• LA MORT AUX TROUSSES ?

    Trois jours durant la semaine passée, nous avons subi un matraquage médiatique et idéologique incessant sur « l’aide active à mourir ».

    Il était pratiquement impossible d’allumer la radio ou la télévision-sur quelque canal que ce soit- sans entendre rabâcher combien une telle pratique était nécessaire à légaliser d’urgence, les français étant « prêts » à l’accepter, quand ils ne la demandaient pas….

    La majorité des commentateurs médiatiques qui abordaient le sujet étaient naturellement jeunes et en bonne santé(comme leurs fonctions le requièrent).

    J’ai eu une pensée pour le chanteur québécois Robert Charlebois, qui reconnaissait récemment avoir beaucoup parlé de la mort pendant sa jeunesse, « parce qu’à cet âge là on pense que ça n’arrivera jamais ! ».

    Mais on n’ose songer à l’effet produit par cette ritournelle obsédante servie soir et matin sur les ondes, sur les personnes gravement malades, âgées, handicapées, celles qui vivent en EPHAD par manque d’autonomie ; certaines ayant déjà confié que depuis quelques temps, elles avaient l’impression qu’on souhaitait les pousser vers la sortie…

    Comment se fait il qu’on nous présente la mort comme solution ? ,

    Avant même d’avoir TOUT fait pour éviter la maladie et le handicap, déjà ?

    On éprouve quelque gêne à remarquer que ce sont les mêmes pouvoirs publics qui ne veulent pas entendre parler de la pénibilité et des risques au travail, qui proposent cette solution.

    Alors que les gestes répétitifs, le port de charges, l’usure nerveuse, l’exposition à la pollution industrielle causent chaque année un nombre considérable de maladies professionnelles et d’accidents du travail(parfois mortels !) et qu’y exposer les personnes plus longtemps est un enjeu qui mérite considération…

    Ces mêmes pouvoirs publics sont par ailleurs en train de bercer la population de l’illusion collective que l’épidémie de Covid est terminée. Ne plus relever les taux de contamination et supprimer l’obligation du port du masque dans les lieux de soins met en danger toutes les personnes fragiles. On peine à reconnaître les « Covid longs » particulièrement invalidants.
    Mais ne vous en faites pas, usé au travail ou à bout de souffle des séquelles du Covid, on va vous aider à mourir dans de bonnes conditions ?

    J’avoue avoir ri jaune.

    Voici quelques heures, une personne relatait que sa mère de 65 ans avait attendu onze heures sur un brancard dans un hôpital public parisien avant d’être prise en charge, alors qu’elle éprouvait des souffrances atroces dues à une fracture des vertèbres accidentelle. Ses enfants se sont relayés auprès d’elle, révoltés qu’on ne tente même pas de soulager la douleur.

    En janvier et février, 30 personnes sont mortes dans les services d’urgence faute de prise en charge assez rapide.

    Mais encore une fois, pas de souci, on va vous aider à mourir si tout ça devient trop insupportable ?

    Deux maternités vont encore fermer, obligeant les femmes à parcourir des kilomètres pour accoucher, mettant mères et nourrissons devant des risques accrus. La mortalité maternelle en France augmente de façon inquiétante.

    Evoquer l’urgence de « l’aide active à mourir » dans ces conditions semble aussi prématuré qu’indécent.

    On m’objectera qu’il s’agit de secours à des personnes souffrant de maladies incurables, sans aucun espoir de guérison, dont la médecine est impuissante à soulager la douleur.

    Certes. L’accompagnement de ces patients suppose aussi une attention accrue au confort de vie, et au confort moral. La douleur est aussi psychique faute de cela. 

    Or actuellement, seuls 26 départements français sont équipés de services de soins palliatifs, souvent insuffisants en nombre de places. 21 n’en ont pas du tout !

    Pour la plus part, les soignants ne sont nullement demandeurs d’une loi supplémentaire.

    Ils comprennent la complexité de la situation. Ils savent et ils expriment que les patients ne veulent pas mourir, mais vivre le plus longtemps possible sans souffrir, entourés de leurs proches. Parfois exceptionnellement aucune thérapie existante ne parvient à apaiser les souffrances. Alors oui, il y a un enjeu.

    Cependant les soignants mettent en garde contre les « demandes de mourir » et leur signification.

    Une infirmière disait avoir entendu un patient, qui la veille déclarait vouloir mourir , réclamer ses vitamines au petit déjeuner…je ne la contredirai pas, ayant entendu dans l’hôpital où je travaillais, une patiente précédemment dépressive et demandant elle aussi plusieurs fois la mort, s’indigner qu’il n’y ait plus de crème au chocolat une fois apaisée…

    Les médecins qui exercent dans les services de soins palliatifs sont d’accord que lorsque la volonté, le personnel, les moyens, sont là, on peut accompagner les malades et leurs familles vers la fin, dignement.

     

    Alors quelle est exactement l’urgence à laquelle on voudrait nous faire croire ? 

    La première urgence est de s’attaquer au délabrement du système de santé publique, et de multiplier les structures de soins palliatifs. La seconde, d’augmenter les budgets de la recherche sur la douleur, et sa prise en compte.

    La troisième serait d’entendre réellement tous les points de vue.

    La fameuse « Convention citoyenne » comprenait 184 personnes tirées au sort.

    Certains ont dit que cette convention était biaisée.

    Tout d’abord, alors que le moindre sondage exige un panel d’au moins mille personnes, sélectionnées pour être représentatives, la modestie du nombre laisse songeuse : comment 184 personnes pourraient elle représenter les 66 millions d’habitants de la France ?

    D’aucuns ont prétendu que le « tirage au sort » avait été fait parmi une population ciblée pour être plutôt en faveur de l’euthanasie. Je l’ignore. Par contre, ce lobbying intensif autour de la mort est inquiétant. L’intolérance des promoteurs de cette « aide active » aussi.

    L’un d’eux vient de déclarer dans un hebdomadaire très lu qu’il déplorait qu’on ait interrogé des ministres des cultes, car dans une société laïque « ils n’ont pas leur mot à dire » (sic).

    Député, ce monsieur devrait mieux connaître la loi de 1905, qui stipule au contraire que chacun a la liberté d’exprimer sa foi ou sa non croyance dans l’espace public sans être inquiété.Il est non croyant, il s’exprime, et les citoyens croyants ont autant le droit de le faire que lui. Avoir l’avis d’un religieux de leur confession est une donnée importante pour beaucoup de personnes, avant de coucher par écrit des directives anticipées sur leur fin de vie.

     

    Au lieu d’empêcher les éventuels contradicteurs de parler, un vrai débat est nécessaire.

    Il est nécessaire parce que dans les pays où l’euthanasie est légale, des dérives commencent à y être remarquées et déplorées.

    En Belgique , on a accepté d’ôter la vie à des personnes jeunes en grande souffrance psychique, mais dont aucun organe n’était atteint,  au motif que les psychiatres et thérapeutes qui les soignaient faisaient un constat d’échec. Une jeune fille de 23 ans. Puis une jeune femme un peu plus âgée qui souffrait de traumatisme irréversible à la suite d’un viol.

    Ces décès prématurés ont ému. Car il n’est pas exclu, à leur âges, que leurs souffrances aient pu finir par s’apaiser avec d’autres traitements, ou d’autres conditions de vie, ce qui est fondamental dans la souffrance psychique.

    Qui peut avoir le pouvoir de décider que des vies ne valent plus la peine d’être vécues ? malgré le ressenti immédiat de l’intéressé(e), pas toujours objectif ?

    On a également voulu étendre la loi aux mineurs.

    Si un mineur n’est pas estimé en capacité de décider seul si il peut se marier,  gérer ses biens, ou pour qui il peut voter, comment aurait il la maturité nécessaire pour décider de sa mort ?

    Sachant combien le cerveau est malléable à cet âge ?

    Des jeunes en souffrance « demandent à mourir » sans préavis et sans assistance dans notre pays, en se suicidant, ou tentant de le faire. Or , en France la prévention du suicide est particulièrement lacunaire. Le taux de suicides est le plus élevé d’Europe : chaque jour, 29 personnes se donnent la mort, et 550 autres tentent de le faire. Soit 9200 personnes par an.

    Les hospitalisations pour tentatives de suicide chez les 10/24 ans sont en hausse notable depuis 2020. Il existe une dégradation manifeste de la santé mentale chez les jeunes depuis l’épidémie de Covid, mais elle est due aussi à l’angoisse face aux enjeux économiques, sociétaux, aux harcèlement  ou au cyber harcèlement, à l’homophobie(le suicide récent d’un jeune garçon de 11 ans en est le triste signe). Les « suicides forcés « chez les jeunes femmes victimes de violence commencent tout juste à être pris en compte.  En 2021, 684 victimes de harcèlement dans le couple se sont suicidées ou ont tenté de le faire

    La réponse de la société n’est pas à la hauteur de l’enjeu : l’avenir de nos enfants, qu’ils soient eux mêmes concernés , ou que leur mère le soit.

     

    La société n’est pas à la hauteur non plus quand elle laisse mourir des hommes et des femmes, parfois des enfants, faute d’un toit.

    Hier 15 Avril, c’étaient les 20 ans du Collectif des Morts de la Rue, qui dénombre les décès de sans abris, et leur assure des funérailles dignes.

    « En interpellant la société, en honorant ces morts, nous agissons aussi pour les vivants », dit ce collectif. Car c’est toujours pour la vie qu’il faut agir.

    Du 1er janvier au 20 décembre 2022, 449 personnes SDF sont mortes en France, à l’âge moyen de 48 ans. Entre le 1er janvier et le 2 février 2023, ce sont 39 personnes qui ont perdu la vie dehors, au même âge moyen. Un pic avait été atteint en 2021 : 623 personnes à 48, 5 ans.

     

    Tant que les gouvernants et les citoyens n’auront pas pris tous les problèmes que nous avons cité à bras le corps, pour que la vie, la conservation de la vie la meilleure possible pour tous, soit le but essentiel, c’est une impasse et un leurre d’évoquer « l’aide active à mourir » comme évidence.

     

     

    Michelle. C. DROUAULT 

     


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