• Lubna, une défenderesse des femmes dans l'Islam

     Est parue l’an dernier, en collaboration avec Djénane Kareh Tager : Suis-je Maudite ?  La Femme, La Charia et le Coran, de Lubna Ahmad al-Hussein, journaliste soudanaise qui s’était fait connaître pour avoir porté un pantalon, à Khartoum, et risqué… 40 coups de fouet !

    Porte-parole de toutes les femmes musulmanes qui veulent résister à l’intégrisme, elle a recueilli de nombreux témoignages de femmes maltraitées au nom de l’Islam, avant de fuir son pays pour pouvoir continuer à diffuser ses idées.

     

    Son objectif est de lutter contre les discriminations envers les femmes par une analyse claire et rigoureuse des textes du Coran, débarrassé de tout ce qui le fausse. Le problème résiderait, selon l’auteure, dans la « seconde source » de la religion, les « hadiths », qui rapportent des propos, faits et gestes du Prophète Mohamed recensés pendant les deux siècles suivant sa mort.

    Les mille trois cent hadiths existants combleraient les silences du Coran sur des sujets de vie quotidienne. Certains peuvent être tenus pour authentiques, d’autres beaucoup moins et les différentes écoles coraniques (chiites ou sunnites) ne s’appuient pas sur les mêmes.

    Pour l’auteure, ils doivent toujours être pris avec du recul, car ce sont des compositions humaines (alors que la révélation faite au Prophète est, pour un musulman, la parole même d’Allah). Mais pour certains musulmans, ils auraient fini par supplanter le Coran lui même.

    D’une façon plus large, l’auteure met en doute le bien fondé de la charia, cet ensemble de normes doctrinales, morales et relationnelles (le mot désigne quasiment le droit musulman) de l’Islam. Elle  estime que ces règles, contraintes et diktats figés ne correspondent plus aux sociétés modernes, au concept de droits humains et au respect dû aux femmes.

     

    Enfin, certains hadiths sont en contradiction flagrante avec le Coran. Ils sont d’autant plus suspects que, paraît-il, le Prophète se méfiait de ce qu’on lui faisait dire. Un des hadiths les plus fiables relate son interdiction d’écrire à son sujet. Le travail de l’auteure a consisté à détricoter ce lacis de hadiths. 

     

     Chrétienne, j’ai été frappée de la similitude de procédés des êtres humains de sexe masculin pour asseoir leur domination sur les femmes en se prévalant d’ordres divins :

    -le découpage et le tronçonnage de textes sacrés

    -la tenue pour véridique de textes peu fiables dés l’instant qu’ils renforcent la toute-puissance masculine

    -l’omission de textes qui mettent en scène des femmes valeureuses et croyantes.

    Ainsi, explique l’auteure, tous les hadiths ordonnant la soumission des femmes ont été retenus comme fiables, surtout par les écoles hanbalites (les plus fondamentalistes), tandis que ceux qui prônent respect et égalité à leur égard ont été écartés, même si leur source était relativement sûre.

    Pourtant, le Coran (2, 79) maudit « ceux  qui, de leur propres mains, composent un Livre et le présentent comme venant d’Allah… »

    Les crimes d’honneur, la lapidation, l’enfermement des femmes viennent tous d’interprétations de hadiths peu fiables.

    Le Coran lui même contredirait l’usage de la violence envers les femmes, conseillant aux hommes : « Comportez vous convenablement avec elles (vos épouses). Si vous ressentez de l’aversion envers elles, il se peut que vous ayez de l’aversion pour une chose où Allah a déposé un grand bien ». C’est là reconnaître qu’en tout être humain existe une parcelle de divinité.

     

    Pensons aux fréquents découpages, lors des mariages catholiques de jadis, des textes de Saint Paul ! Tous les parallèles entre l’attitude de l’époux et de l’épouse étaient supprimés, pour que soit seule évoquée l’appartenance du corps de la femme à son mari, et non la réciproque qui suit. (Corinthiens, 7, 4)

    De même, dans la Lettre aux Ephésiens (5, 22 à 33), était retenu « femmes soyez soumises à vos maris comme au Seigneur », tandis que la suite « maris, aimez vos épouses comme le Christ a aimé l’Eglise et s’est livré Lui même pour elle » était occultée. L’affirmation que les maris doivent aimer leurs épouses comme leur propre corps disparaissait souvent.

     

    Démarche extrêmement courageuse, ce livre est une bataille contre la confiscation par les hommes de la parole divine pour la remodeler à leur gré.

    L’image de l’Islam dans l’opinion publique ne peut ressortir que grandie d’une telle entreprise.

     

    Saluons les efforts de toutes nos sœurs qui travaillent pour la vérité des textes et  luttent pour les droits des femmes en se réappropriant leur religion.

    C’est au péril de sa vie que Lubla Ahmad al Hussein a amorcé sa recherche et répondu à ses détracteurs. La fin de son livre rejointLes pieds dans le Bénitier :

    « Je sais que ce livre me vaudra d’être accusée d’hérésie et de blasphème, mais je ne peux pas continuer à me taire. Ca suffit !».

     

     

    Michelle C. Drouault.


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