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LA PROTECTION DES ENFANTS , UNE NOTION A LA PEINE ?
Le sort des enfants en France et en Europe a été peu enviable jusqu’au milieu du XX éme siècle : faible espérance de vie, maladies, travail précoce et disproportionné avec leurs forces, parfois mariages précoces et contraints, ont été le lot de millions d’enfants.
La prise de conscience de ces injustices et de leurs conséquences sur l’avenir d’une nation a été très tardive. Considérer l’enfant comme une personne digne d’interêt a été un long parcours, culminant dans la récente Convention Internationale des Droits de l’Enfant.
Malheureusement, c’est avec désespoir que l’on s’aperçoit que de nouvelles formes de négligence et d’exploitation voient le jour, aussi néfastes que les précédentes.
Et que les enfants demeurent les jouets d’interêts et de désirs d’adultes.
1 La mortalité infantile.
Si l’on prend comme point de référence la période allant du XVI éme au XXéme siècle, jusqu’en 1790, année considérée comme charnière d’un net début de déclin, la mortalité infantile a été un fléau cruel et permanent dans toute l’Europe.
Hormis pour les pays nordiques (Danemark, Suède, Norvège , Finlande) il n’existe aucune statistique annuelle de décès des enfants avant le XIX éme siècle.
Mais les régistres de naissance & décès laissent apparaître qu’en France, par exemple, entre 1740 et 1790, 1 enfant sur 2 ne parvenait pas à l’âge de un an , soit un taux de mortalité de 270%.
En Italie du Nord, entre 1730 et 1770, ce chiffre atteint 300%, c’est une véritable hécatombe.
Le Royaume Uni s’avère moins meurtrier, avec un taux de 170 à 200%, mais jusqu’au milieu du XIX éme siècle, la Bavière (Allemagne) perdait encore 1 enfant sur 3 avant l’âge de un an.
Un net déclin de ce phénomène se produit à la fin du XVIII éme siècle, distinguant 2 sous-groupes, l’Europe du Nord et du Sud.
Alors que le déclin est déjà amorcé, la France se distingue par un taux persistant de mortalité, sans doute en raison de la pratique spécifique de la mise en nourrice précoce(sitôt après le baptême, à quelques jours) des enfants de certaines classes sociales(noblesse, bourgeoisie, artisans , commerçants). Cette coutume n’a été observée nulle part ailleurs en Europe de façon autre qu’anecdotique.
Quelles sont les causes générales d’une mortalité infantile aussi effarante ?
On peut citer en premier les conditions d’accouchement, sans hygiène(on a appris à se laver les mains pour accoucher une parturiente seulement au XIXéme siècle !) et la mortalité maternelle élevée dans les deux jours suivant la naissance :on doit alors trouver une nourrice en catastrophe pour l’enfant, et pas toujours la meilleure…gageons aussi que désemparé et sans repères , le nourrisson est plus fragile et a moins envie de vivre..
1 décès sur 2 a lieu dans la semaine qui suit la naissance.*
Si l’enfant dépasse son premier anniversaire, le sevrage( entre 10 et 18 mois) est une épreuve dont il ne se remet parfois pas : les aliments solides, mal adaptés, donnent des diarrhées qu’on ne sait pas soigner, ensuite les maladies infantiles guettent le jeune enfant qui n’a plus les anticorps de sa mère ou sa nourrice : dysentrie, varicelle, scarlatine, rougeole, oreillons, coqueluche, pour lesquelles il n’existe ni traitements véritables ni vaccins, les « fièvres » donnant des convulsions parfois irréversibles. On ne comprend pas encore que le jeune enfant ne sait pas régler sa température, et la saison de naissance favorise les pneumonies (l’hiver) ou les déshydratations (l’été).
Néanmoins, le déclin constaté ne semble pas être la conséquence de progrès de la médecine, mais plutôt d’un changement de comportements, et d’une attention débutante pour la personne de l’enfant. Les coutumes d’allaitement et la vie collective le favorisant sont un facteur décisif : le taux de mortalité tombe à 130% dans certaines régions de l’Allemagne là où les mères sont longtemps allaitantes.
Ce n’est qu’à partir des années 1860/70 que la mortalité infantile et maternelle deviendra un problème démographique et social.
Mais là aussi, le but des améliorations n’est il pas plus le souci de préservation d’une société que celui du bien-être des enfants ?
Voici notre enfant, après ce parcours semé d’embûches, parvenu à l’âge de 7 ou 8 ans.
Et d’autres dangers le ou la guettent, suivant le sexe ou la classe sociale :
2 Le travail des enfants.
Dans les classes populaires, le travail peut être agricole en milieu rural(ce qui ne l’empêche pas d’être épuisant) artisanal auprès de la famille(moindre mal) ; l’enfant peut être placé comme domestique, palefrenier ; les fillettes comme aides de cuisine dans les maisonnées plus bourgeoises. Les orphelins sont réduits à la mendicité si ils ne sont pas recueillis par des religieux.
Seuls les enfants de la moyenne & haute bourgeoisie et de la noblesse reçoivent une éducation, les garçons étant privilégiés.
L’ère industrielle à compter du XIX éme siècle verra la plus grande exploitation d’enfants en Europe : on les verra travailler dans les mines, les ateliers, les filatures, les usines, pour des salaires dérisoires, leurs petites mains étant très recherchées pour certains travaux.
Cependant, certains se sont émus des conditions de travail des enfants, et ont cherché-bien tardivement- à les réglementer dans certaines sphères d’activité.
En dehors de la Hongrie qui dés 1575 prononce une interdiction de travail des enfants des 2 sexes dans les mines, l’Europe traine les pieds.
En France, si en 1813 un décret impérial interdit aux moins de 10 ans le travail dans les mines(mais il ne sera pas toujours respecté) il faut attendre la loi du 18 mars 1841 pour que l’âge minimum d’embauche soit de 8 ans dans les manufactures et ateliers, et que la journée de travail entre 8 et 12 ans soit limitée à 12 heures !
Le Royaume Uni prononce plus tôt des interdictions :
1801, interdiction de travail de tous les enfants en dessous de 8 ans,
1819, interdiction pour les moins de 9 ans dans les filatures de coton
Enfin, en 1833, le premier « FACTORY ACT » réduit à 48 h hebdomadaires le travail des enfants ; et leur temps de travail journalier ne doit pas dépasser 9 à 11h.
En 1844, le premier amendement au Factory Act ramène à 6 h 30 /jour le temps de travail en dessous de 13 ans, suivi d’un second en 1847 limitant à 10 H/jour le travail des 13/18 ans… et d’un troisième en 1878, établissant l’âge minimum à 10 ans ; aucun enfant entre 10 et 14 ans ne peut travailler plus qu’en demi-journée.
En France , la loi FERRY de 1882 impose la scolarité obligatoire, gratuite et laïque pour les enfants des 2 sexes entre 6 et 13 ans.
D’où il découle que la loi du 2 Novembre 1892 proscrit le travail plus de 10h/jour au delà de 13 ans et ramène le temps de travail à 60 h hebdomadaires entre 16 et 18 ans.
De surcroit , tout enfant doit présenter un certificat médical d’aptitude au travail avant d’être embauché.
Au XX éme siècle, l’importante mortalité des enfants par accidents du travail et maladies découlant de mauvaises conditions de travail fait qu’ en 1919 l’Organisation Internationale du Travail interdit le travail de nuit aux moins de 14 ans.
Cette interdiction sera suivie en 1930 d’une interdiction du travail forcé, difficilement respectée puisque souvent la survie d’une famille dépendait du travail d’adolescents.
L’âge de 14 ans requis pour travailler ne bougera plus jusqu’en 1999, où il passera à 16 ans dans la plus part des pays d’Europe.
Le R.U gardera 12 ans pour certains « petits travaux »(livreurs de journaux, aides aux laitiers) et 15 ans en général.
En France en juillet 1958, la Convention sur les travaux dangereux pour les femmes et les enfants sera suivie en 1959 de la Déclaration des Droits de l’Enfant. Enfin !
Nous n’évoquerons pas ici davantage que brièvement le travail forcé de milliers d’enfants en Europe dans les pays occupés entre 1940 et 1945, du à l’expansion du nazisme.
Il vaut la peine d’être toujours rappelé.
Et l’assassinat dans les camps de la mort de milliers d’entre eux , depuis les bébés jusqu’aux adolescents, car cela fait partie du sort des enfants, et nous avons envers eux un devoir de mémoire.
3 L’âge du mariage
En France, jusqu’en 1792, il n’existait pas d’état civil, ni de dispositions civiles légales.
L’Eglise catholique tenait les registres, (et l’Eglise Réformée ?) et les populations relevaient à la fois du droit coutumier et du droit canon.
Le droit coutumier était différent selon les provinces. Le droit canon stipulait que les garçons pouvaient se marier à compter de 14 ans, les filles de 12, sous réserve du consentement parental. Cet âge sera relevé en 1907 seulement à 16 ans pour les garçons, 14 pour les filles.
En 1894, lors de l’établissement du Code Civil, qui rappelons le n’a guère bougé jusqu’en 1970, Napoléon Ier fait une synthèse des droits coutumiers provinciaux, et reprend des éléments du droit canon.
L’âge du mariage et ses conditions vont grandement varier selon les régions et les classes sociales.
Si l’âge du mariage pour les jeunes filles pouvait être précoce au XVI éme siècle, il s’est peu à peu élevé jusqu’à devenir tardif à la fin de l’Ancien Régime :à cette époque, les épouses avaient 25 à 26 ans lors de leur mariage, les époux de 27 à 30. Il n’était pas rare de voir des mariées de 29 ans au Pays Basque.
Cependant, d’autres provinces ont au contraire conservé des coutumes de mariage précoce des filles, avec des époux qui pouvaient avoir une grande différence d’âge avec elles :
La Bretagne, la Lorraine, la région de Bourg en Bresse, le bordelais..
Dans les classes sociales populaires, surtout rurales, on se mariait par inclination, et on attendait pour s’établir d’en avoir les moyens, ce qui justifie l’âge tardif.
La noblesse, la haute bourgeoisie, les avocats & notaires(dite « bourgeoisie des talents ») les riches négociants, certains propriétaires terriens, utilisaient leurs filles à des fins stratégiques pour conclure des alliances avantageuses pour la famille. Ces jeunes filles étaient alors des pions, des objets, que leur jeune âge laissait à la merci des volontés paternelles.Les minorités religieuses(protestants, juifs) semblent avoir conservé également des coutumes de mariage précoce jusqu’à la Révolution.
Le sociologue Stéphane MINVIELLE a publié une étude très intéressante sur les mariages précoces de femmes dans l’élite bordelaise au XVIII éme siècle.(2006)
S’il relève que cette coutume a énormément diminué au fil du temps, jusqu’à ne plus concerner que 1, 80% des mariages en 1760/70, elle n’en a pas moins été selon son étude un marqueur social considérable, et pouvait concerner souvent des filles de 12 ou 13 ans. Un gros pourcentage d’entre elles avait entre 15 et 19 ans.
La fécondité de ces très jeunes épouses a été fort importante (jusqu’à une vingtaine d’enfants parfois !) et on imagine les ravages sur des organisme juste nubiles en pleine croissance de grossesses aussi nombreuses et rapprochées….quand les mères ne mouraient pas en couches !
Mais il semble que peu à peu, on ait appris à regarder ces adolescentes comme des enfants, et à mieux les respecter. Etait ce aussi, en France à la Révolution, une aversion pour les mariages royaux d’enfants, très fréquents ? Marie-Antoinette avait été mariée à 14 ans..
On peut néanmoins avancer que ces jeunes filles ont été sacrifiées aux ambitions familiales.
Et maintenant de nos jours , quel est le sort des enfants ?
Si aucun enfant ne peut plus travailler avant 16 ans, avec des conditions particulières fixées par les Conventions collectives ; si personne, garçon ou fille, ne peut plus depuis 2006, se marier avant 18 ans, âge de la majorité civile, les enfants et adolescents subissent d’autres mauvais traitements dont les conséquences sont alarmantes, et dont on commence à prendre conscience depuis quelques années sous la pression de groupes de défense et de protection de l’Enfance.
Après la guerre de 39/45 en France les « ordonnances » de 45 ont institué un système de protection de l’Enfance et une justice des mineurs et pour les mineurs, avec la création des Juges des Enfants. Les enfants n’étaient plus livrés sans secours au bon-ou mauvais-vouloir de leurs parents.
Cependant, si ce système a bien fonctionné jusqu’à la fin des années 60, il semble avoir peu à peu déraillé, jusqu’à devenir de nos jours l’objet de virulentes et légitimes critiques : étanchéité des juridictions(le J.E ne sait pas ce que fait le Juge Aux Affaires Familiales, ni éventuellement quelles peuvent être les condamnations pénales d’un des parents), et surtout un paradoxe qui tarde à être résolu : des enfants sont laissés chez des parents gravement maltraitants au motif d’une préservation du lien sacralisée ; tandis que d’autres sont dénoncés comme étant abusivement placés en famille d’accueil ou en institution. Des institutions en manque critique de personnel suffisant et qualifié : salaires et conditions de travail dans la protection de l’Enfance demeurent rebutants. Est ce à dire qu’en fait, on n’accorde pas vraiment d’importance à la vie des enfants en difficulté, puisqu’on ne se donne plus les moyens de les protéger ?
Par ailleurs, la Fondation Abbé Pierre a récemment communiqué qu’un millier d’enfants en France dormaient encore à la rue, issus principalement de familles monoparentales ou migrantes.
Le 115, numéro d’appel pour un hébergement d’urgence, est saturé depuis 2001.
Et les foyers pour mères et enfants restent trop peu nombreux, si bien que de jeunes accouchées sont parfois gardées au delà du temps ordinaire dans les hôpitaux pour leur éviter la rue avec un nouveau –né…
Mais les sujets contemporains explosifs des lacunes de la protection de l’Enfance sont les jeunes victimes d’inceste, et la prostitution des mineurs.
On estime que 160 000 mineurs ont été victimes d’inceste cette dernière année.
Seul un millier de ces incestes ont été reconnus et sanctionnés !
La société fermerait t-elle les yeux, comme elle les a fermés entre 1950 et 2000 sur les 300 000 enfants abusés par des ecclésiastiques dans l’Eglise catholique ?
Les avis divergent sur les raisons de cet aveuglement :les incesteurs étant en apparence de « bons pères de famille », il serait trop dérangeant de reconnaître que n’importe quel homme de notre entourage peut être un agresseur potentiel ?
Le procès d’Outreau et son fiasco a-t-il décrédibilisé la parole des enfants ?
Ce serait un autre débat.
Cependant, une pratique récente est difficile à endiguer malgré des alertes répétées :le placement quasi systématique d’enfants chez un père soupçonné d’agressions sexuelles, voire de viol incestueux, dés l’instant que la plainte a lieu après la séparation des parents, et est initiée par la mère ou sa famille directe.
Les fausses allégations ne représentant qu’à peine 3% des plaintes , on voit mal pourquoi la parole des enfants est si peu écoutée ? L’argument repose sur une théorie fumeuse, jamais scientifiquement validée, d’un unique auteur américain Richard Gardner, par ailleurs ardent défenseur des relations sexuelles entre adultes et enfants, qu’il voyait comme « saines » : le fameux « Syndrôme d’Aliénation Parentale » : la mère inventerait ces accusations pour « se venger » du père, et manipulerait l’enfant pour qu’il les profère…*
Il est absolument stupéfiant que depuis plus de deux décennies, cette unique théorie controversée par tous les psychiatres sérieux ait été appelée pour justifier des jugements remettant des enfants parfois très jeunes(2 à 3 ans) aux mains de leur bourreau ; et que non seulement nul n’ait jugé bon de se pencher sur les autres écrits de l’auteur (peu nombreux mais significatifs d’une approbation de la pédophilie) mais encore que ce mythe de la manipulation maternelle ait été enseigné à l’Ecole de la Magistrature…Arqueboutés sur cette théorie, des magistrats ont ainsi ignoré des rapports médicaux, sociaux, faisant état de graves suspicions d’inceste. Des milliers d’enfants ont été traumatisés, et le sont encore.
Des protestations se sont élevées depuis une bonne décennie sur la faible réponse pénale à l’inceste, et ce qui était vécu comme une indulgence devenue inadmissible.
Des instances d‘évaluation ont été crées.
Le juge Durand, président de la récente Commission Indépendante sur L’Inceste et les Violences Faites aux Enfants* inclut dans ses recommandations de proscrire immédiatement toute référence la théorie du SAP, dont il a démontré la nocivité.
D’autres pays européens, comme L’Espagne, l’ont interdite légalement.
« Il faut se mettre à hauteur d’enfant » dit il, réaffirmant l’impérieuse nécessité d’écoute bienveillante de l’enfant, et de principe de précaution dans un but d’évidente protection.
Certainement. Mais la preuve est faite que jusqu’à présent, c’était l’interêt des adultes, l’interêt d’une société désireuse de ne pas se regarder en face, qui prévalait.
La prostitution des mineurs est un autre fléau
Il n’existe pas de chiffre précis, mais on estime qu’entre 7000 et 10 000 mineurs étaient en situation de prostitution en France(métropolitaine et Outre-mer) en 2021.
Le phénomène est complexe : à la prostitution « de rue » classiquement connue, s’est substituée la prostitution « hébergée » par le biais des réseaux internet.
Cette prostitution est le fait aussi bien de réseaux de traite d’êtres humains, que de petits proxénètes très jeunes animant ce qu’on appelle le « proxénétisme de cité » : dans les cités des périphéries urbaines, de jeunes délinquants coutumiers des trafics de stupéfiants estiment moins risqué et plus avantageux et rapide de prostituer des jeunes filles de leur quartier, en les appâtant par divers procédés qui vont de la séduction suivie de chantages, à la promesse trompeuse d’argent facile.
Ce phénomène, purement français, est en hausse exponentielle de +87% en 5 ans.
Le mot « prostitution » n’est jamais prononcé, et les victimes ont beaucoup de mal à se reconnaitre comme telles :elles se disent « escort « ou croient à un « travail ». Les media qui ont embrayé avec jubilation sur l’expression « travail du sexe » impulsée par les proxénètes ne se rendent souvent pas compte de leur lourde responsabilité dans la banalisation de la prostitution, en particulier celle des mineures.
Si la prostitution des mineures touche tous les milieux, il n’en reste pas moins que les victimes(à 73% des jeunes filles) se rejoignent par les caractéristiques suivantes :
-carences éducatives, négligences parentales
-décrochage scolaire
- ruptures familiales
-violences physiques, psychologiques ou sexuelles subies pendant l’enfance : 7 jeunes femmes sur 10 suivies par des associations avaient déclaré avoir subi des violences incestueuses par un père ou un beau-père
-faible estime de soi(qui découle de ces antécédents)
La très faible répression des violences incestueuses dans notre pays(la plus part des jeunes prostitué-e-s affirmaient que ces violences n’avaient jamais été dénoncées, ou si elles l’avaient été – pour 17% seulement-la réponse pénale avait été dérisoire) peut être considérée comme une des causes de la prostitution des mineures.
La Fondation Scelles et le Mouvement du Nid, qui ont été principalement nos sources d’information, estiment qu’il existe un manque flagrant de moyens mis à disposition des policiers et gendarmes pour lutter contre le proxénétisme, et évaluer l’impact de la loi du 13/4/2016 pénalisant l’achat de sexe tarifé.
En effet, la « cyber prostitution » moderne est quasi invisible, et se passe par messageries cryptées, dans des lieux de location changeants (chaines d’hôtel sans personnel d’accueil, RbnB)
Les investigations pour la traquer demanderaient du temps, et du personnel spécialisé.
Elles seraient pourtant impérativement nécessaires.
Par ailleurs les autres professionnels concernés : travailleurs sociaux, soignants, enseignants, organismes de protection de l’Enfance, sont peu formés au repérage de la prostitution possible chez un mineur et aux facteurs de danger. Leurs services, depuis la décentralisation, ne sont pas assez coordonnés, et aucune constellation suffisante n’est mise en place pour faire de la prévention et du dépistage, de l’information territoriale et nationale.
L’Aide Sociale à L’Enfance, qui manque cruellement de personnels et les rémunère si mal, a placé en hôtel des centaines d’adolescents mineurs(et jeunes majeurs) faute de capacité d’accueil en foyers et familles de substitution, en ignorant royalement les risques énormes d’approche de ces adolescents par des proxénètes. Il a fallu le suicide de deux jeunes placés en hôtel pour que les Conseils Généraux s’émeuvent…
Quand un(e) mineur(e) crie au secours en comprenant enfin dans quel engrenage prostitutionnel il/elle s’est engagé, les réponses apportées, aussi bien dans l’urgence qu’à moyen terme sont insuffisantes : foyers dédiés en faible nombre, désinterêt des acteurs sociaux pour le sujet hors grandes villes, possibilités de « raccrochage « scolaire et de formations indigents.
Le volet prévention tarde à se mettre en place : la lutte contre la banalisation de la pornographie (qui devrait se faire en milieu scolaire), l’information des parents, et leur accompagnement pour comprendre les contenus internet dangereux pour leurs enfants, n’existent pratiquement pas, ou sont faits par des bénévoles.
Les fameux « échanges de nudes » tant prisés par des adolescents de plus en plus jeunes, donnent lieu soit à des chantages entre pairs, soit à des accroches de proxénètes qui induisent des comportements pré-prostitutionnels de cette manière. Cette coutume n’est pas innocente et de nombreux parents l’ignorent.
Les médecins ne sont pas formés à repérer une dégradation de l’état physique et psychique de jeunes filles due à la prostitution. Ils savent mieux repérer les addictions, mais celles-ci accompagnent souvent une situation de prostitution, qu’elles permettent de « supporter ».
Enfin, les Mineurs Non Accompagnés étrangers subissent des situations qui les livrent pieds et poings liés aux trafics en tous genres : souvent considérés majeurs par des tests osseux archaïques, ou renvoyés dans le pays où ils ont accosté à l’origine en raison des accords de Dublin, ils deviennent la proie des passeurs, qui, liés avec des proxénètes, montrent aux jeunes filles que le seul moyen de payer leur passage est la prostitution.
En conclusion, nous devons constater que les enfants , s’ils sont prémunis contre les maladies infectieuses, le travail forcé et les mariages contraints, ne sont toujours pas protégés de l’appropriation de leur corps par les adultes, et que l’empathie à leur égard ne semble pas avoir beaucoup évolué.
Nous avons évoqué dans d’autres articles ce terrible manque d’identification aux enfants qui les fait traiter comme des objets devant satisfaire des fantasmes ou combler des frustrations d’adultes.
Le chantier demeure vaste, car l’hypocrisie est toujours la même : faire accroire que l’interêt de l’enfant converge avec l’interêt de l’adulte.
Ce qui est loin d’être le cas.
Michelle C. DROUAULT
Notes : 1* cette donnée semble avoir une constante biologique à travers les époques, et perdure-à moindre titre- même de nos jours ,
2* Commission indépendante crée à la suite des nombreux témoignages sur l’impunité des crimes d’inceste en France,
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