• PMA POUR QUI ?

    Un projet de loi devrait permettre prochainement d’ouvrir la PMA (procréation médicalement assistée) à toutes les femmes, quelle que soit leur orientation de vie ou leur état marital.

     

    Devant de tels enjeux, qui concernent l’avenir de notre société, on note une désolante absence de véritable débat.

    D’une part un mouvement bien connu pour son opposition précédente au mariage « pour tous » se dresse contre « la PMA sans père », au nom de la paternité. De l’autre, les partisans de la loi, s’ils la saluent, estiment qu’elle ne va pas assez loin…

    Et tous ceux et celles qui s’interrogent sur des questions éthiques, philosophiques, humaines, semblent évincés, voire cloués au pilori.  Les rares débats médiatiques se réduisent souvent à des oppositions binaires, voire caricaturales.

     

    Or, des questions de fonds s’imposent :

    -Voulons nous vraiment, en généralisant ce procédé, dissocier la sexualité de la procréation ; les relations humaines de la création d’un être vivant ?

    Quelles seront les conséquences sur le psychisme des mères et le vécu des enfants ?

    - Est il légitime, comme le dit entre autres la philosophe S. Agazinski, « d’abandonner la logique médicale de lutte contre l’infertilité pour répondre à des demandes sociétales » ?

    -le remboursement d’une telle pratique ne relève pas du secteur de la santé ; n’est il pas choquant que la collectivité réponde à des besoins individuels alors que beaucoup de citoyens(et de citoyennes !) doivent encore renoncer à des soins pour prise en charge insuffisante ? A l’heure où on s’ingénie à trouver des moyens de gratuité des garnitures périodiques pour les femmes en précarité, où soins dentaires et lunettes peinent à être couverts ? Où l’Aide médicale d’Etat ne couvre que les soins d’urgence ?

    -Enfin, l’introduction de la notion de « parent d’intention »n’est elle pas dangereuse, et ne peut elle conduire à plus ou moins long terme à la légalisation de la GPA, pourtant à juste raison interdite en France ?

     

    Je n’ai pas la prétention d’apporter des réponses à ces questions. Mais elles méritent d’être posées. De même que les causes réelles, tant des oppositions farouches que des engouements sans réflexion, doivent trouver des tentatives d’analyse.

     

    Il n’est pas égal d’attendre un enfant issu du désir pour un homme, qu’il inclue un projet de couple ou soit le résultat d’une éphémère nuit d’ivresse ; d’espérer que le bébé ait les yeux ou le don pour la musique de la personne qu’on aime ou qu’on a apprécié quelques instants, que de choisir un donneur sur dossier. Il n’est pas égal d’avoir du plaisir au moment de la conception d’un enfant, ou d’avoir un embryon implanté lors d’un acte médical.

    Les femmes qui ont eu recours à la PMA pour des raisons d’infertilité de leur conjoint le savent bien.

    Et si le désir pour un homme est impossible ?
    C’est là que la question devient difficile et délicate. Car l’enfant étant une personne, il n’existe pas de « droit à l’enfant »…

     

    Il semble néanmoins que détracteurs comme promoteurs de la « PMA pour toutes » se trompent de combat.

    Les opposants qui crient « Liberté, égalité , paternité » cachent mal, derrière ce slogan leur véritable préoccupation : que des femmes puissent avoir des enfants sans le contrôle d’un homme leur est insupportable. C’est le modèle patriarcal de la famille qu’ils ressentent attaqué.  

    Si le code civil napoléonien de 1804 consacrant l’inégalité essentielle des époux et parents n’a été transformé qu’à partir de 1970 pour aboutir à l’autorité parentale conjointe , puis le divorce par consentement mutuel, la tentative de reprise en main des femmes a été très rapide. Suite à la conquête fondamentale de leur émancipation : la contraception et l’avortement légal, le contrôle exercé sur elles glissait peu à peu des doigts des dominants.

    C’est donc sous couvert de progressisme et d’égalitarisme que l’offensive a été menée pour être mieux acceptée : effacer les différences de statut entre les femmes mariées et les autres pour mieux les contrôler toutes. Tout homme a pu reconnaître un enfant sans l’aval de la mère ; et toute reconnaissance a donné à cet homme l’autorité parentale, même en l’absence de projet de vie avec elle et l’enfant. Notons qu’il n’en est pas ainsi dans beaucoup de pays d’Europe. En Allemagne, la mère doit consentir à la reconnaissance, et l’approuver comme exacte ; en Suède et en Italie, la mère qui ne vit pas avec le père de l’enfant garde seule l’autorité parentale, le père conservant un droit/devoir de surveillance et d’éducation.

     

    En France une femme ni mariée ni pacsée n’a absolument aucun lien juridique avec le père de ses enfants(c’est à eux, pas à elle, qu’il doit une pension alimentaire). Néanmoins les Juges aux Affaires Familiales ont pu être saisis de litiges de couples de concubins, dés lors qu’ils étaient parents…

    Et les enfants, seul lien possible, ont été instrumentalisés pour servir de moyens de contrôle.* 

    Des contentieux inadmissibles se sont installés autour d’enfants otages, parfois enlevés ou séquestrés par des pères(divorcés ou non) impuissants à empêcher une séparation, ou laisser une femme avoir une vie autonome.

    Assez vite, avoir un enfant avec un homme est devenu synonyme d’avoir un boulet, une chaine au pied, car le droit à l’erreur était payé trop cher : des femmes se sont vues assignées à résidence, privées de promotion professionnelle, harcelées, par des hommes avec qui elle n’avaient parfois jamais eu de projet de vie, « au nom de l’enfant ».

     Pour certaines , cela a signifié être en danger de mort avec leur enfant, ou mourir :

     les féminicides et infanticides représentent 25% du total des homicides. 82 femmes depuis Janvier 2019 ont été tuées par un conjoint , ex –conjoint ou partenaire dans un contexte de séparation. La moitié d’entre elles laisse des orphelins, parfois bébés. Certains enfants ont été tués par leur père avec leur mère ; ou dans le seul but de se venger de la mère( un accusé a récemment reconnu ce mobile).

     

    Faut il s’étonner que dans ce contexte, les femmes veuillent vivre en paix avec leurs enfants, et commencent à privilégier des modes de conception qui les délivrent de pareilles épées de Damoclès ? Non.

     

     

    Mais paradoxalement, les opposants principaux à la PMA sont aussi ceux qui ont le plus appuyé les mouvements de pères séparés réclamant toujours plus de coercition sur les femmes.

    Récoltent ils ce qu’ils ont semé… ?

     

    Du côté des promoteurs inconditionnels de la PMA, on brandit des études établissant que les enfants élevés dans des familles homoparentales n’allaient pas plus mal que les autres. Heureusement ! la capacité des personnes d’élever des enfants est absolument indépendante de leur orientation sexuelle, et deux femmes peuvent être de bons parents.

     La question n’est pas là. Par ailleurs, être élevé sans père présent au quotidien ne veut pas dire être privé de modèles masculins (grand père, oncle , parrain, etc).

    La question est que si la PMA est ouverte à toutes les femmes, on va fabriquer sciemment des enfants qui ne connaîtront pas leur filiation biologique. Or savoir d’où nous venons, où sont nés nos aïeux, leur histoire, tout cela est constitutif de notre personnalité, de notre sécurité intérieure, de notre sentiment d’appartenance . Les enfants nés par PMA dans un couple hétérosexuel et au courant de leur conception, recherchent presque tous leurs origines, car c’est une quête légitime que de savoir quelle combinaison génétique a produit l’être unique que nous sommes. La fiction de parenté offerte aux enfants de couples de femmes sera purement sociale(la compagne de la mère) Ceux nés de mères célibataires n’auront pas de possibilité de recherche en paternité, seulement de connaissance de l’identité (s’il accepte) ou des caractéristiques de leur donneur. Comment se sentiront ils lorsqu’ils deviendront parents à leur tour ? 

    Leurs enfants n’auront de grand parents que d’un seul côté, ou des grand parents « d’intention ». Feront ils une différence avec leurs petits-enfants « biologiques » ? Nous n’en savons rien.

    Ces parentalités « d’intention » posent un énorme problème : suffit t-il de se vouloir ou se déclarer parent pour l’être ? c’est le modèle de la GPA : substituer à la mère qui a porté l’enfant et lui a donné naissance une mère « d’intention »(il est à noter que le père , lui, ne saurait être intentionnel, et que c’est avec ses gamètes-donc sa marque de fabrique-que l’enfant est conçu, puis il devient le père social dans une continuité rassurante..)

    Cette mère d’intention n’a aucun lien, biologique ou charnel, avec l’enfant, tout comme l’épouse ou la compagne de mères lesbiennes ayant conçu un enfant par PMA.*2

    Il ne s’agit donc pas ici de vie quotidienne et d’éducation, mais de filiation et de transmission.

    Cela mérite réflexion, débats, controverses, prudence.

    Il n’en est rien. Invectives et apostrophes continuent à pleuvoir dans un vide abyssal de pensée.

    D’autres questions surgissent : la PMA implique des traitements hormonaux massifs. Quels risques pour la santé des femmes ? Elle inclut des matériaux techniques sophistiqués et coûteux. Qui a intérêt à mettre ces produits sur le marché ?

    Enfin , du point de vue idéologique, certaines femmes ont fait remarquer combien l’accès aux soins était en ce moment problématique : hôpitaux en grève, urgences saturées, maternités fermées. Elles ont fait observer que le féminisme n’avait de valeur que s’il proposait l’émancipation et le bien-être de TOUTES les femmes, pas la satisfaction d’une demande minoritaire.  A laquelle on ne pourrait répondre qu’en tant que cerise sur le gâteau, une fois la santé de la majorité des femmes assurée. Ce qui est loin d’être le cas actuellement.

    Est il plus facile aux pouvoirs publics de satisfaire cette demande que de réformer le système de soins, et le système judiciaire, afin que la vie des femmes cesse d’être une lutte permanente ?

    Encore une fois, je ne fais que m’interroger.

    Les commentaires seront ici les bienvenus…

     

     Michelle. C. DROUAULT

     

     Notes

     

    * 1 C’est le sujet du film brillant de Xavier Legrand : « Jusqu’à la garde ».

    *2 On ne peut s’empêcher de penser au « changement de sexe déclaratif » proposé dans certains pays anglo-saxons : il suffirait de se vouloir femme pour l’être…ainsi certains hommes se sont ils introduits dans des espaces réservés aux femmes pour leur sécurité, avec cet argument de l’intention et du ressenti d’être une femme : résultats, violences et tentatives de viol, ces personnes étaient restées biologiquement des hommes…

     

    -

     


  • Commentaires

    1
    levy
    Dimanche 4 Août 2019 à 18:05

    "J'aime" parce que cette analyse s'oriente à partir de tous les angles et épouse toutes les nuances de la réflexion qu'appelle cette problématique.

    Il me semble qu'aucun des multiples aspects de celle-ci n'est laissé de côté. Circonspection, scrupule et probité intellectuelle distinguent effectivement cet article des polémiques en lesquelles le débat est immanquablement dégradé sur tous sujets éthique de cet ordre. 

    Il est vrai aussi qu'il est pratiquement impossible de répondre à l'intégrisme cléricaliste sans employer les armes que ce genre d'adversaire met de lui-même das la main de celles et ceux qui entendent lui résister

     

    Si je devais privilégier un point de cette réflexion, je citerais celui-ci qui, pour moi, avance peut-être le plus profondément dans le coeur du sujet - et qui est de surcroît d'une grande et émouvante beauté dans sa référence au plaisir : 

    "Il n’est pas égal d’attendre un enfant issu du désir pour un homme, qu’il inclue un projet de couple ou soit le résultat d’une éphémère nuit d’ivresse ; d’espérer que le bébé ait les yeux ou le don pour la musique de la personne qu’on aime ou qu’on a apprécié quelques instants, que de choisir un donneur sur dossier. Il n’est pas égal d’avoir du plaisir au moment de la conception d’un enfant, ou d’avoir un embryon implanté lors d’un acte médical.

    Les femmes qui ont eu recours à la PMA pour des raisons d’infertilité de leur conjoint le savent bien.

    Et si le désir pour un homme est impossible ? 
    C’est là que la question devient difficile et délicate. Car l’enfant étant une personne, il n’existe pas de « droit à l’enfant »…

     

     Mais là où "la question devient difficile et délicate", toutes raisons pesées, tous arguments et toutes réserves et objections bien réfléchies, je ne puis me résoudre à décider en fin de compte qu'en faveur de celles pour qui, d'une façon ou d'une autre, le désir pour un homme est impossible ou la place d'un père est fermée ou introuvable.

     

    Sans rien méconnaître des limites - des faiblesses - de ce choix.

     

    Didier Lévy

    2
    Samedi 21 Septembre 2019 à 15:54
    Bonjour. Je vois que votre article n'a pas été commenté. Moi je cherchais justement un Blog qui commente sur la PMA. Je vous remercie d'avoir donné ce temps pour distanguer les vrais questions. Je crois que Macron ne cherche que les votes du peuple et comme César il donne du pain au Cirque pour se faire aimer de la foule. Pour moi ayant souffert enfant du manque de père avec mère biologique absente, et les conséquences dans ma vie... Assez lourdes... Je trouve que le plus important ce n'est pas de se dire que l'enfant est un droit pour tous ou même de dire qu'ils seronts aimes. L'important c'est la suite psychologique de cet être. Sa construction. Pour ce qui me concerne j'ai été assez désorientée même à niveau de mon être profond...des repères. Donc le principal souci ce sont les enfants. Je ne crois pas que l'on ai le droit sur une vie... Et je vous parle franchement. D'une vie pas donne par une femme et un homme. On voit dand les animaux... Dans la nature. Je suis croyante mais ce n'est pas cela qui me motive pour penser ainsi. On a pas le droit à l'enfant comme à toucher son salaire, aller en vacances, adquerir un bateau ou une maison. Merci encore du mal que vous vous êtes donnés... Ça c'est de la responsabilité !
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