• Rêves, d'adultes ; vécus d'enfants

    Ces temps derniers, j’ai beaucoup entendu parler d’enfants.

    Mais il ne s’agissait pas des mêmes.

    A la Fondation Abbé Pierre, qui rendait publiques les conclusions de son travail sur le mal-logement en France, j’ai vu, dans des films d’enquête, des enfants entassés avec leur mère dans des logements exigüs où faire leurs devoirs était une gageure. Une petite fille dormait dans le même canapé-lit que sa mère et son frère ; deux jeunes garçons étaient contraints d’aller coucher dans un mobile-home fourni par les services sociaux pour ne pas continuer à vivre dans une maison sans chauffage. J’ai entendu, au cours de la réunion, des mères dénoncer le fait qu’elles étaient à la rue avec leurs enfants, et devaient chaque soir chercher un hébergement différent, épuisées et la peur au ventre ; des travailleurs sociaux découragés exprimer qu’ils n’avaient plus les moyens de protéger les enfants des expulsions locatives….

    Les familles monoparentales à la rue ou en habitat précaire ont augmenté de 60%  dans la population secourue par la Fondation. Qui dit familles dit, bébés, enfants, adolescents, dont l’avenir est compromis.

    Une ministre courageuse semble vouloir prendre le problème à bras le corps…

     

    Puis j’ai visionné un documentaire enregistré quelques jours plus tôt.

    Le sujet :les enfants élevés par des couples de même sexe, et leur vécu ; et les « combats » pour avoir un enfant, de couples également de même sexe.

    Là, les  maisons étaient vastes, confortables et chaudes. Chaque enfant disposait de sa chambre avec son bureau.

    Mais le discours des enfants donnait une curieuse impression de malaise.

    Une leçon bien apprise, pour certains. Malgré l’affirmation répétée de la normalité de la situation, la détresse se lisait sur plusieurs de ces petits visages, une détresse qu’ils ne se sentaient pas le droit d’exprimer. Une jeune fille disait être satisfaite de ses « trois mamans », mais on la devinait dubitative. Un tout jeune garçon ne pouvait cacher sa souffrance de s’entendre dire dans la cour du collège que son père était « une pédale ».

    Un bébé de trois ans s’entendait dire qu’elle « n’avait pas de papa », mais X, la compagne de sa mère.

    Plus tard, nous apprenions tout des tentatives d »insémination artisanale » de deux compagnes lesbiennes, qui n’hésitent pas à rencontrer dans un hôtel un complet inconnu.

    Pourquoi le recours à cette hasardeuse et périlleuse solution ? Une PMA à l’étranger revient à 50 000 euros. Une somme qu’elles n’ont pas.

    Beaucoup d’hommes semblent tirer profit de cette demande, et soit vendent leur semence, soit proposent une méthode « naturelle » aux candidates à la maternité, c’est à dire un rapport sexuel….Où se situe le consentement dans un tel rapport ?

    Un couple d’hommes a présenté son fils né en Inde de l’un d’eux et d’une donneuse d’ovocytes, par l’intermédiaire d’une mère porteuse. Un beau petit garçon, qui va à la crèche.

    Il  a été enlevé à sa mère dix minutes après sa naissance pour leur être remis. Le père et son compagnon s’indignent que le bébé soit sans papiers de résidence en France.

    Ensuite ,nous avons visité une clinique de mères porteuses en Russie.Une future mère y expliquait laborieusement que l’enfant qu’elle portait n’était pas le sien, et qu’elle ne voulait pas s’y attacher, ni le voir à la naissance. Rémunérée l’équivalent d’un an de salaire,elle n’avait pas le droit de voir l’échographie, qui était envoyée directement au « père ».

     

    Alors, je me suis demandé dans quel monde nous vivions.

    J’ai combattu avec force les discours homophobes de ces dernières semaines, et les manifestations de peur et de rejet. Certes. Je reste persuadée que la République s’honore en proclamant l’égalité de tous les citoyens à faire reconnaître son union par la société. Evidemment.

    Mais cela s’arrête là.

    Les dérives que nous voyons poindre sont terrifiantes.

    Nous ne pouvons ainsi jouer les apprentis sorciers quand le devenir d’enfants est en jeu.

    Remercions un député PS de l’avoir rappelé dans le débat qui a suivi le reportage.

    Comme l’a signalé un psychanalyste, l’égalité entre tous les enfants, c’est qu’ils sont tous issus d’un père et d’une mère ; et il faut qu’ils le sachent !

    Personne n’a « pas de papa », il a fallu un homme pour que tout enfant voie le jour.

    Personne non plus n’a « trois mamans »(il s’agissait en l’occurrence de la mère , de sa première compagne, et de la nouvelle). Il s’agit de « références maternelles », comme nous en avons souvent eu dans les familles élargies : des grand’mères, tantes, grandes sœurs ou cousines, qui nous « maternaient » ou avaient un rôle éducatif prépondérant, en relais avec notre mère.

    Mais la mère était une personne distincte, et chacun savait qu’il n’en avait qu’une ; même si les relations avec ces autres femmes étaient très fortes, et indestructibles.

    Quand au jeune garçon inquiet, à juste titre, des moqueries de ses camarades de collège ; on aurait aimé dire à son père que vouloir vaincre l’homophobie ne doit pas empêcher la lucidité; et qu’un peu moins de revendication ostentatoire eut été souhaitable . Ce jeune garçon avait une mère, chez qui il passait deux jours par semaine ; si c’était possible, y avoir sa résidence principale eut peut être été pour lui une situation plus confortable, et moins susceptible d’être questionnée. Avoir une mère divorcée est dans une cour d’école une situation banale. Cet enfant n’est peut être pas prêt à assumer sereinement la situation. Il n’a que dix ans !

    La marginalité de sa situation ne vient-elle pas de ce qu’on lui insinue qu’il a « deux papas » ?

    Or encore une fois, il ne s’agit pas de « deux papas », mais d’un papa et d’un beau-père, COMME CHEZ LES HÉTÉROSEXUELS. Les parents de cet enfant sont son père et sa mère, qui peuvent avoir chacun un conjoint. Peu importe leur sexe.

    La non-discrimination, c’est cela : tous les enfants logés à la même enseigne.

    Il semble en l’occurrence que les adultes fassent porter aux enfants leurs fantasmes : celui que deux personnes de même sexe peuvent faire un enfant ensemble. Ils peuvent en éléver un, mais pas le faire. La différence avec les enfants d’hétérosexuels, c’est qu’un enfant sait très bien que son beau-père n’est pas son père, ou que sa belle-mère n’est pas sa mère. Et les psychologues font  consensus pour dire que le beau-parent doit se garder de vouloir remplacer le parent d’origine. ( même si le père de naissance est un inconnu). Cela n’empêche ni l’affection, ni l’autorité.

    Dans tout cela, ces parents jouent un jeu dangereux :vouloir mêler leurs enfants à leur sexualité ; et parfois les mettre en toute bonne foi en position de porte-étendard de leur propre orientation sexuelle.

    La sexualité des parents ne regarde pas les enfants ; et vice-versa.

    C’est un tabou salutaire, malheureusement en voie de disparition. Les nombreux parents qui tolèrent sous leur toit les liaisons de leurs enfants font la même erreur. On en voit certains intervenir dans les ruptures et les réconciliations ! Je ne crains pas de dire que c’est absolument obscène, et irrespectueux de la vie intime de l’enfant/jeune adulte.

    Ceci est à différencier radicalement des générations qui cohabitent faute d’accessibilité au logement. Les jeunes couples qui ont une chambre chez leurs parents faute de logement indépendant expriment d’eux mêmes ce que cette solution a de gênant pour tous les occupants.

    C’est dire si toute ingérence involontaire dans l’intimité de ses ascendants ou descendants est douloureuse.

     

    Repensant à tous ces enfants, ceux de la rue et les mal-logés ; ceux des mères porteuses, et ceux nés d’un donneur anonyme, je me disais qu’ils étaient tous abandonnés, car nul ne s’identifie assez à eux pour écouter leurs besoins.

    Qui, des manifestants « anti-mariage » brandissant des images d’Epinal ;ou des couples d’hommes acceptant de payer 100 000 euros pour obtenir un enfant, se soucie vraiment du bien être de l’ensemble des enfants de ce pays ?

    Avant de penser à donner la nationalité française aux enfants nés de mères porteuses à l’étranger ; pourrait-t- on penser à tous les mineurs étrangers isolés, souvent traités comme des majeurs par commodité, ballotés, expulsés vers des pays qui ne leur offraient que la misère et leur barrait l’avenir ?  A tous les enfants dont les parents sont sans papiers, habitent des hôtels insalubres, qui souvent prennnent feu ? Ils devraient être les premiers prioritaires !

    Et si certains ou certaines ont des centaines de milliers d’euros à dépenser (mais surtout certains vu le clivage de ressources hommes/femmes),  qu’ils sachent qu’avec cent mille euros, on peut payer le loyer d’une famille pendant six mois, en parrainer les enfants, les accueillir chez soi, les aimer, les amener à un avenir meilleur.

    Vouloir faire le bonheur d’enfants à tout prix serait crédible dans ces conditions.

     

    L’interêt général est une notion républicaine précieuse. Et l’interêt de quelques uns, toujours les mêmes, les hommes blancs de classe aisée, est en train de vouloir subrepticement passer pour l’intêret universel ; laissant de côté l’absolu scandale de la misère de tant d’enfants en France. Dans certains départements d’Outre-Mer,  et dans certains arrondissements des grandes villes de métropole, des maladies jadis éradiquées font leur ré-apparition, et les premières victimes en sont les enfants.

    Avant de fabriquer des enfants par artifice, si nous nous promettions d’essayer d’assurer une vie décente à tous ceux qui sont là ?

     

    Michelle.C.Drouault

     

     

     


  • Commentaires

    1
    RachelLB
    Mercredi 17 Avril 2013 à 15:23

    Merci pour cet article très interessant ! Cela fait du bien de lire des avis un peu plus "nuancés" sur cette question.

    Bravo et continuez ce blog !

     

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