• A L’OCCASION DES RAMEAUX…

     

    Lorsque nous sommes de nouveau attentifs à l’Evangile de Jean qui décrit les derniers jours de Jésus auprès des siens, ses gestes symboliques, puis son arrestation, sa comparution devant Pilate , et enfin sa crucifixion après insultes et mauvais traitements, nous y retrouvons un récit tout à fait moderne.

    Celui du sort de ceux qui dérangent. Les prisonniers politiques, les prisonniers d’opinion.

    Ceux et celles qui ne supportent pas l’injustice, la dénoncent, la combattent, et expliquent publiquement comment la justice pourrait advenir pour le bénéfice de tous.

    Ils ont des amis, qui les admirent et les suivent. Des parents, qui s’inquiètent.

    Comme Jésus.

     

    Les fondamentalistes qui instrumentalisent une religion et ses principes pour asseoir leur pouvoir ne les aiment pas. Ils cherchent d’abord à les faire taire , parfois à les acheter ;

    s’ils n’y parviennent pas, ils s’efforcent de se débarrasser d’eux en excitant la population contre eux, car ils ont enfreint la règle !

    Ces défenseurs zélés des réglements peuvent collaborer avec un occupant. Lui livrer  cet homme, cette femme comme « opposant ». Et l’occupant, s’il est populiste et ne veut « pas de vagues » va leur donner satisfaction.

     

    Jésus entame le parcours de tout prisonnier politique :Il est arrêté, attaché, interrogé.

    Et il garde le silence. Parce qu’il sait qu’il n’a rien fait, et que ce qu’on lui reproche est vide de sens. Mais ses bourreaux veulent « faire semblant » pour leur respectabilité : on ne peut tout de même pas condamner quelqu’un sans raison. Et faire apparaitre la vérité nue « ici on tue ceux qui dérangent ». Ils questionnent encore et encore.

    Ensuite, il est dépouillé de ses vêtements, insulté, battu de toutes les façons possibles, et moqué.  C’est le récit que livrent invariablement le prisonniers d’opinion d’Iran, de Syrie, du Vietnam ; et de bien d’autres pays…

    Avant son arrestation, Jésus savait ce qu’il risquait à persister à prêcher la justice, la charité, l’authenticité, le respect des personnes, l’amour-comme l’amour fait peur !-

    Cependant, au moment où son arrestation et les supplices qui en suivraient devenaient certains, comme nous, comme nous tous, comme les plus courageux et courageuses des militants, il a été saisi d’angoisse. Une angoisse profonde.

    « Vais je résister ? vais je arriver à tenir ? ». C’est ce que se sont dit les Résistants de la 2 éme Guerre Mondiale, ce que se disent actuellement les Iraniennes qui brûlent leur voile, les Afghanes qui sortent défiler dans la rue.

    Alors, il a eu besoin des autres. Des amis. Besoin d’être entouré, réconforté, qu’on lui redise : « Nous sommes avec toi ». Mais les apôtres dorment. Comme nous parfois quand nous ne voulons pas voir la détresse d’un proche.

    Tout cela pourrait arriver maintenant ; tout cela arrive, souvent, partout, l’Evangile est totalement actuel et intemporel.

     

    Le sort de Jésus est déjà scellé. Devenu un ennemi public et traîné devant le romain Pilate  qui ne veut pas d’émeute et se désintéresse de son sort, il est condamné par une foule chauffée à blanc, au profit d’un truand. Barrabas.

    Tous ses amis deviennent suspects. Et susceptibles d’être aussi arrêtés.

    Et Pierre a peur. Comme nous il est faible. Lui aussi sera t il capable de résister ?

    Il renie son ami. Avec force. Trois fois, comme Jésus le lui avait prédit.

    Sa faiblesse temporaire ne l’empêchera pas d’être le socle de l’Eglise des premiers chrétiens.

    Et le nôtre. Quelle confiance ! Quelle confiance Dieu a en nous, de quoi ne nous croit Il pas capable ? Pierre subira plus tard le même supplice que Jésus, la tête en bas.. L’inventivité et la perversité des hommes pour se faire du mal est terrifiante, et continue à l’être.

    Mais un centurion romain a été touché au pied de la Croix, un soldat de l’armée occupante qui pourtant, au risque de se perdre, déclare de Jésus : « Celui-çi était vraiment le fils de Dieu ! ».

    Qu’est il arrivé au centurion ensuite ? l’Evangile ne le dit pas.

    Dans les rangs des armées totalitaires, il y en a toujours un ou deux qui finissent par être touchés par le combat de ceux qu’ils persécutent par obéissance. Ils les aident, ils les sauvent, quelquefois…

     

    Après la mort de Jésus, Joseph d’Arimatie va réclamer le corps de Jésus à Pilate.

    Peut on imaginer combien cette démarche va lui coûter, aller trouver celui qui l’a laissé condamner, quel courage elle nécessite ?

    Cela aussi est d’une terrible actualité . On pense aux parents des jeunes manifestants tués en Iran, ceux des prisonnières pour un voile mal porté et décédées dans des circonstances opaques, qui ne récupèrent leur dépouille qu’en échange de la promesse que les obsèques se feront « dans la discrétion ». Les hommages, les commémorations, ne seront pas tolérées.

    Est ce ce que Pilate a recommandé ? Nous ne le savons pas. On peut le supposer.

    Comment ne pas évoquer la mère de l’opposant russe Alexandre Navalny  qui a réclamé des jours durant le corps de son fils au gouvernement de son pays ?

    L’Evangile se déroule encore tous les jours. Dans d’autres parties du monde et sous nos yeux.

     

    Mais à chaque période de Pâques, nous savons que de tout cela, on peut se relever, nous savons que la Résurrection du Christ signifie qu’on se relève toujours de tout.

     

    Michelle. C. DROUAULT


  • Commentaires

    1
    LEVY
    Mardi 26 Mars à 19:50

    Avant cette lecture, jamais aucun sermon de la Semaine sainte ne m’avait permis de comprendre, et de comprendre aussi intimement, ce qu’était le récit de l’arrestation, de la condamnation et de la mort de Jésus de Nazareth.

    Comprendre s’entendant comme entendre. Et, plus encore, comme le ressenti qu’on désigne par ‘’toucher du doigt’’. Ici, ce serait toucher du cœur – et par là toucher au cœur du texte, et donc toucher au sens  de chaque instant du récit.

    Oui, «L’Evangile se déroule encore tous les jours. Dans d’autres parties du monde et sous nos yeux ». C’est la démonstration qui nous pénètre. Bien au-delà de la dialectique de la temporalité et de l’intemporalité, parce que la démonstration ainsi vécue est bien que les deux notions s’interpénètrent et se fondent en un même corps spirituel.

    Et si l’Evangile chrétien, et cela vaudrait pour les plus grands textes du judaïsme, ne consistait pas précisément dans ce dépassement, ou dans cette abolition, du temps humain. Pour faire place au temps du projet de D.ieu dont l’exploration, comme en atteste cet article, est ouverte à l’intelligence du croire.

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