• PARENTS PUNIS ?

    Une commission vient d’être crée par le gouvernement, afin d’évaluer les aides à apporter aux. parents « défaillants » ou «  dépassés ».

    Elle doit être composée de pédopsychiatres, sociologues, professionnels de l’éducation et de la justice. Il semble qu’à peine créée, certains de ses membres aient démissionné, peu en phase avec ce qui leur était demandé.

    Et les mesures annoncées laissent perplexe : une des mesure-phare consisterait à faire effectuer aux parents « défaillants » des TGI (travaux d’interêt général).

    Est ce bien le remède approprié ?

    Cependant, ce qui nous a interpellées, c’est la raison invoquée pour la création de cette commission : les émeutes ayant eu lieu après la mort du jeune Nahel, en juin 2023.

     

    Rappelons les faits : le 27 juin 23, Nahel, 17 ans, a été tué d’une balle au thorax tirée à bout portant par un policier lors d’un contrôle routier. Il circulait sans permis, à bord d’une voiture signalée comme volée.

     

    Ont suivi des manifestations spontanées de jeunes, bouleversés et en colère, dans toutes les grandes villes et leurs banlieues. Qui pourrait s’en étonner ?

    Or les manifestations ont dégénéré en émeutes, et parfois en pillages. Aux manifestants se sont vraisemblablement mêlé des casseurs et des pilleurs.

    Les dégâts ont été considérables, et à la stupéfaction générale, de jeunes hommes-souvent des adolescents- se sont livré à la destruction systématique des équipements de leur propre quartier : écoles maternelles, centres de loisirs, centres de santé, transports. Pourquoi ??

    Des mères de famille sont venues les supplier de cesser cette auto-destruction incompréhensible. Certains média ont déclaré le pays « à feu et à sang ».

    Des forces de police conséquentes ont été mobilisées. Et ont du affronter une riposte…

    La réaction d’un syndicat de police ne s’est pas fait attendre : ses membres ont décrété immédiatement nécessaire un « combat contre ces nuisibles ».

    Cette terminologie, employée voici 80 ans par le nazisme pour qualifier les Juifs et les Tziganes, a ému plusieurs députés qui ont saisi la justice, accusant le syndicat de police de vouloir créer un « climat de guerre civile ».

    L’atmosphère du pays s’est peu à peu apaisée. Mais pas la colère de certains jeunes de quartiers, se sentant délaissés, jamais écoutés, et pris pour cibles. Elle a bien du mal à retomber…

     

    Notre interrogation est celle-ci : Comment, de ces faits, a pu jaillir l’idée que si ils s’étaient produits, les parents des jeunes incriminés en étaient responsables ??

    Ils ont aussitôt été pointés du doigt comme « défaillants , « négligents », pendant que la cause des troubles était magiquement oubliée : la mort d’un  jeune garçon mineur qui avait la vie devant lui, et auquel ses contemporains se sont rapidement identifiés.

    Quitte à rechercher les responsabilités , le bon sens aurait pu conduire à investiguer sur celles qui sont à l’origine des émeutes, et ont conduit à la mort du jeune homme : dysfonctionnements dans les évaluations des forces de police ; insuffisance de leur formation provoquant des réactions disproportionnées…. Mais non. Toute l’attention s’est soudain focalisée sur les parents des jeunes ayant commis des dégradations, dans un préoccupant basculement de culpabilité.

     

    Naturellement, les mères ont été mises sur la sellette. Les mêmes peut être qui imploraient leurs jeunes d’arrêter de détruire ce qu’elles avaient eu tant de mal à obtenir ? un centre de santé pour les femmes a été incendié.

     La mère du jeune défunt a été accusée de ne pas donner la bonne image la mère endeuillée(la mort d’un enfant est une telle horreur qu’on peut réagir de manière inattendue : je me souviens d’une jeune collègue ayant perdu un enfant d’un terrible accident, qui est allée en boite de nuit le soir pour essayer de s’étourdir et ne pas devenir folle).

     

    Et un cri a surgi « il n’y a pas de pères ! » Comme si c’était leur faute…

    On peine à imaginer la douleur de ces mères-courage, veuves(quand les pères sont présents ils sont souvent ouvriers dans des catégories professionnelles sujettes à de graves accidents du travail) divorcées, ou simplement abandonnées, à se voir ainsi publiquement montrer du doigt.

    Femmes de ménage dans les bureaux( 6 h 30-8h 30, 18h 30- 20h 30), aide soignantes en horaires hospitaliers, parfois de nuit ; caissières, serveuses, elles s’efforcent de procurer à leurs enfants un toit sur la tête et une vie correcte, souvent en courant toute la journée.

     

    Alors oui, elles n’ont pas toujours le temps de vérifier les devoirs, elles ne sont pas toujours en mesure de savoir si leur adolescent est à la maison ou sorti.

    Les pères présents, eux aussi, ont fréquemment des emplois à horaires difficiles : vigiles, éboueurs, livreurs…

    Et c’est là que la perspective des fameux TGI comme incitation à la « responsabilisation » parentale, paraît hors sol, et absurde ! Il y a donc un présupposé que ces parents ne travaillent pas ? Des enquêtes solides ont elles été diligentées ? Parce qu’interrogées , ces mères disent le contraire : elles n’arrêtent pas, et c’est ce manque de temps le problème.

    On aurait compris qu’on demande ces travaux aux auteurs de dégradations à partir de 15 ans.

    Pourquoi pas ? ces travaux auraient justement pu consister à contribuer à la réparation de ce qu’ils avaient démoli. Mais à leurs parents… Cela ressemble , encore une fois, à une punition collective. La responsabilité financière des parents pour des dégâts causés par un mineur existe déjà dans le Code Civil. Quel est donc le but de ces annonces, qui ne vont que renforcer la stigmatisation et la colère ?

    Ces parents ont besoin d’être aidés, pas punis. Ils ont besoin que la lutte contre les trafiquants de drogue qui gangrènent certains quartiers soit intensifiée et sévère.

    Ils ont besoin qu’on les aide à s’occuper de leurs enfants avec bienveillance. 

    Que l’Etat investisse dans des équipements collectifs et des personnels qui permettent aux enfants et adolescents d’être accueillis, de prendre des repas, de faire des activités, d’être aidés à leur scolarité, en l’absence de leurs parents.

     

    A quoi va servir cette commission si on ne consulte pas les populations concernées ?

    Y aura t il des parents autour de la table ? On en doute.

    Car n’est pas venu le jour où, pour un but autre que commercial, on demandera aux personnes en difficulté « qu’est ce qu’on peut faire pour vous aujourd’hui ? »

    Mais, on peut toujours rêver….

     

    Michelle DROUAULT

     


  • Commentaires

    1
    LEVy
    Mardi 19 Décembre 2023 à 16:26

    Rêver à la fin du "hors sol". Qui, face à toutes les misères, tous les dénuements, tous les malheurs du monde, caractérise, et même définit, les classes, les castes, les familles et les soi-disant élites qui se considèrent comme possédant seules la légitimité à diriger. A tout régir. Avec une force de certitude tellement enracinée qu'elle les plonge dans un aveuglement de l'inintelligence qu'elles manifestent à l'égard de tout ce dont elles sont séparées et isolées. Un aveuglement dont les effets sont encore plus pernicieux que la cupidité sans limite dont elles se nourrissent. Un "hors sol" qui a tout d'une constante historique. Qu'on pense aux aristocrates de la fin de l'Ancien Régime, acharnés à faire réussir leur réaction nobiliaire en défense de leurs privilèges, et accélérant par là la disparition, politique sinon sociale, de leur monde. Ou plus près de nous, cette grande bourgeoisie du XIX ème siècle qui s'opposait à la limitation du travail des enfants dans les usines, en mettant en garde contre le terrible danger moral auquel ces enfants seraient exposés par l'oisiveté qu'on leur promettait.

    L'article porte une exemplaire réfutation du hors sol qu'il décrit. On a parlé ci-avant d'un aveuglement, mais la surdité à l'encontre des réfutations de cet ordre est une infirmité de l'intelligence politique non moins accablante. La persécution obsessionnelle des migrants montre, au reste, que les deux infirmités se complètent admirablement. Et d'autant plus lorsque le racisme fait de leur conjonction son instrument - ici contre les parents qui ne mettent pas leur progéniture dans un établissement scolaire privé aussi moralisateur que hors de prix, là pour nourrir la peur et la haine d'un imaginaire Grand remplacement. 

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