• "Interdits d'enfants", une revendication bien discutable...

    « INTERDITS  D’ENFANTS » ?

    Une revendication bien discutable….

     

     

    Etait diffusé recemment sur une chaîne publique un docu-fiction  ainsi intitulé, inspiré d’une histoire réelle : celle d’un couple de français ayant eu recours à une mère-porteuse américaine aux Etats Unis, pour avoir des jumelles.

    Le ton est donné d’emblée, et le parti-pris, évident : ce couple est dans son droit ; et la justice française, qui lui a rappellé qu’il était hors la loi, archaïque et cruelle.

    Nous voici donc dans un film de propagande, qui évacue d’avance toutes les interrogations légitimes du spectateur.

    L’épouse est présentée comme stérile et sans utérus, en raison d’une malformation. Elle ne produit  à priori pas d’ovocytes. Avec quels ovocytes a été fécondé le sperme du père ?

    Nous ne le saurons pas.  Dans le cas d’une donneuse, cette épouse du père n’a aucun lien avec les enfants, encore moins que celle qui les a portés et leur a donné naissance.

    C’est là que le bât blesse en droit français. Jusqu’à nouvel ordre, la mère d’un enfant est  celle qui accouche de cet enfant ; et l’épouse du père peut adopter éventuellement ces enfants, mais certainement pas prétendre être leur mère.

    Le terme de mère porteuse déplait : il est à chaque fois vivement rectifié en « gestatrice » ou « gestation pour autrui ».  Cette novlangue n’empêche pas le réel, comme il est plus soft de dire « mal voyant » ou « décédé », cependant les sujets sont bien aveugles ou morts.

    La « gestatrice » justement, est peu évoquée, et son point de vue presque totalement occulté.

    C’est une mère de quatre enfants, mariée à un officier en retraite, époux soi disant enthousiaste de la générosité de sa femme.

    La fable naïve qui nous est servie est celle que l’on raconte aux enfants : Mary (la gestatrice) est une « bonne fée » qui a prêté son « sac à bébé » parce que Maman n’en avait pas !

    Ne serait ce pas la personne toute entière qui est réduite à être un « sac à bébés », et la maternité considérée comme un simple portage ? La disqualification du maternel  est ce qui menace le plus les femmes en ce moment.

    Générosité, donc ? Un silence pudique est fait sur la nature des 50 000 euros que le couple a déboursés pour cette opération. 50 000 euros, mais encore ? Voyage, certes, agence de « mères porteuses », frais de grossesse et d’accouchement ?....dédomagement, ou rémunération de Mary ? Aux USA, la rémunération de la « gestatrice «  n’est pas interdite, elle est même la norme. Il était peut être difficile d’élever quatre enfants avec une seule source de revenus, et comment trouver un emploi à quarante ans sans avoir de qualification ?

    On est en droit de s’interroger.

    Comme sur une image d’Epinal, on voit les enfants de Mary s’approcher  du ventre de leur mère, qui porte les jumelles des français. Que ressentent ces enfants ? Ont ils des craintes, des interrogations ? nous ne le saurons pas non plus.

    Le point de vue de la gestatrice, ou plutot sa motivation, est vaguement expliqué à la fin :

    Elle même et son mari sont des enfants adoptés. Mais du vécu de cette grossesse-porter deux enfants est fatigant et difficile- de la naissance, de sa relation avec son mari pendant cette période-comment ressent il que sa femme soit enceinte, mais pas de lui ?-de la séparation d’avec les bébés, nous ne saurons rien.  Rien.

    L’attention est entièrement focalisée sur le mal être  d’Elodie, et la malédiction qui pèse sur elle : la stérilité, vécue comme une infirmité honteuse.

    Nous voici dans une association qui regroupe ces malheureuses femmes.

    C’est là l’occasion d’accréditer les pires préjugés sexistes :

    Pour être une « vraie femme », une femme doit enfanter des bébés à elle, sinon, elle est infirme, incomplète , inutile….les hommes le savent bien, qui abandonnent dés qu’ils savent sa stérilité une jeune assistante sociale, pourtant belle et intelligente.

    Ainsi , on pourrait se demander si les femmes, contraintes de se conformer aux stéréotypes masculins-productrices à mammelles ou putains ?- ne sont pas prêtes à tout pour « donner » un ou des enfants à un homme, quitte à exploiter une autre femme ?

    Non seulement la question n’est pas posée, mais la jeune amie ne trouvera d’autre solution à ses maux que le suicide. Message : si vous ne légalisez pas la gestation pour autrui, vous condamnez les femmes stériles au suicide ….

    Jamais n’est remise en question cette obssession des femmes et des couples d’avoir des enfants « à soi », de les posséder en quelque sorte, et d’entrer dans la fiction juridique d’être les seuls parents à tout prix , le prix de l’invraissemblance et du déni.

    La solution de l’adoption est balayée d’un revers de main. Trop long. Nous sommes dans le domaine d’un désir qui doit être satisfait dans l’immédiat. On ne veut pas attendre, 9 mois top chrono, et abracadabra ! l’enfant surgit comme un lapin d’un chapeau, et on le porte sur son livret de famille…On ne le répétera jamais assez, tout ceci relève du fantasme, et nous sommes libres de fantasmer ; mais ce n’est réalisable qu’au prix de très grandes souffrances humaines, et c’est cela qui est condamnable.

     Qu’a l’adoption de si rebutant ?

    Pour adopter, il est nécessaire d’avoir des entretiens avec des psychiatres, des psychologues , des travailleurs sociaux, qui évaluent avec les futurs adoptants leurs capacités à accueillir un enfant. Que les critères retenus soient parfois trop rigides ou restrictifs est un autre problème.

    Ces évaluations sont indispensables dans l’interêt des enfants.

    Le système de la gestation pour autrui ne permet pas d’interroger son désir d’enfant ; il est juste une question de ressources : il suffit d’avoir les moyens de quitter temporairement sont travail , et de débourser entre 50 000 et 100 000 euros. Un simple critère de classe.

     

    Le « combat «  de notre couple-vedette se poursuit donc contre la justice française, qui persiste simplement à dire la loi : la mère de leurs petites filles est américaine, elles le sont aussi,et leur statut est dans un vide juridique qui pose problème. Les « parents » français ont enfreint la loi en voulant valider la fiction qu’ils sont les parents naturels de ces enfants.

    Or,cette justice est ridiculisée, montrée comme bornée, rigide ,inhumaine.

    Les arguments pourtant cruciaux qui leur sont opposés sur l’indisponibilité du corps humain, et la merchandisation du corps des femmes, sont énoncés par des personnages filmés en radoteurs grotesques.

    Disqualifiés d’avance.

    Rideau, la messe est dite. La « victoire » de ces parents doit être la nôtre, ou alors , nous sommes de méchants arriérés.

     

     

    Le débat qui a suivi sur le sujet de la « gestation pour autrui », tout aussi orienté, laissait une impression de malaise.

    Y étaient invitées des personnes triées sur le volet dont on a vite compris les positions favorables à la GPA ; plus deux contradicteurs, pourtant intéressants, auxquels l’animateur et ses alliés coupaient constamment la parole. Lorsque furent évoqués les drames du trafic de mères porteuses en Ukraine et en Inde, qui rentrent dans le cadre de la traite des êtres humains internationalement combattus,on a carrément essayé de les faire taire !  Et affirmer qu’on ne voyait pas de femmes riches porter des enfants pour des femmes pauvres, était indécent, et fut couvert par des bruits de voix !

    Ces personnes auraient elles eu la même attitude face au trafic d’organes ?

    Devant une telle mauvaise foi, et un tel aveuglement volontaire, on reste pantoise.

    Et inquiéte. Car le devenir de l’humanité est en jeu.

     

    Nota : la suite du débat fut heureusement plus nuancé, sur le sujet de l’homoparentalité.

    La présence de jeunes adultes élevés par des couples homosexuels, qui expliquaient avoir eu les mêmes joies et les mêmes difficultés que les autres enfants, était précieuse.

    Cependant, on ne peut que regretter ce « packaging » intellectuel qui se dessine : certains sont pour , tout-en –un, le mariage pour tous, la procréation assistée, et la gestation pour autrui ; ceux qui sont contre ces deux dernières possibilités semblent être aussi contre le mariage pour tous ? Oui, il existe une dramatique absence de  débat dépassionné sur ce que nous sommes en train de faire de L’Humain….

    Michelle Colmard-Drouault

     

     

     

     


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