• Le virus mutant de la domination masculine (1ère partie)

    Nous commençons une série de 4 articles sur ce « virus mutant ». 

    Problématique

    Comme tout système de domination, la domination des hommes sur les femmes dans les sociétés occidentales mute. C’est à dire qu’elle s’adapte aux avancées incontestables qu’ont connu les droits des femmes, et aux nouvelles normes de ce qui est considéré comme un consensus acceptable de valeurs.

     Ces valeurs résultent des luttes ininterrompues menées par les femmes, mais elles ont été intégrées : la contraception est un droit ; le viol doit être pénalement puni ; les salaires ne doivent pas être discriminants ; la parité doit s’appliquer en politique, etc….Bien sûr, cette manière d’envisager la vie sociale est affirmée en surface, et INDIVIDUELLEMENT, beaucoup d’hommes ne sont pas d’accord ; mais ils sont obligés de le dissimuler sous peine d’apparaître comme des troglodytes, et, pour certains, de ruiner leur carrière politique ou artistique. Ceux qui, ces derniers temps, se sont hasardés à des caquètements de poule à l’intervention d’une députée, ou à des propos sexistes sur la meilleure place des femmes aux confitures qu’au conseil municipal, en ont fait les frais : amendes financières, et blâmes publics. Car parfois, la surface policée se craquèle, et surviennent les petites phrases qui traduisent le fonds de leur pensée. Les « il n’y a pas mort d’homme » au sujet d’un viol, les « qui va garder les enfants ? » au sujet d’une femme politique candidate à une élection…..les « salope » murmurés entre les dents, et opportunément enregistrés par un journaliste…

    Cependant, le moyen le plus sûr de continuer à dominer collectivement reste encore de se servir des concepts qui sont consensuels pour les détourner, les instrumentaliser au service du pouvoir. Et de faire apparaître, sublime supercherie, les personnes ou les groupes qui dénoncent ces procédés comme réactionnaires !

    ( « comme il sait, avec ruse dernière/ se faire un beau manteau de tout ce qu’on révère » disait déjà Molière dans « Tartuffe »…)

     

    Première mystification : la laïcité, une instrumentalisation des lois

    Comme nous le rappelions voici peu sur ce site, l’Etat seul, en France, est laïque, c’est à dire qu’il ne peut y avoir aucune religion, aucun culte, qui soit officiel ou favorisé et subventionné ; et que tous les fonctionnaires de l’Etat, ses moindres représentants, doivent être neutres, et ne montrer ni professer aucune religion DANS L’EXERCICE DE LEURS FONCTIONS.

    Par contre, la liberté religieuse, et le droit d’exprimer ses convictions pour l’ensemble des citoyens, restent inscrits dans la Constitution.

    On a voulu faire croire que le devoir de neutralité s’étendait à tous les citoyens français, et la répression s’est particulièrement abattue sur les femmes et les filles musulmanes, puisque l’expression de leurs convictions passe par le fait de se couvrir les cheveux.* 1

    Au nom de la laïcité, des petites filles, des jeunes filles, ont été exclues du savoir, de la connaissance, de la possibilité d’accès à un métier valorisant, et renvoyées chez elles à faire le ménage tout en prenant des cours par correspondance ! Julie-Victoire Daubié, première bachelière française en 1861, a du s’en retourner dans sa tombe !

    Voilà comment le droit chèrement acquis des femmes à l’éducation et à l’instruction a été battu en brèche.*2

    On a pu entendre à l’occasion de ces « affaires de foulard », un florilège de préjugés aussi sexistes que racistes, visant à présenter l’ensemble des femmes et des filles comme des personnes faibles et manipulables, qui ne pouvaient avoir de réelles convictions personnelles.  Les mouvements d’extrême droite identitaires se sont saisis de ces affaires en les présentant comme un grave problème, manipulation qui rappelle les fantasmes de « complot juif » ou sur la franc-maçonnerie qui avait cours dans les années 30 et 40. La légende du complot franc maçon qui infiltrerait la sphère politique, est d’ailleurs remise au goût du jour par certaines mouvances…

    Et plusieurs  organisations féministes n’ont pas vu que le critère de l’oppression des femmes était la CONTRAINTE : être forcée à porter ou retirer un foulard rentre exactement dans la même logique de possession des femmes. Nulle part il n’existe de police qui se préoccupe de l’apparence des hommes !*3

    On peut noter au passage que les « Femen » qui découvrent leurs seins, ( symbole de la reproduction que les hommes veulent contrôler) scandalisent autant que les femmes en tchador ou en niqab, voire en simple voile : il s’agit toujours d’actes VOLONTAIRES et revendiqués des femmes de couvrir ou découvrir une partie de leur corps ; et c’est cela qui hérisse ces messieurs….

    Michelle. C. DROUAULT

    Notes :

    *1 Il ne nous appartient pas, si nous ne sommes pas musulman-es, de juger du bien-fondé théologique de cette pratique. C’est un débat qui doit avoir lieu à l’intérieur de l’Islam, et non hors de son cadre, par des « spécialistes de »…

    *2 Oui, un droit chèrement acquis, puisque, bien qu’elle ait réussi l’examen, Julie Daubié a eu beaucoup de mal à obtenir le titre : « lui donner officiellement son diplôme de bachelier és lettres…ridiculiserait le Ministère de l’Instruction Publique », clamait un ministre. Ce qui n’empêchera pas Julie d’obtenir sa licence de Lettres en 1872 !

     *3 Sauf en Iran, où la police des mœurs s’assure effectivement qu’ils ne circulent pas en short…

     

     


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