• Enfants sans sépulture et mères parias

    Le drame récent de la découverte d’un charnier de bébés et d’enfants dans le jardin d’un ancien couvent à Tuam, en Irlande, a provoqué la révolte de beaucoup d’européens.

    796 bébés et jeunes enfants, âgés de 0 à 9 ans et issus de mères célibataires, ont été jetés dans une fosse, enveloppés d’un sac de toile, sans véritable sépulture, ni moyen d’identification.

    Les causes de leur décès vont de la négligence à la malnutrition ou la maladie sans soins.

    Il s’agit d’actes d’une profonde déshumanisation, comme on a pu en voir durant la Seconde guerre mondiale, ou les génocides modernes de Bosnie ou du Rwanda : déchoir la vie humaine jusqu’à n’être plus qu’un détritus sans nom.

     

    Cependant, s’il est évident que ces actes odieux doivent être jugés avec rigueur ; leur traitement médiatique laisse perplexe.

    En effet, la plupart des hebdomadaires et quotidiens français, par exemple, présentent ce drame comme un énième méfait de l’Eglise catholique Irlandaise, exonérant ainsi la société qui, pendant plus de quarante ans, a réduit les mères célibataires et leurs enfants à la misère et à mendier la charité de religieux bornés ou fanatiques.

    Si des jeunes filles entre 12 et 25 ans ont été recueillies enceintes dans ce couvent entre 1926 et 1961, c’est que leurs enfants avaient des géniteurs qui se sont totalement désintéressés de leur sort et de celui de leur mère, tout en connaissant le rejet dont ils seraient l’objet.

    Si elles étaient parfois si jeunes, c’est probablement que nombre d’entre elles ont été violées ou abusées, parfois par des membres de leur famille. Rappelons que le viol et l’inceste sont des crimes. Certains de ces hommes sont peut être encore en vie.

    Enfin, les familles ont préféré jeter ces jeunes filles et femmes à la rue que les accueillir, comme le recommandait leur foi chrétienne.

    L’Etat qui finançait en partie ces foyers pour « filles-mères », a fermé les yeux, et n’a exercé aucun véritable contrôle sanitaire ou social sur ces établissements.

    Il est aisé de jeter la pierre à l’Eglise en la désignant comme source de ces mauvais traitements et de ces meurtres déguisés ; alors que c’est une société toute entière qui a fait porter aux victimes le poids de l’inconscience ou des abus d’hommes en général adultes, en  rejetant les mères non mariées comme des parias.

    Omettant le fait que les mères célibataires étaient aussi victimes de rejets violents dans l’Angleterre anglicane voisine, on a beau jeu de plaider « l’influence »paralysante de l’Eglise : chacun dispose son libre arbitre ; et garder à la maison sa fille enceinte et son enfant n’aurait mené personne à la prison.

    On oublie enfin que chaque baptisé reçoit la Parole de Dieu qui n’est que miséricorde et générosité, et qu’il relève de sa conscience de se laisser, ou non, persuader du contraire par des clercs sadiques et frustrés.

     

    Par ailleurs, le rejet des mères non mariées n’est nullement une caractéristique de la seule Eglise catholique, mais un problème universel et très ancien, qui relève de la TRADITION patriarcale ou tribale, et non de la religion, qu’elle appelle en général en renfort pour asseoir sa légitimité. Voici quelques mois, le film « Wajma, une fiancée afghane »  montrait le calvaire d’une toute jeune fille enceinte d’un amoureux peu fiable, qui voit toute sa vie bouleversée, et est l’objet de la violence aveugle de son père, qui la frappe, l’enferme, la prive de nourriture, lui retire le droit d’étudier, simplement en raison de « la honte » que constitue une maternité célibataire pour l’honneur de la famille, et finit par la contraindre à avorter contre son gré.

    Dans sa lutte contre les viols comme armes de guerre, le sénateur John Kerry rappelait que malheureusement, les jeunes filles ou femmes ainsi violées sont souvent rejetées par leur famille.

     

    Voir la barbarie ailleurs que dans son pré carré est une tentation, mais la barbarie envers les femmes est omniprésente, sous toutes les formes, dès qu’elles sortent de la zone de contrôle des hommes. Certaines femmes y contribuent par peur, ou intériorisation aliénante des codes dominants.

    Saluons la phrase magistrale de la journaliste Martina Devlin de l’ « Irish Indépendant », qui dans son article « The lost children of Galway » clame sa révolte devant ce que toutes les religions, toutes les traditions , affirment: « le péché n’est JAMAIS celui des hommes ! »

    Il nous appartient à tous et toutes de faire cesser cela.

    Michelle DROUAULT

     

     

     


  • Commentaires

    1
    danielle nizieux
    Jeudi 19 Juin 2014 à 10:36

    dans cette affaire, il est vrai qu'on a tendance à " tomber à bras raccourcis" sur l'Eglise catholique; quoi qu'il en soit, celle-ci devrait penser en miséricorde, selon le chemin indiqué par le Christ. et une fois de plus et de façon si grave, elle s'est conduite en accusatrice.

    Mais l'analyse qui est faite ici m'a ouvert les yeux. Qui de l'Eglise ou du "monde" a induit les attitudes de l'autre? L’Église a -t-elle fait du "monde" ce qu'il est ? en grande partie  oui. mais le "monde" s'est laissé faire. En  particulier les hommes qui gagnaient , dans la soumission et le déshonneur des femmes,  un pouvoir encore plus grand. Mais, même si cela va très lentement, le "monde" s'affranchit de l'Eglise: sans doute en Irlande moins vite qu’ailleurs, mais quand même...au XXème siècle, le silence forcé autour du sexe et de ses "dérapages" est inadmissible; on peut penser que ce qui s'est passé en Irlande  ( et peut être ailleurs!) est bien le fruit de la chape morale posée par L'Eglise depuis si longtemps. Et pour aller dans le sens de cet article, j'ajoute volontiers , de toutes les Eglises, de toutes les religions.

    Jésus, il y a  encore bien du travail pour construire ton royaume!

     

     

     

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