistiques de media eux aussi essentiellement masculins, où ne s’expriment (péniblement), que 30% de femmes.

    Dénier à une personne ce qu’elle vit, c’est lui retirer une partie de son humanité profonde, c’est induire une souffrance psychique énorme. Quelques femmes se prétendant « féministes », mais ayant totalement intériorisé l’idéologie dominante, veulent faire taire les doléances en se gaussant du « féminisme victimaire » qui aurait fait « fausse route » !

    Cette stratégie ne s’applique bizarrement qu’aux femmes, car je n’ai jamais entendu parler de « lutte anti-apartheid victimaire », par exemple.

    Nommer l’oppression est la première étape vers la transformation des mentalités et des sociétés. Une démarche qui provoque souvent des réactions extrêmement violentes de la part de ceux qui ont intérêt au maintien du patriarcat, fut il enrobé ou déguisé. Cette violence (verbale en général) a le mérite de lever les masques. (1)

    Nos filles, nos petites-filles, ont encore du pain sur la planche….

    Dés demain 9 mars, on nous remise aux oubliettes jusqu’à l’an prochain.

    En attendant, ne lâchons rien !

     

    Michelle. C. DROUAULT.

     

    (1) La violence récente d’hommes se prétendant « bons chrétiens » en commentaires d’un article sur les discriminations vestimentaires  et de fonction des petites filles dans l’Eglise Catholique (au mépris de la parole des Papes) est édifiante….

     

     

     


  • Commentaires

    1
    Mercredi 9 Mars 2016 à 00:42

    Il est beaucoup de causes justes qui méritent, ou exigent, qu'on se batte pour elles. Si on cède au pessimisme qu imprègne l'air du temps, ou si on est assez lucide dans l'évaluation de l'état du monde, tout porte à penser que ces causes ne cessent de croître en nombre et de proposer des raisons de s'indigner et de se mobiliser de plus en plus violentes et de plus en plus impérieuses. Mais au milieu des injustices, des ignominies et des crimes, et des obscurantismes de toutes natures, avec leur cortège de discriminations, d'oppressions et de fanatisme,  sur lesquelles notre regard, de quel côté qu'il se tourne, ne cesse de tomber, il est une lutte de libération, une lutte pour la dignité à l'état pur, qui dans la longue durée s'impose par dessus toutes : celle pour les droits des femmes. On ne hiérarchise certes pas les souffrances, les façons de tuer, les types de mutilation, et pas davantage les manières possibles d'humilier. Et on ne soupèse pas l'l'horreur d'un génocide comparativement à celle qui qualifie les assassinats de femmes sous les coups de leur conjoint. Non la cause des femmes a ceci de primordial qu'elle est celle de la moité du genre humain. Une moitié du genre humain qui depuis des millénaires concentre, en tant que peuple inférieur et impur, la servitude tribale, clanique et familiale, les mariages forcés et autres variantes de la violence sexuelle, la claustration sociétale, les lapidations, et tout ce que l'arriération mentale et le sadisme ont pu concevoir de plus pervers - l'excision constituant effectivement le summum de ces abominations - la véritable abomination des abominations. Il s'agit non seulement de ne pas baisser les bras dans cette lutte, de ne pas considérer que pas mal de progrès ont été accomplis - ils ne touchent au total Qu'un nombre assez infime d'états avancés - , ou qu'il appartient à d'autres ou aux générations suivantes de poursuivre le combat dans un futur où les mentalités auront suffisamment progressé. Non, c'est bien d'un militantisme au quotidien dont il est question, un militantisme exempt de tout accommodement vis à vis des dénis de la liberté et de l'égalité des femmes, un militantisme qui ne cède rien - ni aux identitarismes, ni aux communautarismes, ni à aucune allégation de spécificité culturelle ou d'obligation cultuelle. Rien qu'un engagement à venir finalement à bout du dernier avatar des représentations qui dévaluent le féminin en sous-humanité, et qui appellent ou concourent à la commission des indignités et des maltraitances dont les pires d'entre nous considèrent que les femmes sont vouées à les subir. Didier LEVY.

     

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