• La théologie féministe, oui, elle existe ( 1ère partie)

    Un exemple parmi tant d'autres d'une réflexion théologique féministe:

    Voici la conférence que Juan Jose Tamayo a prononcé à l'inauguration d'une faculté consacrée à la théologie féministe au Salvador.

    On peut lire le texte original espagnol sur: http://www.adital.com.br/site/noticia.asp?lang=ES&cod=76112  

    et la traduction anglaise sur:

    http://iglesiadescalza.blogspot.fr/2013_06_30_archive.html

    Voici  la traduction française faite par Michelle C.Drouault

     

    CONFÉRENCE PRONONCÉE À L’INAUGURATION DE L’ECOLE DE THÉOLOGIE FÉMINISTE DE L’ASSOCIATION DES FEMMES CATHOLIQUES DU SALVADOR POUR LE DROIT À DÉCIDER

    San Salvador, 28 Juin 2013,

     

    Je souhaite exprimer ma reconnaissance à l’Association des femmes catholiques du Salvador pour le Droit à Décider, pour m’avoir invité à  faire cette conférence pour l’inauguration de l’Ecole de Théologie Féministe, qui se déroulera de Juillet à Décembre 2013 ; avec un programme structuré autour de 3 axes fondamentaux :

    - L’Histoire de la Théologie Féministe,

    - les Droits Humains des femmes, un compromis éthique et théologique

    - Sexualité et Corporalité.

     

    Cette invitation constitue pour moi un honneur et un défi :

    Un honneur, parce que je suppose avoir le privilège d’assister à la fondation d’une des expériences théologiques les plus prometteuses, la naissance de la première école de Théologie Féministe au Salvador ! Elle enrichira sans doute la théologie latino –américaine de la Libération par de nouveaux apports dans une perspective d’études sur le genre ;

    Un défi parce que cette conférence introductive fait une analyse critique de l’attitude des religions envers les femmes, et établit les bases d’une théologie féministe de libération ; élaborée à partir des théories féministes : le genre, le patriarcat, l’autonomie, la subjectivité, l’alliance entre les femmes, la violence de genre, etc.

     

    Je vais développer systématiquement 5 idées maîtresses pendant cette conférence :

    - Les religions ne se sont jamais bien entendues avec les femmes ; c’est vrai encore aujourd’hui

    -Les religions ont exercé sur les femmes des violences de toutes sortes : violence physique, psychologique, religieuse, et symbolique

    -Cependant, les femmes sont les personnes les plus fidèles aux préceptes religieux, les meilleures éducatrices dans les différentes fois religieuses qui existent ; et, pour aussi paradoxal que cela paraisse, les meilleures reproductrices de la structure patriarcale des religions

    -Mais le nombre de femmes qui se rebellent contre les religions va croissant ; et sans abandonner l’espace religieux, elles s’organisent de manière autonome et vivent l’expérience spirituelle à partir de leur subjectivité propre, sans avoir à passer par l’intermédiaire des hommes

    -De cette rébellion a surgi DANS TOUTES LES RELIGIONS une nouvelle forme de pensée, et une reformulation des croyances et des pratiques religieuses : la théologie féministe !

    Les femmes sont les éternelles oubliées et les grandes perdantes en matière de religion !

    Les femmes dans les religions ne sont pas reconnues comme sujets, mais considérées comme d’éternelles mineures qui ont besoin d’être conduites par des guides spirituels masculins pour acquérir le sens de ce qui est moral ; ont besoin qu’ils leur disent ce qui est bien et ce qui est mal, ce qu’elles peuvent et ne peuvent pas faire ; surtout en matière de sexualité, de relation de couple, et d’éducation des enfants.

    Les normes morales auxquelles se conformer pour les femmes sont la plus part du temps éloignées, pour ne pas dire contraires, aux orientations égalitaires des fondateurs des religions.

    Elles sont dictées par les hommes, qui les imposent comme des obligations absolues.

    Dans l’imaginaire religieux patriarcal représenté par les prêtres, imams, rabbins, lamas, pasteurs et maîtres spirituels ; les femmes sont considérées comme tentatrices, de conduite légère ; sans morale, etc.

    Cette image s’est élaborée à partir de textes déterminés piochés dans les livres sacrés écrits(et traduits) en langage patriarcal, et considérés comme valides en tout temps et en tout lieu, et lus avec une optique fondamentaliste et une mentalité misogyne.

    Les femmes ne sont quasiment jamais reconnues comme sujets religieux.

    Dans la majorité des religions, la divinité est masculine, et tend à être représentée seulement par des hommes*. Et, en conclut Mary Daly, »je crois certainement que « Si Dieu est un homme, alors, un homme, c’est Dieu ! ».

    Ainsi, les hommes se sentent une légitimité divine pour imposer leur omnipotente volonté aux femmes ; et le patriarcat religieux- Dieu, en définitive- légitime le patriarcat de la société.

    Et précisément parce que seuls les hommes peuvent représenter Dieu, seuls les hommes peuvent accéder au summum du sacré, au monde divin ; entrer dans le saint des saints, monter à l’autel, offrir le sacrifice ; diriger la prière communautaire à la mosquée ; présider le service religieux à la synagogue… (avec quelques exceptions de nos jours).

    Seuls les hommes peuvent accéder à la fonction sacerdotale dans l’Eglise catholique, ainsi que les imams dans l’Islam, et les rabbins dans le Judaïsme orthodoxe ; et ce SANS QU’AUCUN TEXTE SACRÉ EXCLUE LES FEMMES !

    Dans l’Eglise catholique, l’ordination sacerdotale de femmes est considéré comme un délit grave au même titre que la pédophilie ; l’hérésie ; l’apostasie. Et elle est punie de façon aussi sévère que la pédophilie : avec l’excommunication !*

    Dans l’Islam, la prière communautaire du vendredi dirigée par une femme est qualifiée par beaucoup de profanation du sacré.

    Dans l’Eglise catholique, les femmes peuvent consacrer leur vie à Dieu, mais elles ne peuvent représenter Dieu.

    Dans les mosquées, on a l’habitude de séparer les hommes des femmes (pour éviter quoi ?) ; elles sont reléguées dans la partie supérieure derrière un paravent ; et parfois elles doivent aussi entrer par une porte distincte de celle des hommes.*

    Les femmes sont difficilement reconnues comme sujets théologiques.

    Les institutions religieuses ont l’habitude de dresser aux femmes toutes sortes d’obstacles pour l’étude de la doctrine théologique, l’interprétation des textes sacrés, la réflexion sur la foi, etc.

    Et quand elles décident de penser la Foi, et qu’elles osent faire de la théologie à partir de leur expérience de souffrance et de lutte, et interpréter les textes de leurs religions respectives depuis leur subjectivité propre et leurs expériences de vie, on se met à les accuser d’entrer sur un terrain qui ne leur correspond pas, et de faire du subjectivisme ! Comme si les hommes n’étaient pas subjectifs dans leurs lectures et leurs interprétations !

    Dans la majorité des religions, la théologie est écrite avec des caractéristiques masculines.

    L’organisation des religions se conjugue la plus part du temps patriarcalement : tous les prêtres catholiques et tous les imams sont des hommes ; le Dalaï Lama est un homme, la majeure partie des rabbins et les lamas sont des hommes.

    Pour eux la religion pourrait se définir comme une patriarchie parfaite.

    Il y a heureusement des exceptions dans les églises de tradition protestante qui ordonnent des pasteures, des diaconesses ou des évêques qui sont des femmes.

    Une pratique qui devrait se généraliser pour en finir avec la discrimination de genre pour l’accès aux ministères ordonnés.

    Les femmes accèdent avec beaucoup de difficulté aux postes de responsabilité dans les communautés religieuses.

    De coutume, le pouvoir peut seulement être détenu par les hommes. Ce qui correspond aux femmes, c’est d’obéir aux ordres. Ce qui tend à être justifié par le discours androcentrique des religions qui en appellent à la volonté divine : c’est Dieu qui transmet le pouvoir et l’autorité aux hommes. Dans le cas du christianisme, on en appelle à Jésus pour fermer le chemin de l’ordination sacerdotale des femmes. Le pape vient de l’affirmer dans une interview libre avec le journaliste Peter Seewald : »ce n’est pas que nous ne voulons pas ordonner de femmes ; ce n’est pas que cela ne nous plait pas. C’est que NOUS NE LE POUVONS PAS, parce que le Christ l’a établi ainsi, il a donné à l’Eglise le symbole des Douze Apôtres, et ensuite, pour leur succéder, les évêques et les prêtres. »

    En d’autres mots, on ordonne à la fonction de prêtre les seuls hommes.

    Le machisme pur et dur, et la lecture androcentrique de la Bible pour légitimer l’organisation patriarcale de l’Eglise !

    Et je me demande : les églises chrétiennes, chaque jour plus nombreuses, qui ordonnent des femmes, et leur reconnaissent des fonctions sacerdotales et épiscopales ; elles ont en train de transgresser le mandat du Christ ; ou bien elles appliquent dans leurs communautés le principe évangélique et démocratique d’égalité entre les hommes et les femmes ?

    Avec à la main la Bible chrétienne, et à partir d’une herméneutique de genre, il faut dire :

    a)    que ce qui met en marche Jésus de Nazareth, ce n’est pas une église hiérarchisée et patriarcale comme l’Eglise actuelle, mais un mouvement égalitaire d’hommes et de femmes,

    b)    que Jésus de Nazareth n’a ordonné personne ; ni hommes ni femmes. Tout au contraire : il a exclu expressément de la nouvelle religion le sacerdoce, et a éliminé le Temple comme lieu de culte, proposant comme alternative l’adoration « en esprit et en vérité ».

    c)     le Christianisme, comme le dirait lucidement Diez Alégria, est une religion éthique, prophétique, non ontologico-culturelle.

    Avec à la main l’histoire de l’Eglise, et diverses investigations archéologiques, on peut affirmer que durant plusieurs siècles, les femmes ont exercé des fonctions sacerdotales et épiscopales.

    Ce n’est pas l’Histoire, pour l’Eglise « maîtresse de la vie » ?

    * 1 (divinité représentée par un homme) = sauf dans l'hindouisme, où plusieurs divinités sont féminines*2  = exclusion de tous les sacrements

     

     

     

     

     


  • Commentaires

    1
    claudine onfray
    Mercredi 24 Juillet 2013 à 09:33

    sans oublier le fait que l'annonce de la Pâques a été faîte à une femme

    que des femmes sont nommées disciples , envoyées , dirigent des premières communautés en duo avec un homme

    que Marie Magdeleine a été appelée l'Apôtre des apôtres au début

    donc si la société a repris le pouvoir masculin , l'Evangile ne parle que d'un seul prêtre , le Christ

    que si des siècles de tableaux ont montré une Cène sans femmes , il est évident qu'elles étaient là

    si une religion a franchi cette injustice , cette discriminationc'est bien le christianisme

    qu'en avons -nous fait ?

    jamais l'homme sans la femme à égalité ......c'est la création, tous deux à l'image de Dieu qui n'est ni homme ni femme mais le tout autre

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