• Antiféminisme et Extrême-Droite, l'éternel retour ?

    Un des slogans des manifestations de femmes des années 70 était « le machisme fait le lit du fascisme ».

    Effectivement, toutes les dictatures de droite commencent par restreindre les droits des femmes, et exalter le rôle de la femme au foyer/reproductrice de fils pour la Nation.

    Sans remonter à Hitler, pour qui la place de la femme se limitait à « kuche, kirshe,kinde » (la cuisine, l’église, les enfants ),ou au régime de Vichy qui a renvoyé les femmes mariées à la maison, Pinochet au Chili (1973) et la dictature des colonels grecs (1967) ont commencé par interdire le port du pantalon pour les femmes. C’est dire si la distinction de genre figée est vitale pour les idéologies fascisantes !!

    On comprend bien la « haine » des études de genre des idéologues d’extrême droite. Leur autoritarisme repose sur un ordre soi disant naturel où chacun a une place intangible, et aucune remise en question ne peut être tolérée, sinon c’est la place même du ou des dictateurs qui est interrogée.

    Ce qu’il faut se demander, disait Paul Nizan, c’est « Qui veut on persuader ; au nom de quels intérêts persuade t-on ? »

    En l’occurrence, la question actuelle est « Qui a peur du féminisme ? Qui a intérêt à le représenter comme dangereux et non conforme à la dignité et la sécurité des femmes ? »

    Réfugiée chez sa mère, la jeune femme de 29 ans assassinée récemment dans le Vaucluse ne voulait plus être l’épouse d’un mari qui la violentait. Leur fille de huit ans qu’il a tuée semble-t-il par strangulation, celle de deux ans qu’il a tuée par asphyxie, aimaient elles être avant tout les « filles de leur père » ?

     Nous nous sommes posé ces questions à la lecture du programme d’une bien étrange mouvance, les « Antigones ».

    Anti féministes, anti Fémen, ces jeunes filles disent vouloir être avant tout « les filles de leurs pères, les épouses de leurs maris, les mères de leur fils ».

    Retournons la question, que seraient de jeunes hommes qui voudraient se définir comme « les fils de leur mère, les époux de leur femme, les pères de leurs filles » ?? C’est en effet par la tactique du miroir que l’on perçoit le vide ce postulat.

    Ces jeunes filles veulent n’être rien, rien que des objets possédés et définis par d’autres, ce sont d’impossibles sujets.

    Mais c’est ce refus d’être possédée qui a mené à la mort, ainsi que tous ses enfants (il faut ajouter à l’hécatombe un garçonnet de 9 ans) la jeune femme du Vaucluse ; et ces meurtres ne sont que l’affirmation que cette femme n’était en effet, dans la logique du meurtrier que « l’épouse de son mari et la mère de ses enfants », enfants sur lesquels il se croyait également le droit de vie et de mort.

    Les jeunes filles en question se réclament d’Antigone, l’héroïne de Sophocle. Fille d’Œdipe, celle ci aurait victorieusement résisté à son oncle le tyran Créon, lui opposant l’obéissance aux lois divines….

    Pour nous, nous pencherions plutôt vers une ressemblance avec Ismène, la sœur d’Antigone, qui ne la suit pas dans sa résistance : « je n’ai rien à gagner à me rebeller ».

     En effet, il est plus facile d’être de dociles objets que de résister , non à ce qu’elles nomment la pensée unique moderne, mais à la véritable guerre contre les femmes qui ne dit pas son nom, et sévit dans le monde entier : selon l’Organisation Mondiale de la Santé, une femme sur trois est ou sera victime de violences au cours de sa vie, ce qui porte à 35% le taux de femmes violentées dans le monde si on inclut les violences sexuelles.

    En 2012, 174 femmes ont été tuées en France, majoritairement par un conjoint ou partenaire ; ou personne de leur connaissance. Il ne s’agit pas d’un phénomène marginal du à des rodeurs psychopathes !

    Ce mélange d’ignorance et de (fausse ?) naïveté des Antigones pourrait prêter à rire, comme étant synonyme de tous ceux et celles qui se tirent une balle dans le pied ;  qui préfèrent encore le connu de leur servitude à l’inconnu de la lutte pour la liberté ; bref , comme le disait une personnalité politique « les dindes qui votent pour Noël » (qu’on ne voit nulle intention sournoise à mon rapprochement avec les dindes…) On pourrait aussi être irrité(e)s qu’elles revendiquent une complémentarité avec les hommes que les Tunisiennes, voilées ou non, ont eu bien du mal à faire éliminer de leur Constitution ; se confrontant à une police moins tendre que celles des démocraties occidentales.

    Quand à la « haine du gender » qu’elles professent,(tiens, la haine ?) elles n’ont probablement pas lu une ligne d’études sérieuses sur le genre. Et elles croient encore que le féminisme consiste à rejeter les hommes !! Inculture ou mauvaise foi, peu importe….

    Oui, nous pourrions nous en tenir là et sourire, si l’interrogation sur la réelle indépendance de ce groupe à l’égard de l’extrême droite ne se posait pas(certains media avancent que plusieurs de ses membres adhéreraient ou auraient adhéré au GRECE ou au Bloc Identitaire ?)

    Si leurs « valeurs » affichées n’étaient pas le copié-collé de celles du catholicisme ultra traditionaliste ; bien que le symbole d’Antigone provienne d’une idéologie néo-païenne.

    Et enfin, si la France n’avait pas été ces temps derniers le théâtre d’événements inquiétants, très manifestement anti républicains :

     A Paris, dans le XVème arrondissement, on a remplacé le drapeau tricolore d’une école par le drapeau de la « manif pour tous », délégitimant ainsi l’enseignement républicain,

    Plus grave, à Lyon, à l’occasion de l’anniversaire de la mort de Jean Moulin (21 Juin), le discours du premier Ministre a été interrompu et hué, ainsi qu’un chant de déportés allemands.

    Qui sont ceux qui ne respectent même pas le symbole de la Résistance française ?

    Nous l’ignorons, mais l’émergence des Antigones arrive à bien mauvais moment….

    Les femmes n’ont rien à attendre de ces idéologies, si ce n’est la négation même leur dignité.

     Michelle Drouault

     

     

     

     

     


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