• Le virus mutant de la domination masculine, 4éme partie

    La traite des corps.

     La quatrième mystification moderne de la domination masculine concerne le corps des femmes : il s’agit de démontrer que la prostitution est une « liberté » inaliénable.

    Or, l’éradication de la prostitution ne concerne pas la liberté de disposer de son propre corps (dont les hommes jouissent déjà) mais le fait de LIMITER LA LIBERTÉ DE DISPOSER DU CORPS D’AUTRUI.  Ce qui est différent.

    En fait, les hommes en tant que classe veulent simplement continuer à disposer du corps des femmes, et d’une minorité de personnes transgenres et d’hommes.

    Leurs grandes envolées lyriques sur « le domaine privé » que constitue la sexualité tarifée ne parvient pas à masquer la réalité de la réification des corps : les femmes prostituées étaient d’ailleurs jadis appelées « filles publiques » (qui appartiennent à tout le monde), ce qui démolit immédiatement ce type d’arguments.

    La terminologie ronflante de « sexe entre adultes consentants et autonomes » ne reflète que l’autonomie et le consentement unilatéral d’une moitié des parties à se procurer un corps disponible : les consommateurs des corps mis sur le marché.

    La prostitution est MONDIALEMENT RECONNUE COMME UNE VIOLENCE FAITE AUX FEMMES, car elle concerne 90% de femmes ; les 10% restant étant des hommes ou des transgenres.

    Contrairement à certaines allégations et divagations médiatiques, il n’existe pas de « bordels pour hommes et femmes », mais seulement des bordels à l’usage des hommes ; la pratique des escort boys étant marginale.

    A quoi consent donc une personne prostituée ? Peut-on parler de consentement pour les 85% de femmes, parfois mineures, en provenance de Roumanie, de Bulgarie, ou d’Ukraine, qui sont tombées dans le piège des réseaux maffieux ?

    Depuis une quinzaine d’années, le personnage de la « pute au grand  cœur » bien française (mais à la merci de son souteneur) n’est plus qu’une légende de cinéma.

    Il s’agit de jeunes filles ou femmes sans emploi à l’Est, à qui on a promis « un bon travail » en France ou dans un autre pays d’Europe, sans leur préciser lequel.

    Ceux qui réclament que la prostitution soit « un métier comme un autre », comme en Allemagne, ignorent que seules 1% des prostituées y ont un « contrat de travail », que 60 à 65% d ‘entre elles viennent de Bulgarie et de Roumanie ; par ailleurs le chef de la police a dénoncé « une explosion du trafic humain » en provenance des pays de l’Est.

    Plus courageuse et réaliste que nous, la Grande Bretagne a présenté plusieurs séries télévisées extrêmement bien documentées sur ces trafics d’êtres humains, qui expliquent de manière remarquable comment ils fonctionnent.

    Et 200 associations européennes de soutien aux droits des femmes ont publié à Bruxelles un appel intitulé « Ensemble, pour une Europe libérée de la prostitution ».

    Mais en France, qu’importe les documentaires, les révélations les plus crues sur l’horreur de la traite des corps, et les meurtres que risquent les « désobéissantes » qui veulent s’y soustraire ! Une minorité d’hommes des classes aisées (il faut avoir les moyens de payer, « louer » une femme coûte dans les 700 euros, d’après certains témoignages) clame son refus forcené de la pénalisation des clients prévue par la loi, et s’en prend à une ministre qui a le tort d’être jeune, pugnace, et maintient son projet de loi !

    Le collectif « Abolition 2012 »*1, formé de 55 associations, l’a soutenue ; mais ce sont les artistes et personnalités médiatiques masculines que l’on entend le plus, qui invectivent les féministes et leur « puritanisme », et tiennent des propos qui ne démontrent que leur égoïsme et leur ignorance.

    Pendant que nous écrivions cet article, un summum de grotesque a été atteint avec un « manifeste » de 343 hommes* 2 (qui ne seraient que 19 ??), dont des personnalités diverses du monde du show bizz : ces messieurs crient à la censure, et « refusent que les députés édictent des normes sur (leurs) désirs et (leurs) plaisirs ». Les mots « droit » et liberté », sont supposés avoir les vertus magiques qui les feront considérer comme victimes potentielles, ….

    Centré essentiellement sur le point de vue du client, le texte ne se penche sur la situation des prostitué-e-s que pour revendiquer « le droit pour tout un chacun de vendre librement ses charmes », « et même d’aimer ça » (!)

    La supercherie est à son comble ; et elle est dangereuse. Ce texte insinue que les femmes (et certains hommes) aiment être maltraité-e-s ; et va dans le sens des justifications récentes de jeunes auteurs de viols qui avaient littéralement martyrisé une jeune fille : « elle aimait ça » !

     

    Dans le collectif « Abolition », figurent le Mouvement « Le Nid » et l’ « Amicale du Nid », qui s’occupent de la santé et de la réinsertion des personnes prostituées, et vont à leur rencontre pour tenter d’améliorer leurs conditions de vie.

    La revue « Prostitutions et Société » recueille et publie des témoignages de personnes rescapées de la prostitution. (Des extraits sont lisibles en ligne)

    Or, ces témoignages démontrent que  lorsque les femmes ne sont pas victimes de réseaux mafieux de traite des êtres humains, elles sont acculées à la prostitution par le chômage, les dettes, la misère ; et un profond sentiment de dévalorisation d’elles-mêmes, venu la plus part du temps d’un contexte d’abus sexuels ou de maltraitance dans l’enfance.

    On dit que beaucoup de personnes prostituées sont alcooliques ou droguées ; elles expliquent que pour « tenir », il faut prendre des substances qui vous aident à supporter plusieurs viols quotidiens. Car tout rapport non désiré est un viol.

    Les victimes de réseaux décrivent des coups, des sévices, des menaces, des tortures, de la part des proxénètes. Elles se vivent comme détruites.

    Les autres racontent que le client « paye et estime avoir droit de tout faire », même des violences extrêmes. Beaucoup d’entre eux insistent pour avoir des relations sans préservatif.

    Les termes qui reviennent sont « sodomie, fellation forcée, rapports non protégés ».

    Nul-le ne saurait se soumettre à de tels traitements, (où l’on peut risquer sa santé et sa vie) par plaisir. La plus part des hommes anti-abolitionnistes qui fanfaronnent seraient incapables de supporter fut-ce une seule heure ce qu’endurent les prostituées dans leur corps. La sexualité dont ils parlent est la leur. Ils ne veulent rien savoir de la souffrance de celles qu’ils utilisent. L’imagerie « glamour » et libertine de la prostitution qu’ils évoquent n’existe pas.

    L’expression romantique d’ « arts du lit » , couplée aux « arts de la table » d’un chanteur dont on a passé le refrain en boucle sur les ondes, ne peut suffire à cacher le sordide de la prostitution.

     En fait de puritanisme, il s’agit seulement de faire respecter la dignité humaine…

     

    Ce qui nous a frappées, c’est la corrélation  entre l’attitude des pères qui nient la souffrance des enfants qu’ils contraignent à une résidence alternée, et le négationnisme des utilisateurs de prostituées, le tout au nom de « leur droit ». La réponse de ces hommes est la même, qu’elle soit faite à un pédiatre ou psychologue inquiet ou à une association de femmes : « c’est mon droit », et les autres doivent s’en accommoder, quel que soit le prix à payer.

    La récupération maladroite d’un vocabulaire de gauche ne peut dissimuler les faits :

    S’il ne s’agit pas d’un retour au patriarcat, c’est à dire à la suprématie des droits des individus de sexe mâle, qu’est ce que c’est ?

     

    Résumons nous : les hommes français veulent des femmes visibles, disponibles, qui ne peuvent cacher leur corps ; des femmes sous contrôle qui ne peuvent avoir d’enfants sans qu’ils ne soient la « possession » d’un homme ; des corps à acheter pour assouvir quand et où bon leur semble des pulsions sexuelles indicibles *3

     

    Sachons décoder ce qu’il y a sous le vocabulaire « progressiste » et libérateur » de dominateurs masqués, furieux de voir le pouvoir leur échapper.

    Car le virus mute, et s’adapte….

     

     

    Michelle. C. DROUAULT

     

    Notes :

    *1- Entre autres : Amicale du Nid, Mouvement du Nid, Femmes Solidaires, Solidarité Femmes, Collectif Féministe contre le Viol, Choisir la cause des femmes, GAMS (groupe pour l’abolition des mutilations sexuelles), Planning Familial, Chiennes de Garde….

    Osez le Féminisme, et beaucoup d’autres…

     

    *2- Le STRASS( Syndicat des travailleurs du sexe), qui est contre la pénalisation des clients, s’est totalement désolidarisé de cet appel, qui occulte le point de vue des prostitué-e-s.

    « Il y a quelque chose d’absurde à entendre des clients parler de leur droit » a déclaré leur dirigeante

     

    *3- D’après les personnes prostituées, 80 à 90% des hommes sont mariés, et beaucoup pères de famille. Ils décrivent une situation conjugale où ils ne peuvent satisfaire leurs fantasmes avec leur épouse….

     

    Lire aussi :

    http://www.temoignagechretien.fr/ARTICLES/Le-coin-de-la-cantiniere/Prostitution-et-solidarite-masculine/Default-55-2644.xhtml

     

     


  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :