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SI CE N’EST TOI, C’EST DONC TON FRÈRE…
La punition collective figure t-elle dans les archaïsmes de l’inconscient sociétal français ?
Les propositions de sanctions qui pénaliseraient un pan entier de population en réponse à une problématique, même si ces sanctions n’ont qu’un lointain rapport avec les évènements, reviennent au galop, telles de préoccupants serpents de mer…
Pourtant le passé n’est pas si éloigné où des groupes ont été désignés responsables de crises économiques et/ou politiques. Sans aucun fondement. Il fallait juste détourner l’attention.
Et ces groupes ont été discriminés, spoliés, expulsés, déportés.
En France, entre 40 et 45, aux mesures anti-juives et anti-communistes, se sont ajoutées les exécutions d' « otages » par l’Occupant, pris au hasard. Parfois des villages entiers ont été rayés de la carte avec une extrême violence, simplement pour se venger d’une défaite devenue inéluctable.
Cette période devrait figurer dans notre inconscient sociétal pour allumer une lanterne rouge dés qu’on propose des sanctions collectives.
Bien sûr, celles qui sont sur le devant de la scène en ce moment(la suppression de prestations sociales légales aux parents de mineurs arrêtés pour dégradations sur la voie publique) n’ont aucun caractère létal aussi dramatique. Ce n’est pas comparable. Mais ce qui l’est est la logique absurde qui y préside, déjà dénoncée par La Fontaine dans « Le Loup et l’Agneau » : « Si ce n’est toi, c’est donc ton frère, c’est donc quelqu’un des tiens ! »
De quoi est il question exactement ?
Voici quelques semaines, s’est produit un drame absolu : Nahel, un jeune garçon de 17 ans a été tué par un policier lors d’un contrôle routier. Chacun a pu lire dans la presse les détails de cette mort qui n’aurait jamais du se produire. Il se trouve que Nahel était français d’origine maghrébine. Les spectres d’autres drames semblables se sont réveillés (Zined et Bouna, 2005, Malik Oussekine, 1986)…
L’émotion a été grande. Légitimement. La révolte et la colère ont conduit de jeunes ou très jeunes hommes à un vandalisme autodestructeur des équipements de leurs propres quartiers.
Pourquoi une telle désespérance ? qui a lésé leurs propres familles ? Eux seuls pourraient le dire.
Les réactions des politiques et des gouvernants ont été plus que surprenantes.
Car enfin, le sujet, c’est le fait qu’un policier expérimenté et confirmé ait tiré à bout portant sur un jeune qui refusait de s’arrêter alors qu’il conduisait sans permis, et ne le menaçait pas.
Jadis, la conduite sans permis et le refus d’obtempérer étaient passibles d’une lourde amende et une garde à vue de quelques heures.
Mais au lieu de placer le focus sur la cause des émeutes(qui peuvent rappeler les émeutes du Bronx aux USA pour des questions de violence raciale systémique) et d’interroger la fréquence grandissante d’accusations de violences policières, de nombreux élus et gouvernants ont préféré se hâter de trouver un bouc émissaire : les parents des émeutiers !
Le questionnement de fonds a donc disparu au profit d’accusations les plus fantaisistes(relayées par les media) et a surgi la proposition, reprise en chœur, que j’incrimine aujourd’hui : la suppression des allocations familiales aux parents des émeutiers mineurs.
Non seulement on fait difficilement plus injuste, mais surtout l’ignorance abyssale des réalités de ces donneurs de leçons paraît criante.
Les prestations sociales et familiales ne sont pas facultatives : les familles y ont droit selon le nombre d’enfants et un plafond de ressources. Il serait donc totalement illégal de les supprimer sans que les conditions d’attribution aient changé.
Celles-çi sont établies par les CAF. Ensuite, ces sommes participent au budget alimentaire et vestimentaire de toute la famille. Les diminuer entraînerait des privations pour TOUS les enfants d’une même famille, y compris les plus jeunes. Aucune mère ne va dire à son enfant «toi tu ne manges pas, je n’ai plus d’allocation pour toi ! » Donc des bébés pourraient se trouver rationnés parce que leur grand frère a participé à une émeute. Bravo ! Quant à supprimer l’allocation de rentrée scolaire pour un enfant délinquant, c’est carrément le jeter dans les bras des trafiquants de stupéfiants qui n’attendent que les « décrocheurs ».
Où donc est l’interêt des enfants, qui, selon les ordonnances de 1945, doit toujours primer en toutes circonstances ?
Ensuite, donner l’injonction aux parents de « tenir » leur adolescent à la maison est inepte.
Beaucoup de familles sont « monoparentales » c’est à dire formées de mères élevant seules leurs enfants(divorce, abandon ou veuvage ne leur pas laissé le choix) et effectuant pour cela avec dignité et courage des travaux que les politiques dénonciateurs n’effectueraient pas plus de 2 heures : femmes de ménage dans les bureaux, aides soignantes, aides à domicile, caissières. Avec les horaires décalés que cela implique.
Rentrée à minuit, ou levée à 4 heures et demi, comment une mère peut elle vérifier que son fils est bien à la maison ? va bien au collège ? Lorsqu’il y a un père présent, il est souvent éboueur, vigile, brancardier. De plus, comment contraindre un grand gaillard d’1, 70 m et 70 kg ??
Tout cela ne tient pas debout.
Mais je note qu’au lieu de chercher comment la police pourrait redevenir une police de proximité bienveillante qui protège les citoyens et ne discrimine personne, on cherche à punir les populations concernées par les dérapages. Au lieu de les aider. Nul n’a demandé « comment aider ces familles, ces quartiers ? comment restaurer la confiance ? », « comment se fait il que des délinquants se livrent à des trafics de manière continue dans certains quartiers ? »
Depuis les années 80, des quartiers entiers ont été abandonnés par les pouvoirs publics, et sont devenus lacunaires en équipements collectifs, en services, en aires de jeux et de sports, malgré les efforts louables de certains élus municipaux. Mais l’Etat n’a pas réagi…
Les conditions de travail et de salaires des enseignants sont telles que leur nombre devient nettement insuffisant, alors qu’il devrait être renforcé dans un but de soutien dans les cités de banlieue.
Un tel renversement de culpabilité est pervers, et démontre surtout l’impuissance des pouvoirs publics à faire autre chose que stigmatiser et punir.
Une tribune de parents aisés, souvent de profession libérale, a dénoncé ce « haro » sur les parents, en précisant que nul, dans aucune classe sociale, n’est à l’abri de voir son fils commettre des actes délictueux. Des enfants de ministres ont même été concernés.
On n’a pas proposé de leur supprimer leurs indemnités….
Alors que cet arsenal punitif finissait juste d’être évoqué, une autre affaire a éclaté, impliquant des policiers pour un jeune gravement blessé sans motif tangible.
Qui va t on trouvé à blâmer cette fois ?
Je laisse les lectrices et lecteurs se faire un jugement . Pour ma part, je demeure consternée et inquiète.
Michelle. C. DROUAULT
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Commentaires
"Non seulement on fait difficilement plus injuste, mais surtout l’ignorance abyssale des réalités de ces donneurs de leçons paraît criante".
Quel réconfort de trouver dans cet article l'une des si rares manifestations de l'intelligence, de l'intelligence de la générosité qui est la seule authentique et donc la seule pertinente, qui s'applique à répondre aux derniers drames survenus dans notre société - laquelle, en son état, à effectivement tout pour provoquer l'inquiétude et la consternation.
Une intelligence de la générosité qui est inséparable de l'intelligence de l'indignation. Et en celles qui s'expriment ici conjointement avec autant de force que de raison, réside sans doute, sinon un motif d'espoir, du moins l'esquisse du trait d'union de la solidarité proposé aux "hommes de bonne volonté".