• Le prisme du religieux

    Voici quelques décennies, nul n’aurait eu l’idée d’expliquer le comportement d’une personne, ou le mobile d’un de ses actes, par son appartenance, réelle ou supposée, à une confession.

    Cette époque semble révolue.

    Véritable tarte à la crème qui dispense de toute recherche sur la réalité des drames humains, l’appartenance confessionnelle est désormais brandie par la presse comme l’argument suprême qui, soit insinue l’évidente culpabilité des individus, soit est une entité explicative en elle-même, et fait fi de toute autre considération.

    Les musulmans et les chrétiens catholiques payent un lourd tribut à cette conception manichéenne de la nature humaine, et à ces fausses lapalissades.

     

    C’est « forcément » parce qu’ils sont musulmans que des individus en rupture sont soupçonnés d’être « en voie de radicalisation » ; et on interroge l’entourage avec angoisse : cet homme était il très religieux ? Un imam faisait remarquer à juste titre qu’une grande dévotion ne signifiait EN AUCUN CAS un début de radicalisation, qui elle, relevait du fanatisme ou de la dérive sectaire ; et qu’on ne pouvait placer un espion derrière chaque fidèle…

    Faire Ramadan est un mauvais point, qui rend d’emblée une personne plus suspecte que d’autres.

    L’appartenance à l’Islam comme preuve de tendance à la violence prend le pas sur les difficultés sociales, familiales, ou professionnelles d’un individu. Coupable, forcément coupable, parce que musulman, aurait dit Duras…

     

     Dans un autre registre, il en est de même des catholiques. Etre une personnalité politique notoirement catholique est extrêmement difficile, car toutes les prises de position de cette personne seront ramenées à sa foi, sans qu’il soit du tout tenu compte des mouvances diverses du catholicisme auxquelles elle peut se rattacher, et des prises de distance qui existent avec le magistère concernant des sujets de société.*

     

    Dernièrement, l’affaire Vincent Lambert nous a paru le modèle même de cette grille de lecture simpliste et obsessionnelle, qui explique tout par le fait religieux.

    Rappelons que Vincent Lambert, âgé aujourd’hui de 38 ans, a été victime en 2008 d’un grave accident de la route. Tétraplégique, il se trouve depuis dans un état que les médecins du CHU de Reims qualifient de « pauci-relationnel». Une partie de sa famille, dont son épouse, souhaite un arrêt des soins, ce qui entraînerait sa mort ; l’autre, et en particulier ses parents s’y opposent avec fermeté.

    Qu’est ce qu’un état pauci-relationnel ? Il ne s’agit pas, comme l’écrivent certains journaux, d’un état végétatif. C’est un état dans lequel le patient garde une conscience de son environnement, mais ne peut pas répondre aux stimulations de manière cohérente.

    Il peut ressentir de l’émotion et de la douleur.

    Par ailleurs, Vincent Lambert n’est pas relié à une machine qui le maintient artificiellement en vie. Il est seulement nourri et hydraté artificiellement, car un manque de réflexes, semble t-il, l’empêche de déglutir.

    Il ne nous appartient pas ici de prendre parti.

    Mais seulement de déplorer la partialité des media, qui ne voient qu’une explication à ce drame qui multiplie les rebondissements judiciaires : les parents sont des « catholiques convaincus », ou des « catholiques traditionnalistes ». Certains organes de presse les présentent même comme « liés à la fraternité St Pie X «, sans en avoir aucune preuve.

    Il ne leur vient pas à l’esprit que le sujet n’est pas la religion supposée de ces parents, mais leur douleur extrême de voir mourir leur enfant ; leur peur panique que cette mort soit douloureuse, enfin tous les tourments insupportables de parents confrontés à la maladie grave de celui ou celle qu’ils ont mis-e au monde.

    Faire le deuil d’un enfant est pour certains quelque chose de pratiquement impossible.*

    Il semblerait surtout que dans cette panique de voir son fils mourir de faim et de soif (c’est la dure réalité d’un tel arrêt de soins), Madame Lambert se soit entourée de conseilleurs qui en ont profité pour instrumentaliser l’affaire dans le sens d’une vitrine pour une idéologie rigide sur la fin de vie.

    La douleur de cette mère et de ce père n’est ni respectée, ni entendue. Elle ne l’a pas été dès le départ. Rappelons que la première décision d’arrêt de soins du CHU avait été prise sur simple consultation de l’épouse du patient, en excluant parents et famille, et a été annulée de ce fait.

    La polémique a fait rage.  Oubliant toute compassion, certains journalistes se sont érigés en donneurs de leçons sur le fait qu’être mère signifiait se détacher un jour de son enfant, et le laisser partir…

    Cette femme a besoin de soutien. Et elle n’en a apparemment trouvé que dans des mouvements catholiques. Deux évêques qui n’ont rien d’intégristes viennent d’appuyer sa démarche dans une réflexion assez raisonnable sur notre peu de maîtrise de la vie et de la mort.

    L’affaire est complexe. Pour l’épouse de Vincent Lambert, il est sans doute également intolérable de continuer à voir l’homme qu’elle a aimé dans cet état.  Peut être se voit-elle acculée à une vie sans issue.

    Nous n’avons pas la réponse. Les débats se poursuivent. Aucune décision n’a pu actuellement être prise.

    Mais quand un quotidien titre : « Affaire Lambert, la menace intégriste », sous-entendant que seule une appartenance confessionnelle et idéologique est le moteur de ce refus obstiné de la mort d’un enfant que nul ne peut juger, cela frise l’indécence.

    Une menace, qui est menacé ? De quoi ? L’enjeu de la vie d’un être humain mérite qu’on se pose quelques bonnes questions :

    Est-ce une telle victoire d’avoir le droit d’arrêter la vie de quelqu’un alors qu’il est vulnérable et incapable de se faire entendre ? Que savons-nous de la volonté de Vincent Lambert ?

    Il ne s’agit pas d’une personne en fin de vie qui réclame que l’on abrège ses souffrances, comme cela s’est déjà produit. C’est la toute la complexité et la délicatesse de cette dramatique histoire.

    On peut aussi s’interroger sur le sens du refus de l’hôpital de laisser le patient être transféré dans un autre établissement.

    Mais une chose est certaine : les simplifications sur le « religieux » sont en train d’obscurcir le jugement de nos contemporains.

     

    Michelle .C. DROUAULT

     * 1 Protestants et orthodoxes échappent à ce processus, par quelque mystérieuse alchimie des classifications arbitraires…Quant aux Témoins de Jéhovah, bien que leur prosélytisme soit internationalement connu,  les media leur laissent une paix royale !

     

    * 2 Récemment, de jeunes parents d’une petite fille prématurée sont également revenus sur leur décision  d’arrêt de soins, au grand « étonnement » de l’équipe médicale… Comme si prendre une telle décision était simple !

     

     


  • Commentaires

    1
    Alice Damay-Gouin
    Jeudi 6 Août 2015 à 16:45

    Je vous envoie mes directives anticipées. A l'avance, merci.

    Mes directives anticipées. 

    Préambule : pour parer au plus pressé :

     Si je tombe inanimée, je refuse d’être réanimée. 

    J’ai fait don du corps à la science, à la faculté de médecine de Rennes. J’ai la carte de donatrice n° ....... Il faut téléphoner aux ambulances B..... au n° .......;.J’autorise que l’on prélève mes organes. Je serai incinérée et dans le cimetière de Rennes une place est réservée pour y déposer l’urne contenant mes cendres.

     

    Mes directives anticipées. 

    Je, soussignée Madame Alice ..........., née ........ à ......... le ......, demeurant actuellement à ....... déclare ce qui suit : Alors que je me crois en bonne santé et en pleine possession de mes moyens physiques et intellectuels, je donne quelques indications pour ma fin de vie.

    Je veux ne pas être réanimée. 

    Je veux ne pas être opérée du cœur.                                             .
    Je veux ne pas être « prolongée »

    Je veux ne pas souffrir.

    Je ne demande qu’une chose à mes proches, mari, enfants, c’est de faire tout ce qu’ils peuvent pour que l’équipe médicale réponde à mon souhait : ne pas souffrir.

    Mes questionnements

    Avant de commencer l’écriture de cette lettre, j’ai eu la chance d’en parler à mon médecin traitant mais depuis, il est en retraite. J’ai eu aussi la chance d’échanger avec un médecin que je ne connais pas. Cet échange dans l’anonymat  me paraît être une bonne chose. Un grand merci pour ce médecin qui a pris le temps de me répondre.

    Je me trouve devant la difficulté de prendre des décisions pour diverses situations possibles et sans en connaître les conséquences. Par exemple, si je me casse le col du fémur, le fait d’accepter ou de refuser une opération pour ce col du fémur, cela prolongera-t-il ma vie ou non ? Il me semble que si je la refuse, cela m’handicapera et me fera souffrir. Alors, comment choisir ? Lorsque je dis : « je ne veux pas être réanimée », je pense que si une personne ayant suivi une formation «  premiers secours » me voit, elle me fera un massage cardiaque sans s’inquiéter de ce que je veux ! Et puis, n’est-ce pas contraire au principe de «  porter assistance » ? Je veux qu’aucune personne ne soit traînée devant les tribunaux pour non-assistance à une personne en danger, si elle a agi conformément à ma volonté. Mais cette volonté peut-elle être acceptée par la justice ou celle-ci n’en fera-t-elle qu’à sa tête ?

    Idées directrices

    Pour comprendre ce que je veux, quelle que soit la situation !

    Durant toute ma vie militante, j’ai toujours lutté contre les heures supplémentaires pour un meilleur partage du travail. En fin de vie, je ne veux pas d’heures supplémentaires pour laisser la terre aux générations à venir. J’aime la vie et je suis heureuse mais je ne veux pas rajouter du temps à mon existence, j’essaye, par contre, de mettre de la vie à chaque moment vécu.

    J’ai donné un sens à ma vie : aimer, et donc marcher avec d’autres en nous épaulant mutuellement ; aimer et donc éprouver la joie de la Rencontre, de la Reconnaissance en chaque personne, d’une sœur, d’un frère, la joie  du Partage. J’aime la vie mais je sais que l’heure de la mort approche. Je n’ai pas peur de la mort et je peux m’endormir paisiblement car j’ai vu mes proches partir ainsi. Je sais que la séparation est douloureuse pour mes proches aussi je voudrais leur dire combien je les aime et combien, ils-elles peuvent me garder dans leur cœur.

    Vivre : pouvoir aimer

    Vivre : pouvoir être en relation avec d’autres

    Vivre : avoir conscience que je vis. Si je végète comme un légume, je ne vis pas. Je ne veux pas végéter.

    Je suis profondément croyante en un Dieu-Amour, NOTRE Père-Mère. Je ne sais pas ce qui se passe après la mort, je ne sais pas s’il n’y a rien ou s’il y a une « vie éternelle » mais dans l’un ou l’autre cas, je n’aurai rien à regretter car je suis heureuse, ici et maintenant.

    Par contre, je n’ai pas donné sens à la souffrance et j’ai peur de souffrir. Je veux ne pas souffrir ! Merci à vous !

     

    Alice

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