• JEUX INTERDITS

    Au cours d’une conférence de presse, le maire d’une ville des Alpes Maritimes a évoqué la semaine dernière une situation selon lui délétère dans les écoles et collèges de la ville, provoquée par des « atteintes à la laïcité » inacceptables : des élèves de primaire auraient organisé une prière à l’école.

    Par prière, on entendait évidemment prière musulmane(comme si les autres religions ne priaient pas). Le vocabulaire employé était clairement celui de l’anti-terrorisme.

    L’élu s’interrogeait sur les éventuelles « filières » djihadistes qui pousseraient  à la radicalisation religieuse des enfants de primaire…

    Une partie de la classe politique et médiatique s’est prestement emparée du sujet.

    Un imam a été interviewé par une journaliste fielleuse, cherchant à toute force à lui faire dire qu’il était « choqué ». L’imam est néanmoins demeuré prudent.

    Après avoir mentionné son attachement indéfectible au principe de laïcité, il a tout de même rappelé qu’il s’agissait de cours élémentaire, et donc d’ENFANTS. Et qu’il fallait raison garder : était on bien sûr qu’il ne s’agissait pas d’un jeu ? Il estimait aussi-et à juste titre-les sanctions envers les « fautifs » disproportionnées : en effet ceux çi ont été exclus définitivement de leur établissement. Navré, le religieux a prôné la bienveillance et l’explication plutôt que l’exclusion.

     

    Peu à peu , des voix dissonantes avec les discours publics se sont fait entendre (l’Education Nationale n’avait pas été en reste dans l’indignation).

    D’abord une grand mère a révélé que c’était bien un jeu qui était en question : son petit-fils, non musulman, qui en avait été le témoin, restait traumatisé par la violence et l’inadéquation des réactions.

    Des enseignants ont expliqué ensuite qu’effectivement, deux enfants de 9 ans, élèves de CM2, avaient joué lors de la pause-déjeuner à imiter l’appel à la prière dans un coin de cour.

    Il leur avait été expliqué avec bienveillance que ce jeu n’était peut être pas approprié, ce qu’ils ont semblé comprendre rapidement.

    Cela aurait pu être la fin de l’histoire.

    Le chef d’établissement aurait il « signalé «  l’incident, après l’avoir mal compris ?

    Nous n’en savons rien. 

    Comment ce fait anecdotique –un jeu d’enfants- a t il fuité, accompagné de déformations grossières ?

    A la suite de déclarations incendiaires d’élus et de politiques , les enfants de cette école ont failli être privés de kermesse de fin d’année, car des parents ne voulaient plus ni y amener leurs enfants ni y participer, de crainte d’une stigmatisation. Pauvres enfants !

    Puis le syndicat CGT Education a dénoncé une »è instrumentalisation politique d’enfants »particulièrement honteuse. Plusieurs parents d’élèves ont saisi les media pour rétablir la vérité. Saisiront ils la justice ?

    A part ce « jeu de prières », les seuls incidents récents , sur un mois et demi, qualifiés d’ »atteinte à la laïcité » dans le département sont :

    -le port d’une abaya par une collégienne….mais le Conseil d’Etat vient de stipuler qu’un tel vêtement n’était pas un signe religieux, mais une tenue portée en Arabie Saoudite...

    -Egalement lors d’une pause méridienne, un collégien aurait réclamé une minute de silence en souvenir du Prophète, minute observée par lui seul…

    Peu soucieux de vérité, piétinant allègrement la sérénité-et donc les apprentissages- d’enfants pour alimenter les paranoïas ‘d’ennemi intérieur », et détourner les regards des citoyens des véritables enjeux contemporains : le climat, la santé, l’emploi ; des politiciens se sont appuyés sur des fariboles, des bribes d’informations non vérifiées.

    Sonnant elle aussi avec empressement la cloche d’alarme sur d’aussi faibles indices, l’Education Nationale tenterait elle de faire oublier les suicides de collégiens pour harcèlement, le meurtre sauvage d’une jeune fille de 15 ans après des agressions sexuelles, dont les parents estiment n’avoir pas obtenu toute l’aide des pouvoirs publics à laquelle ils s’attendaient dés qu’ils ont dénoncé les agressions ? Nous n’osons le croire, il s’agit sans doute d’irréflexion. Un manque de discernement bien dommageable.

     

    Je n’ai pu m’empêcher de m’interroger : autant de tapage aurait il été fait autour d’élèves mimant une lecture de la Torah ou le service d’une messe ?

    Un article récent de la revue « Golias »déplore un « bilan en demi-teinte » du Pèlerinage annuel Paris-Chartres : ce pèlerinage d’habitude magnifique aurait été troublé par la participation non sollicitée de groupes identitaires, arborant pour certains des symboles nazis, et se mêlant aux pèlerins.

    Il  semble que des mouvements d’ultra-droite soient en effet venus à la pêche aux « traditionnalistes « pour grossir leurs rangs, sous le prétexte fallacieux de convergences de points de vue sur des sujets de société(avortement, mariage pour Tous, entre autres), mais qui en sus d’idéologies archaïques, ont des positions sur l’immigration totalement incompatibles avec les Evangiles.

    La majorité des pèlerins est elle trop jeune pour savoir combien l’Eglise a été l’ennemie du nazisme, aussi bien en Allemagne qu’en France ?

    En tout cas le processus de séduction est le même que celui de l’Islam radical : faire miroiter des pseudos combats communs pour lever des troupes. Or ces groupes sont dangereux.
    Non seulement « Génération Identitaire «  a été dissous par le gouvernement, mais plusieurs projets d’attentats ou d’interventions violentes d’ultra-droite ont été déjoués ces temps derniers. On suspecte ces mouvements d’être à l’origine d’attaques inadmissibles d’élus. Pourtant l’opinion publique est assez raisonnable pour ne pas croire que ces mouvances aient quelque chose à voir avec la majorité des catholiques.

    Un enfant qui aurait récité un « Notre Père « sur une estrade après la cantine, n’aurait pas été assimilé à un danger public. De même les 300 000 enfants victimes d’abus sexuels par des prêtres n’ont pas jeté l’opprobre sur l’ensemble des fidèles.

    Dans un autre ordre d’idées, certains militants sionistes d’ultra-droite violente sont aussi membres du courant judaïque ultra-orthodoxe. Il ne viendrait pas à l’idée d’assimiler à eux un élève arrivant au collège avec sa kippa.

    Pourquoi une telle démarche intellectuelle est elle impossible avec l’Islam ?

    A mon sens , le véritable danger est là : faire croire à la population que tout musulman même enfant est un(e) terroriste en puissance. Pourtant, c’est bien un chrétien qui a poignardé des enfants dans un parc voici quelques semaines, aliéné ou pas… preuve que les craintes affichées n’ont rien à voir avec le réel.

    Dans cette logique, il serait question de « ficher » les enfants que l’ONU presse la France de rapatrier des campas kurdes de Syrie. La moitié d’entre eux a moins de 6 ans, beaucoup sont orphelins… les familles qui les attendent se plaignent souvent d’être traitées en suspectes.

    Ce fichage d’enfants rappelle une période si abominable de notre Histoire que , bien sûr, des protestations se sont élevées.  Ces peurs irrationnelles et mortifères doivent cesser.

     

    Laissons les enfants être des enfants. Laissons les jouer, à ce qu’ils veulent, et hors des barbelés. Ne les politisons pas avant l’heure, ne les instrumentalisons pas.

    Ils méritent mieux. Beaucoup mieux.

     

     

    Michelle DROUAULT

     


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