• Un livre intitulé »Le Choix de Sophie »-et un film du même nom où l’héroïne est incarnée par l’actrice Meryl Streep- relate l’histoire d’une jeune femme en route vers la déportation, à qui les nazis demandent de choisir entre ses deux enfants : l’un d’eux peut être sauvé. L’autre , non. Ce choix doit être fait en quelques dixièmes de secondes…

    Rescapée, ce moment la ronge et la hante.

     

    Denise HOLSTEIN, 97 ans, a témoigné sur une chaine de télévision à l’occasion du jour du Souvenir de  la Déportation, en des termes très précis, et très crus.
    Elle a bien fait. Nous devons être confrontés au concret de la déportation.

    Passée par Drancy avec ses parents, Denise est déportée à 16 ans à Bergen-Belsen, par un des derniers convois en 44.

    Voyageant dans un wagon à bestiaux, elle part avec des enfants parfois tout petits –les plus jeunes ont 3 ans- dont on a déjà déporté les parents. Des enfants que les autorités allemandes ne réclamaient pas, et qui ont été « ajoutés » par le régime de Vichy.

    Lorsqu’elle arrive au camp au terme de deux jours de voyage, au moment de descendre, un français chargé de nettoyer les trains lui souffle : 

    -Surtout ne prends pas d’enfant dans tes bras, ou tu es morte !

    Denise a le choix entre aider ces enfants désespérés et terrorisés -l’un d’eux pleure car il a perdu ses chaussures-, et survivre.

    Elle survivra. Mais on devine à l’entendre, combien le souvenir de ce petit garçon qu’elle nomme « un petit bout de chou », et se traine nu-pieds et en larmes, est vivace encore.

    Combien elle aurait voulu le consoler dans ses derniers instants.

    Elle l’aurait payé de sa vie : tous ces enfants sans exception ont été gazés dans l’heure suivant leur arrivée, et elle aurait partagé leur sort.

    Denise est revenue pour témoigner.

    Elle s’est dit « Ils ne m’auront pas ! », affirme t elle. Elle a tenu parole.

    Elle a résisté au froid(les appels par moins 40°) à la faim, à l’épuisement(elle raconte comment on faisait effectuer aux détenues des tâches vide de sens dans le seul but de les épuiser). Elle évoque leur terreur du docteur Mengele et de ses expérimentations. La peur d’aller à l’infirmerie. Le découragement.

     

    D’autres avant elle, Simone VEIL ou Primo LEVI, ont exprimé combien l’univers concentrationnaire pouvait contraindre à des dilemmes quotidiens. Survivre voulait parfois signifier survivre au détriment de l’autre. L’altruisme pouvait être suicidaire.

    Les seuls qui ne semblaient pas avoir d’états d’âme étaient les gestionnaires des camps…

     

    La notion permanente de choix guide nos vies.

    Certains choix sont contraints, d’autres s’imposent, d’autres encore sont impossibles.

    Dans un autre film, presque documentaire » Io, Capitano »(moi, capitaine) c’est un choix terrible que le jeune Seydou ne parvient pas à faire pendant sa traversée du Sahara en direction de la Lybie avec d’autres migrants : revenir sur ses pas pour secourir une femme âgée à bout de forces, au risque de perdre le guide et mourir avec elle dans le désert ; ou continuer sa route. Il ne peut pas la laisser…son compagnon de route l’exhorte à continuer..

    Il existe d’autres formes de choix.

    Le choix entre suivre la règle apprise ou l’ordre donné, et écouter sa conscience qui les refuse.

    Dans cette partie occidentale du monde, les consciences ont elles une voix audible ?

    Il arrive qu’on en doute.

    Quelques courageux et courageuses, lançeurs d’alerte, risque leur emploi, bravent les menaces, pour défendre le bien public contre l’exploitation ou l’injustice.

    Quelques solidaires estiment encore que secourir leur prochain en péril est une priorité absolue. Mais ils ne sont guère mis à l’honneur : une directrice d’école a été convoquée la semaine dernière par le Rectorat de son académie pour avoir hébergé une élève sans abri et sa mère dans des locaux scolaires. Elle risquerait un blâme ? L’Education Nationale a rappelé l’importance des règlements (!!).

    Il en est de même d’une sage-femme, qui aurait refusé de mettre dehors à 3 heures du matin une mère et son bébé, hébergés dans une salle déserte d’un hôpital par une température négative. Le règlement !

    J’ignore les prénoms de ces dames. Leurs choix sont ceux de l’honneur et l’humanité.

    Partout, on peut toujours refuser d’humilier, de spolier, de discriminer, de torturer…

    Mais c’est le prix à payer qui fait toute la différence.
    Il arrive que ce prix soit trop lourd.

    C’est le travail de tous les systèmes oppressifs de nous rendre ce prix si pesant, que nous préférons renoncer.

    « Don’t give up ! » dit un adage américain « ne renoncez pas ! »

    A plusieurs, nous sommes plus forts pour essayer de ne pas renoncer.

    Et si nous sommes croyant(e)s, Dieu peut donner cette force.

     

     

    Michelle DROUAULT


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  • « Le féminisme est un humanisme » rappelait récemment l’écrivaine Leïla Slimani.*

     

    C’est parce que le féminisme est un humanisme qu’il est une constante ouverture à la connaissance, la tolérance, l’inclusion, et la solidarité.

    Un mouvement international puissant, qui a inspiré la danoise Sherin KHANKAN, devenue une des premières femmes imame en 2015.

    Son but ? combattre l’influence de certains docteurs en religion qui se réclament du Coran pour prôner la stigmatisation des personnes homosexuelles, l’interdiction des mariages inter-religieux, ou la domination de l’époux sur l’épouse. Ce qui n’est pas justifié.

    Sa principale source d’inspiration est le philosophe Ibn Arabi.( 1165/1240), mystique soufi.

    Celui-ci, dit elle, proposait « d’interpréter le Coran avec le cœur ».

    Selon lui, il n’existe pas une grille unique d’interprétation des Ecritures, mais DES vérités, qui mènent au divin.

    Inutile de dire que Mme Khankan a été l’objet de beaucoup d’hostilité de la part d’hommes musulmans. Mais d’autres l’ont soutenue, et elle ne s’est pas découragée.

    En février 2016, elle a ouvert la mosquée Mariam, une mosquée réservée aux femmes(musulmanes ou non) et dirigée par elle même et une amie.

    Il n’existe aucune contrindication théologique à cela. »La femme est l’avenir de l’Islam » dit elle, « les femmes doivent s’approprier la fonction, on ne leur donnera pas ».

    Phrase qui nous a rappelé les propos d’Anne Soupa, candidate archevêque : « si j’attends qu’on m’appelle, on ne m’appellera pas ! ».

    En tant qu’imame, Sherin a célébré une vingtaine de mariages inter-religieux, et précise que l’union de personnes de même sexe ne lui poserait pas de problème, bien que pour le moment le cas ne se soit pas présenté.

     

    D’autres femmes musulmanes ont eu une démarche encore plus engagée :

    A Paris, A.S Monsenay et Eva Janadin ont ouvert la première mosquée inclusive.

    Leur projet est de réconcilier la Foi avec la raison et l’esprit critique.

    Cette mosquée est mixte, dans une totale égalité hommes/femmes. Tous et toutes peuvent prêcher et prier. Il n’existe aucune discrimination d’origine, de genre, ou d’orientation sexuelle. Le voile est un choix personnel sans aucune obligation.

    Dans ce même esprit d’ouverture, Kahina BAHLOUL, théologienne franco-algérienne et imame, souhaite une nouvelle interprétation des textes coraniques à la lumière des sciences humaines et sociales. Le fait qu’il n’y ait, dans l’Islam, aucune autorité cléricale centrale, lui paraît une chance pour faire émerger des croyant(e)s libres et responsables.

     

    Pour la religion juive, on dénombre actuellement trois femmes rabbins en France.

    La première a été Pauline Bebe en 1990.

    La plus célèbre, parce qu’elle est aussi écrivaine, est Delphine HORVILLEUR, cheffe religieux et guide spirituel d’une communauté, dans le courant juif libéral.

    Elle est l’autrice de « Comprendre le monde » « Réflexion sur la question de l’antisémitisme » ; et a co-écrit avec Rachid Benzine :« Des mille façons d’être juif ou musulman ».

    « Il y a ceux qui ont la volonté de faire de la place à l’autre », dit elle, « et ceux qui n’en sont pas capables ». Cette réflexion nous a paru la plus intéressante. Car aucun système dogmatique, quel qu’il soit, ne peut faire de place à l’autre.

    « Un système religieux conservateur ne fera jamais de place aux femmes » dit elle encore, « parce que ce serait faire de la place à TOUTES les autres formes d’altérité ».

    Et pour certains, c’est insupportable.

    Madame Horvilleur interroge également les modes d’interprétation des textes bibliques et religieux. Selon elle , on n’a jamais fini d’interpréter, les possibilité sont infinies.

    « A celui qui dit détenir la vérité, je dis : la vérité n’est ni toi, ni moi ».

    Voilà une réponse qu’aurait pu faire Sherin Khankan à ses détracteurs, qui prétendaient lui opposer une « vérité »…une réponse que nous femmes pourrions faire à tous les soi-disant « sachants » des trois monothéismes qui veulent nous assommer de vérités aliénantes.

    Saluons aussi le questionnement de D. Horvilleur sur les analogies troublantes entre l’antisémitisme et la misogynie : les stéréotypes prêtés de tous temps aux Juifs et aux femmes(faiblesse, lâcheté, ruse, cupidité)ont la peau dure, et sont responsables de drames humains et sociaux irréparables.

     

    Chez les chrétiennes, la théologienne protestante Lytta Basset se base sur le principe de bienveillance, qui fait cruellement défaut au monde moderne.

    Pourtant » la bienveillance est au cœur de notre condition humaine » dit elle dans son ouvrage « Oser la bienveillance », « et c’est elle qui rend notre monde habitable ».

    Elle rappelle que le « pêché originel » n’est en fait que la rupture de la relation à l’autre, et revient , elle aussi, sur l’importance primordiale de la reconnaissance de l’altérité, la « téchouva » le retour à la relation à l’autre…

     

    Toutes ces femmes ouvrent les bras, le cœur, l’esprit, l’intelligence

    Elles sont attaquées, contestées, voire menacées, par des hommes accrochés à leurs certitudes dogmatiques. 

    Pourtant , les suivre contribuerait à créer un monde meilleur.

     

    Une question persiste cependant : la cruelle absence actuelle de figures de femmes catholiques dans cet universalisme inclusif, du moins en Europe.

    Il existe au Québec des religieuses féministes, des religieuses ouvertes à l’homosexualité, des femmes catholiques participant activement à la lutte contre toutes les violences faites aux femmes.

    En France, une majorité de femmes catholiques , même dissidentes, semble encore sous le joug d’une domination masculine qui, si elle rejette le cléricalisme, garde une mainmise idéologique certaine sur la pensée des femmes. « Féminisme » reste un gros mot, et n’est justement pas vu comme cet humanisme que nous évoquions.

    Il n’existe pas de réelle contestation de l’instrumentalisation de la foi chrétienne dans un but manifeste de contrôle des femmes, de leur corps et de leur vie : la contraception, l’avortement, la vision des femmes indissociable de la vie familiale, l’homosexualité, ne sont jamais(ou presque) des thèmes de débats, sauf lorsque les positions de l’Eglise sont tellement monstrueuses qu’elles sont intolérables(affaire de Brésil)

    De timides avancées existent sur le statut spirituel des divorcés-remariés. Mais on remarque un consensus contre le mariage de personnes de même sexe et la PMA.

    Les appels en pleine paroisse à aller manifester avec les franges les plus réactionnaires de la société contre l’avortement, ne sont pas hués par des groupes de femmes en colère…

    Dans ces conditions, quelles avancées humaines provoquerait la nomination de femmes catholiques à de hautes fonctions ecclésiastiques ?

    Peu nous importe le sexe de l’évêque, disent certaines, si c’est pour nous faire renvoyer à la « complémentarité » des sexes, à la subordination maritale, à nos fonctions reproductrices… .

    En France, les femmes catholiques homosexuelles ; victimes de violence ; confrontées à l’avortement, ne trouvent guère d’aide et de solidarité. Ou parfois des aides « orientées » qui cherchent à les faire rentrer dans le rang.

    Elles aimeraient sûrement être accueillies par des femmes comme celles que nous venons de citer, témoins de l’immense amour de Dieu, et des infinies possibilités humaines.


    Face à ce constat, le chemin est encore long…
     

     

    Michelle. C .DROUAULT
     

     

    *note : cette affirmation intervenait dans le contexte d’une absurde polémique sur l’audition d’une syndicaliste étudiante « voilée » à l’Assemblée Nationale. Le sujet était la précarité étudiante ! Certaines députées n’ont pas pris la peine d’écouter et sont sorties de la salle au nom du « féminisme » parce que la dame avait la tête couverte ; ce que le règlement n’interdit pas, a rappelé le Président de l’Assemblée…Leïla Slimani réfutait totalement que cette attitude intolérante et méprisante soit du « féminisme »…
     

     

     

     

     


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  • « En tant que mouvement chrétien , nous ne nous reconnaissons pas dans l’appel de la « Marche pour la Vie », relayé par de nombreuses associations de fidèles et responsables catholiques.

    Nous dénonçons les messages de culpabilisation,  d’intolérance et de haine portés lors de ces marches sous couvert de valeurs chrétiennes.

     

    Aujourd’hui dans l’Église catholique, et aussi au sein de notre propre mouvement, des personnes restent en questionnement face à l’IVG.

     

    Nous souhaitons ouvrir un espace de dialogue sur l’IVG. »

     

    Auparavant, les auteurs de ce texte avaient exprimé reconnaître comme un « droit fondamental pour les femmes et les couples d’avoir recours à l’IVG », phrase retirée du corpus…

     

    Ce simple appel, écrit voici quelques semaines par le MOUVEMENT RURAL DE JEUNESSE CHRÉTIENNE (fondé en 1963), a été l’objet  d’indignations et d’oukases divers, qui ne semblent pas permettre une quelconque ouverture à un débat pourtant nécessaire.

     

    Le porte-parole de la Conférence des Évêques de France dénonce dés le lendemain des propos « contraires à ce que dit l’Église », suivi par Mgr Ginoux, qui ne souhaite plus subventionner le mouvement, et quelques autres indignés. Certains, tel l’évêque de Montauban, dénient même au mouvement le droit de se dire catholique…

     

    À contrario , des soutiens viennent de la Mission de France, qui évoque l’ardeur de l’ensemble de la MRJC à lutter contre les inégalités, en phase avec le pape François ; de la JOC (Jeunesse Ouvrière Chrétienne) et des Scouts et Guides de France.

     

    Enfin un autre évêque déplore à mots couverts que des subventions puissent être utilisées, non comme soutien, mais comme moyens de pression.

     

    Ce mouvement de jeunes peut être grandement remercié pour avoir jeté un pavé dans la mare.

     

    Si ces positions sont « contraires à ce que dit l’Église », sont elles contraires à ce qu’à dit le Christ ? Non, à mon sens.

     

    On peut étudier scrupuleusement tout le Nouveau Testament , on ne pourra y trouver aucune évocation de l’avortement, ou de la limitation des naissances. Aucune.

     

    L’Ancien Testament n’est pas en reste. Rien.

     

    Il s’agit donc d’une simple interprétation, tout à fait contestable, du commandement de Dieu « Tu ne tueras point ».

     

    Cet intérêt pour les embryons est tout à fait récent, et date du XIX ème siècle, comme nous l’avons indiqué dans un précédent article. Auparavant, l’Église estimait condamnable l’avortement après que le fœtus « se soit animé » c’est à dire à partir de trois mois de grossesse, ce qui est exactement la limite légale de l’IVG en France (12 semaines).

     

    L’Église ne s’intéressait pas au sujet, et s’est fait harceler par des médecins catholiques, qui ont obtenu, à force de pressions, une molle condamnation du Pape Pie IX…le dilemme était de taille, et il l’est encore : jusqu’alors, la vie des femmes était considérée comme sacrée, à l’instar de toute vie.

     

    Donc on pensait effectivement qu’en cas de grossesse pouvant conduire à la maladie ou la mort, on ne pouvait mettre en danger une femme souvent déjà mère pour sauver un hypothétique enfant, en détruisant une famille composée dorénavant d’orphelins… Ce qui était le bon sens même.

     

    Le XIX ème siècle s’est montré d’une rare misogynie. C’est celui où dans la société civile, les médecins prennent le pouvoir sur la vie quotidienne sous couvert d ’hygiénisme (certaines des mesures adoptées seront bonnes et salutaires) et mélangent la santé et la morale. Le discours scientifique crée des normes. Les déviances sont annoncées, la répression de la déviance suit.

     

    Celle des femmes « déviantes » est particulièrement impitoyable.

     

    Et une coutume fréquente veut que, dans les accouchements à complication, sauf avis contraire du mari qui conservait ainsi droit de vie et de mort sur son épouse, on sauve en priorité l’enfant avant la mère…

     

    Voilà quel fût le cadre sociétal de l’interdiction totale de l’avortement.

     

    Un embryon de quelques millimètres , sans colonne vertébrale ni système nerveux, aurait –t-il plus de droit à l’existence qu’une mère de famille? C’est la question que se posent de nombreuses catholiques.

     

    Pour mémoire un embryon de 2 semaines mesure deux dixièmes de millimètre de diamètre(il est invisible à l’œil nu) ; de 3 semaines, cinq dixièmes de millimètre à 1mm ; de 5 semaines, six millimètres ; 8 semaines deux centimètres :--(ces deux petits traits).

     

    Il ne possède une colonne vertébrale qu’à dix semaines.

     

    Le considérer comme un être humain vivant relève de l’imaginaire ou de l’idéologie.*

     

    Cependant, malgré ces données scientifiques fiables, l’effet de propagande est tellement fort que Francis Kaplan, historien des sciences, cite la croyance de 40% des étudiants d’une université Australienne en la présence d’un cerveau chez un embryon de 2 jours…

     

    Un enfant est créé par l’amour de sa mère. Elle en aime la projection, elle aime « à l’avance » (termes de JP Sartre) l’enfant qu’il sera. Ce n’est pas l’embryon en tant que tel qu’elle chérit. C’est l’idée de l’enfant. Si cet amour fait défaut, s’il est impossible de par les circonstances,

     le processus de création s’arrête, et la mère deviendrait alors une simple mère porteuse, procédé pourtant hautement réprouvé(à raison) par l’Église.

     

    Il est à noter d’ailleurs que celle-ci est dans l’incohérence : elle n’organise ni baptême ni funérailles pour ces supposés êtres vivants embryonnaires.

     

    Mais l’hostilité de l’Église ne se limite pas à l’IVG (interruption volontaire de grossesse).

     

    L’Église catholique est la seule, l’unique institution religieuse à ne pas respecter le droit à la vie des femmes, car elle n’admet pas l’avortement même en cas de danger pour la santé ou la vie de la mère, contrairement à d’autres branches du christianisme. (orthodoxes, protestants).

     

    La très catholique Irlande a admis du bout des lèvres en 1983 par un 8 éme amendement à sa Constitution « le droit égal à la vie de l’enfant à naître et de la mère pendant la grossesse ».*

     

    Phrase interprétée en général dans un sens défavorable à la mère.

     

    Citons quelques tragédies humaines dictées par le fanatisme :

     

    Chacun se souvient du drame de cette jeune résidente irlandaise morte d’une septicémie parce qu’on lui avait refusé l’avortement d’un fœtus non viable au motif que le cœur battait toujours alors qu’elle souffrait déjà d’infection gravissime.

     

    De même une italienne, Valentina Milluzzo, est aussi décédée en Octobre 2017 d’un refus d’avortement alors que sa vie était menacée.

     

    Pourtant la grossesse était désirée. Enceinte suite à une FIV, Mme Milluzzo attendait des jumeaux. A la 17 éme semaine de grossesse, l’un des fœtus a été atteint de détresse respiratoire, et d’un syndrome risquant d’entraîner le décès de l’autre fœtus et de la mère. Sous le prétexte qu’un des fœtus vivait encore, le médecin a refusé une interruption thérapeutique de grossesse. Les deux jumeaux et la mère sont décédés quelques heures après. La famille a porté plainte.

     

    Au Salvador la jeune Béatriz a été empêchée d’avorter d’un fœtus sans cerveau, atteint de lupus anacéphalique. Elle a finalement obtenu une césarienne à 26 semaines, et a accouché d’un bébé mourant qui « faisait peine à voir » a dit un soignant.

     

    Récemment, toujours au Salvador, Téodora Vasquez a été libérée après 7 ans de prison effectués simplement pour avoir accouché d’un bébé mort-né à 9 mois de grossesse. A l’origine, elle avait été condamnée à 30 ans d’incarcération ! Les ONG se sont saisies de son cas : victime d’une hémorragie sur son lieu de travail(est il raisonnable de faire travailler une femme enceinte de 9 mois ?) elle n’avait pu être secourue à temps et pendant qu’elle gisait inconsciente, le bébé était mort.

     

    Son cas n’est pas isolé. Les prisons du Salvador sont remplies de femmes incarcérées pour des fausses couches spontanées ou des morts in utéro.

     

    Ces femmes étaient des femmes jeunes, mariées, heureuses et dans un projet de famille, brisé par la « conscience » de médecins obscurantistes.

     

    Ces positions intenables contreviennent totalement à l’enseignement du Christ, qui prescrit en premier « d’aimer son prochain comme soi même » : « Mon commandement, le voici :  aimez vous les uns les autres comme je vous ai aimés »(Jean, ch 5 , verset 12)

     

    Est-ce aimer son prochain de lui infliger un martyre obligatoire ?(la jeune irlandaise est morte dans de grandes souffrances) ; de le sanctionner pour la perte d’un enfant en privant de surcroît les enfants vivants de leur mère (le fils de Mme Vasquez ne l’a revue qu’à 14 ans !)

     

    De lui infliger l’horreur d’accoucher d’un bébé difforme et mourant  ?

     

    Il est d’autant plus facile aux prélats de tenir ces discours insensés qu’ils sont hommes , et totalement à l’abri d’une grossesse. Que les autres souffrent et meurent, donc !

     

    On pourrait aussi estimer ces interdits sans nuances proches de la position des pharisiens qui se scandalisaient que Jésus guérisse quelqu’un le jour du Sabbat. Fallait il laisser mourir cet homme? Le plus important est il le règlement, ou l’Humain et la compassion? Il me semble que le Christ a répondu clairement.

     

    Et que c’est même cela qu’Il est venu questionner.

     

    L’avortement n’est pas non plus autorisé pour les catholiques en cas de viol ou d’inceste.

     

    C’est à dire que l’Église se sert de la Science quand cela l’arrange, et clame que la vie (quelle forme de vie ?) commence à la conception ; mais elle ne veut pas entendre parler de la psychiatrie, de la neuropsychiatrie, et de la psychanalyse, qui  expliquent le traumatisme difficilement dépassable de ces deux crimes(les femmes sont ici victimes d’actes jugés dans des juridictions criminelles) et leurs répercussions ultérieures, sorte de mort psychique si la victime n’est pas soignée. Ajouter à ces crimes une naissance non désirée peut conduire au suicide si la jeune fille/femme ne peut avorter. Pour elle, le fœtus n’est que le symbole introduit par effraction, du crime dont elle a été victime. Son existence ne fait aucun sens.

     

    Et se savoir enceinte de son père est un chaos psychique difficilement concevable.

     

    Dans les pays dont la législation est répressive, les tentatives de suicide( (souvent suivies d’effet) sont fréquentes..

     

    Certaines femmes victimes de viols de guerre systématiques en Bosnie ou au Kosovo , et qui n’avaient pu avorter en raison de grossesses avancées ont parfois tenté d’étrangler leur bébé à la naissance puis de mettre fin à leurs jours.

     

    Mais l’Église n’a cure de toute cette souffrance.

     

    On ne l’entend pas non plus appeler les hommes à la responsabilité pour les éviter :

    la conception des enfants se fait à deux, et les hommes en sont pleinement responsables, surtout si l’acte sexuel a été contraint. Or on a excommunié les avortées, et jamais les violeurs, fussent ils incestueux.

     

    Les prélats enfermés dans une bulle d’abstraction réalisent ils la colère, l’humiliation et le dégoût qu’ils provoquent chez les femmes?

     

    Les logiques défendues par l’Église catholique pourraient être tenues pour de la dérive sectaire : elles n’ont pas plus de véritable fondement théologique  que de base scientifique sérieuse.

     

    Aussi est il légitime que des jeunes estiment que l’IVG est un questionnement !

     

    Mais aussi il est salutaire pour l’Église, qui se montre bien aveugle, que des jeunes chrétiens ruraux ne laissent pas le terrain à d’autres jeunes de classe aisée ignorants des réalités, pour représenter la jeunesse chrétienne.

     

    Le MRJC est soucieux d’écologie, il s’est engagé contre le projet de Notre dame des Landes auprès du monde agricole; il a questionné l’état d’urgence, le sort des migrants; il combat toutes les inégalités sociales et demeure proche des familles pour un monde plus juste.

     

    Un véritable rayonnement chrétien enthousiasmant. (plus que la Manif Pour Tous !) 

     

    Mais on voudrait le faire taire?

     

    Les média qui veulent « faire du scoop »  avec les catholiques ringards et bourgeois, éloignant la jeunesse de la Foi, ont encore de beaux jours devant eux.

     

    Michelle C. DROUAULT

     

    *la « pilule du lendemain » est, elle aussi proscrite alors qu’elle empêche la nidation (la possibilité d’un embryon) L’avortement médicamenteux, avant 8 semaines, n’est pas non plus toléré…

     

    * Un nouveau référendum prévoyant l’élargissement du droit à l’avortement doit avoir lieu en mai prochain, et 56% des irlandais se sont déjà prononcé favorablement pour cette modification.

     


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  •         BONNE ANNÉE 2017 A TOUTES ET TOUS !

     

             Femmes du Monde, toujours actives :

     

               Une exposition magnifique va reprendre le 25 janvier 2017 à l’ESPACE DES FEMMES, 35 rue Jacob à Paris.

    Il s’agit de « LUTTES ET VICTOIRES DES GRANDS MÈRES DE LA PLACE DE MAI ».

    Rappelons que pendant la dictature militaire du Général Vidéla entre 1976 et 1983, des centaines de bébés sont nés en captivité. Leurs parents, opposants politiques ou simples citoyens, ont été portés « disparus » ; la plus part d’entre eux ont été assassinés par le pouvoir militaire. Qu’étaient devenus ces enfants, c’est ce que le mouvement des « Grand mères de la Place de mai » a opiniâtrement tenté de savoir, sans relâche, depuis plus de vingt ans. Et avec succès : sur prés de 500 enfants enlevés ou nés en prison, 121 ont pu retrouver leur véritable identité.

    En effet, ces enfants avaient été massivement « appropriés » ; c’est à dire qu’après avoir éliminé leurs parents, les militaires dont les épouses étaient stériles les faisaient passer pour leurs propres enfants, biologiques ou adoptés. Dans certains autres cas, les enfants étaient adoptés par des personnes de bonne foi qui avaient simplement déposé un dossier d’adoption, et se voyaient rapidement donner satisfaction.

    L’exposition montre les photographies et les récits de vie de ces jeunes trentenaires qui ont appris que leur identité n’était pas celle qu’ils croyaient, et ont retrouvé non seulement leur grand mère, mais aussi leur famille d’origine.  Les circonstances de ces retrouvailles ont été diverses : soit les jeunes personnes elles mêmes (ou leurs parents adoptifs de bonne foi) avaient des doutes, et contactaient les grand mères ; soit les recherches de celles-ci les conduisaient à demander des tests ADN pour identifier des jeunes ayant la même date de naissance que leur petit-enfant. Récemment une grande « campagne pour la restauration de l’identité » a été lancée par les pouvoirs publics argentins. Les recherches continuent.

    Les interrogations posées par cette exposition sont terribles.  Deux génération ont été sacrifiées par la dictature. Les parents, et les enfants. Et pour les enfants de disparus qui sont eux mêmes déjà parents, une troisième génération est touchée par ce trouble identitaire intensément douloureux.

    Savoir que ceux que l’on considérait comme ses parents ont été les tortionnaires ou les meurtriers de ses parents biologiques est un traumatisme psychique extrême.

    De même, les parents adoptifs de bonne foi qui ont du admettre que leur enfant était un enfant volé à une mère qui n’avait jamais consenti à son adoption, ont été également traumatisés.

    Certains parents « appropriateurs »ont tenté de fuir à l’étranger, ce qui encore compliqué la situation de leurs « enfants ».

    Il existe une association de » Fils et Filles de disparus, assassinés, anciens prisonniers politiques ou exilés » la H.I.J.O.S, dont nous avons pu voir un film documentaire(Nietos, Identidad y Mémoria)* avec des interviews de grand mères, d’ex-enfants volés, et de familles de disparus.

    Ces visages nous parlent, ils nous parlent d’un monde où les enfants ne sont pas sujets, sujets humains, mais objets. Voler l’identité, l’histoire, les racines d’un être humain, doit être jugé, au même titre que les autres crimes du totalitarisme.

     

     

    Michelle. C. DROUAULT

     

     

    *petits –enfants, identité et mémoire


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  • « Très tôt j’avais remarqué que les hommes utilisaient les arguments religieux pour dominer les femmes. J’ai compris qu’il fallait passer par la connaissance approfondie des textes religieux pour contrecarrer ces abus. »….

    «  On peut utiliser les arguments théologiques pour casser les préjugés traditionnels »

     

    C’est ainsi que s’exprime Sabiha Husic, théologienne de l’Islam, psychothérapeute bosniaque, et directrice depuis 2007 du centre « MEDICA ZENICA », premier centre de thérapie pour les femmes victimes de traumatismes et de viols pendant la guerre de Bosnie.

    « Durant la guerre de Bosnie », explique-t-elle sur son site, « je suis devenue une réfugiée, et pour la première fois,  j’ai réalisé l’impact des traumatismes des femmes découlant de la guerre » (…) « En essayant de me guérir, j’ai voulu aussi guérir les autres femmes ; particulièrement  les survivantes de viols de guerre » (…)

    Sabiha réunit des groupes de femmes informels, puis travaille au centre « Medica Zenica ».

    Ensuite, elle devient diplômée de l’Université Islamique, et psychothérapeute.

    Le 19 Novembre 2014, l’organisation pour les droits des Femmes « Women For Women » (des Femmes pour les Femmes) lui décerne le prix 2014 de « Femme du Monde » pour son action efficace et acharnée, et ses programmes d’aide aux femmes victimes de viols de guerre massifs en Bosnie, sous forme d’aide juridique et médicale.

    Sabiha a mobilisé des femmes de toutes les religions, et a également été nommée :

    « Bâtisseuse de paix Interreligieuse ».

     

     Elle fait le constat qu’hélas, s’est établie dans les procédures juridiques une sorte de « hiérarchie du traumatisme » ; le viol vient en dernier, après les victimes de l’épuration ethnique et les victimes de torture. Et les femmes sont contraintes pour poursuivre leur plainte, d’apporter des preuves (!) et d’être confrontées à leurs agresseurs. Il n’existe pas pour elles de programme de protection spécifique.

    Beaucoup de victimes de viols ont amèrement reconnu leurs bourreaux qui mènent une vie paisible, et ont des pages facebook, tandis qu’elles doivent affronter l’indifférence ou la pression de leur famille pour taire ce qui leur est arrivé.

    Cela doit changer. Et l’impunité des violeurs doit cesser.

     

    La communauté islamique a aidé à l’acceptation par les familles et l’entourage, des problèmes et difficultés des femmes traumatisées : elle a fourni des médiateurs.

    Notons qu’une « fatwa » de 2008 a déclaré les femmes violées dans le cadre de la guerre de « shahida », martyres de l’Islam. Ce qui a contribué à assurer leur dignité.

     

    Nous ne pouvons que saluer, non seulement le courageux travail de SABIHA HUSIC, mais aussi la finesse et la perspicacité de ses analyses, que nous partageons :

    Les religions peuvent être un instrument de libération de femmes si elles se les approprient, et non un prétexte de domination.

     

    Michelle .C. DROUAULT

     

     

     


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  • Dans une interview publiée dans le magazine « Télérama » de fin Juillet, Delphine Horvilleur, rabbin, ancienne journaliste, constate  « qu’il n’est plus possible que, dans un monde où hommes et femmes partagent leur érudition dans toutes les sphères de la société, synagogue, mosquée et église, soient les seuls lieux où la femme est réduite à sa fonction de mère et d’épouse »

    Nous recommandons à nos lectrices la totalité de l’article, dans lequel une des rares femmes rabbins qui existent en France reprend pour les contester les interprétations de la Genèse qui justifient soi-disant la « complémentarité » de la femme par rapport à l’homme : être relatif réduit à son sexe biologique. C’est à partir de l’hébreu qu’elle re-situe le véritable sens des termes, comme l’ont déjà fait plusieurs auteur-es catholiques

    ( voir le livre de André.WENIN, D’Adam à Abraham ou les errances de l’humain, Paris, cerf, 2007 p 57et suivantes ;

    voir aussi l’article de Michèle JEUNET sur le site du Comité de la Jupe : http://www.comitedelajupe.fr/du-grain-a-moudre/reflexions-bibliques-et-theologiques/adam-etait-il-un-homme-par-s-m-jeunet/ 

    ou sur son blog : http://aubonheurdedieu-soeurmichele.over-blog.com/article-une-interpretation-non-sexiste-du-2eme-chapitre-de-la-genese-87465317.html

     

    De même, avec beaucoup de finesse, elle pose la question du voile dans l’Islam, sans y répondre, bien sûr : s’agit-il d’une revendication de sujets autonomes, ou d’une lecture masculine des textes coraniques ?

    En fait, sommes-nous, femmes croyantes des trois monothéismes, l’objet d’immenses escroqueries intellectuelles et théologiques, visant à conserver aux hommes le pouvoir et la domination, ainsi que les décisions politiques ?

    Cet état de fait est-il en soi une violence supplémentaire envers les femmes ou encourage-t-il  simplement les violences faites aux femmes en général ?

     

    Irene Zeilinger,  auteure autrichienne, a publié en 2008 un « manuel d’auto défense à l’usage des femmes, « NON, c’est NON », dans lequel elle énumère toutes les formes de violence auxquelles elles sont sujettes, et elle les détaille :

    -la violence physique

    -la violence psychologique ou morale (qui a mis longtemps à être reconnue, et inclut la négation des perceptions de la victime) 

    -la violence sexuelle : agressions, viol (y compris conjugal), mutilations génitales

    -la violence économique (contrôle abusif sur les biens ou le salaire d’une femme, faire peser sur elle de manière inégale les charges du ménage, exploiter une femme âgée et vulnérable)  la violence émotionnelle (manipulation) ;

    -la violence sociale (isolement) ;

    -la violence intellectuelle ;

     et la VIOLENCE SPIRITUELLE.

    Elle définit celle-ci comme « tout comportement qui stigmatise les croyances religieuses ou culturelles d’une femme », mais aussi toute coercition : tentatives de conversion forcée à une religion différente, et « PRATIQUES COERCITIVES EXERCÉES OU JUSTIFIÉES DANS LE CADRE RELIGIEUX ». Elle y ajoute le fait, par ces pratiques ou discours, de nuire à l’estime de soi des femmes, et de véhiculer des stéréotypes d’infériorité genrée.

    C’est la première fois que nous voyons ce type de violence listée et reconnue, et nous ne pouvons qu’en féliciter l’auteure.

    Mais il nous appartient d’aller plus loin : quand nous sentons nous violentées dans le cadre de notre religion, quelle qu’elle soit ?

    Il m’est arrivé de me sentir brûlante de colère à la lecture de certains textes écrits par des responsables religieux masculins, pour dire une fois de plus aux femmes ce qu’elles doivent être, faire et croire.
    Peut-on une minute imaginer l’inverse ? Qu’une femme rabbin, ou évêque, tienne de grands discours publics sur le comportement, l’habillement ou les devoirs de ses coreligionnaires masculins ? Les femmes n’ont pas cette suffisance !

    Nous sommes également nombreuses à être sorties furieuses et humiliées d’une église ou d’une salle de prière, après avoir entendu des homélies ou des prêches qui nous traitaient en moitiés d’êtres humains, ou niaient tout simplement le respect du à nos vies, (comme les homélies catholiques qui soutiennent qu’un avortement ne doit être autorisé en aucun cas, même celui de danger pour la mère)

    La violence intellectuelle comprend l’empêchement de l’accès aux textes sacrés et à leur étude (femmes juives empêchées d’étudier la Torah dans le judaïsme orthodoxe par exemple), et le détournement des textes qui est une violence autant intellectuelle que spirituelle.

     

    Dernièrement, la nomination de femmes au titre d’évêques dans la religion anglicane a défrayé la chronique. Des évêques anglicans africains se sont opposé à cette réforme avec un argument théologique absurde : la Cène (le dernier repas du Christ) n’aurait compris comme « invités » (il ne s’agit pas d’un salon !) que des hommes… Sous leur apparente absurdité, ces propos sont extrêmement violents, et c’est ce genre d’arguments qui sont utilisés dans l’Eglise catholique romaine pour exclure les femmes de la prêtrise et de l’épiscopat avec l’autre argument similaire que Jésus n’auraient appelé que des hommes à être apôtres. Nous renvoyons, pour contredire ces arguments à l’excellent article du Père Joseph Moingt :

    http://femmes-ministeres.org/?p=202

     

    La violence spirituelle s’exerce envers nous chaque fois qu’au lieu de trouver la paix de Dieu et le moyen de nous améliorer et d’apporter cette paix aux autres en lisant un texte, en assistant à un office ou une prière, nous sommes confrontées à des propos qui nous trahissent ; nous renvoient une mauvaise image de nous mêmes ; rejettent la responsabilité des erreurs et fautes des  personnes de sexe masculin sur nous ; nous assignent une place obligatoire de servante(qui n’a rien à voir avec le service volontaire des autres),malmènent nos corps ; ou nous culpabilisent d’avoir voulu préserver nos vies en quittant un mariage toxique, ou en ayant recours à une interruption de grossesse indispensable.

    Que ces beaux parleurs sacrifient leur propre vie ! Ceux-là ressemblent aux pharisiens et aux légistes dont Jésus parle dans l’évangile de Luc 11/46 : «  Vous chargez les gens de fardeaux impossibles à porter, et vous-mêmes ne touchez pas à ces fardeaux d’un seul de vos doigts »

    La violence spirituelle s’exerce à notre encontre chaque fois qu’on tente de nous persuader que des contraintes humiliantes ou absurdes nous conduisent au salut : une proche musulmane m’expliquait comment dans certaines régions on endoctrinait de très jeunes femmes afin qu’elles portent un niqab et des gants, des bas et des chaussures fermées, même par des chaleurs accablantes : chaque goutte de sueur les rapprocherait du Paradis !!

    De même, toutes les théories qui nous proclament « impures » à certaines périodes du mois parce que nous saignons, ne sont que des héritages de superstitions païennes, et d’ignorance du fonctionnement du corps humain. Rien de ce qu’a pu créer Dieu n’est impur.

    Le sang des menstrues est simplement celui qui n’a pas servi à implanter un embryon dans notre utérus. Celui de l’accouchement est le résultat d’un processus normal. Il n’existe aucune raison de se « purifier » après un accouchement. Le retour de couches est lui aussi un évident retour du corps de la femme à son fonctionnement ordinaire.

    Nous décréter impures ou dire que nous allons faire tourner la mayonnaise en cuisinant ces jours là relève de la même absurdité. Cela n’a rien à voir avec l’Amour de Dieu.

    Bien malheureusement, certaines femmes se font les courroies de transmission de telles pratiques, soit pour être bien intégrées dans leur communauté ; soit pour se venger sur leurs filles de ce qu’elles ont elles-mêmes subi, en espérant illusoirement se décharger du poids de leurs souffrances. Une jeune amie juive s’est trouvée très humiliée de se voir infliger par sa mère un bain rituel après une IVG.

    La violence spirituelle est un écran : elle empêche, au contraire les femmes de se rapprocher de Dieu, car elle les fait fuir les églises , les mosquées et les synagogues ; elles peuvent se laisser attirer par les philosophes athées qui énoncent que les religions ne sont que des empêcheuses de tourner en rond et de vivre, et qu’elles doivent être éradiquées.

    Ce qui doit être éradiqué, c’est la domination d’un genre sur l’autre, car la source de la violence spirituelle est là. Dans des sphères où les religions ne sont pas en cause, les

    présupposés sur la faiblesse, l’incapacité, ou la duplicité des femmes sont semblables.

    Il n’est qu’à relire les débats parlementaires sur le vote des femmes, chaque fois que ce sujet a été proposé au suffrage. C’est la religion, au contraire, qui a été accusée d’influencer les femmes et les rendre inapte à des droits civils, par des députés laïques et souvent athées qui leur niaient toute capacité de discernement.

    Quand ce n’était pas la religion, c’était leur Nature, leur conformation, leur devoir*….un véritable florilège d’incantations terrorisées par le simple concept d’égalité tant prêché par la Révolution.

    La violence spirituelle, c’est cette image d’un Dieu-Père Fouettard, de genre masculin évidemment, dont une des volontés premières serait de maintenir éternellement les femmes sous le boisseau par le biais de rites et de soumissions encastrés les uns dans les autres comme des poupées russes. Une volonté qui se serait manifestée uniquement à des hommes, dotés d’une sorte de téléphone rouge spirituel…

     

     

     

    Michelle.C.DROUAULT et Michèle JEUNET

     

     

     

     

     

     

    * Le philosophe René Rémond relève, dans son ouvrage sur l’antichristianisme contemporain, que dans les débats parlementaires sous la III éme République, l’Eglise a été accusée de soustraire les femmes, dans le secret de la confession, au « plus sacré des devoirs »….le devoir conjugal ! Les confesseurs semblaient conseiller en effet l’abstinence aux femmes qui ne voulaient pas enfanter chaque année ; abstinence qui obligeait leurs époux à porter un autre regard sur elles, peut être ? Dans le même temps, au Québec, le clergé enseignait aux épouses que se refuser à son mari était un pêché mortel…pour raison politique : il s’agissait de faire davantage d’enfants que les anglophones.


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  • Au moment où Antoinette Fouque vient de nous quitter, je retiendrai d’elle avant tout sa volonté d’indépendance de pensée des femmes.

    Une indépendance linguistique, d’abord, de par le choix du vocabulaire, l’inventivité du langage :

    Préférer « misogynie à « sexisme », car le sexisme, comme le racisme, est réversible ; publier un essai de « féminologie », science des femmes, étude des femmes ; évoquer le « gynocide » ou le « féminicide » constant de ces meurtres de femmes, souvent au moment où elles allaient se libérer d’une relation mortifère, que les media qualifient complaisamment de « drame passionnel ».Ce vocabulaire nomme, qualifie, reconnait .

    Une indépendance politique, philosophique, essentielle : bien qu’ancré à gauche, le MLF n’a jamais été subordonné à aucun parti, et Antoinette Fouque s’est toujours réservé le choix de la critique ou de la distinction ; accueillant pour dialoguer toutes les femmes en voie de libération ;( sauf celles d’extrême-droite dont les idéologies sont incompatibles ; et qui n’ont jamais manifesté aucun désir de rapprochement !).

    Une indépendance vis à vis de ce qu’elle nommait « le féminisme d’Etat », c’est à dire celui qui croit pouvoir promouvoir l’égalité par l’abolition de différences pourtant irréductibles ; et n’est capable de voir dans toute différence que de l’infériorité.

    Celui qui nous incite à croire actuellement que le congé de paternité va avoir un impact sur ce qui se passe dans le corps des femmes, comme si les deux parents avaient le même rapport à la naissance. Celui qui parle d’une laïcité-bulldozer qui ne veut voir que l’apparence des femmes, souhaitée uniforme.

    Pour A. Fouque, le terme « misogynie » désignait le terme-clé de la haine universelle dont les femmes sont l’objet ; une haine pour les capacités de faire qu’ont les femmes : produire, à partir de leurs corps, des êtres vivants et pensants, la première des richesses humaines.

    A être jaloux de cette capacité, ou à la dénier, on peut être un homme ou une femme, l’expression de la misogynie n’a pas de sexe.

    Les capacités des femmes, productrices, créatrices, artistiques, culturelles ; elle n’a eu de cesse de les mettre à l’honneur, nous rendant plus fortes, plus fières de nous-mêmes.

    Plus armées pour tracer notre chemin, en dehors de toutes influences.

    Réfutant l’appellation de « féministe » trop galvaudée, elle mettait les femmes en garde contre « l’universalisme égalitaire » : ceux et celles qui dénient le principe de réalité humaine qui permet la pensée, la différence des sexes ; pour réduire l’Humain au monosexué, au sexe unique, le masculin, comme par hasard…selon cette idéologie pernicieuse « toute femme qui acquiert une gloire, une visibilité, devient un homme » (Il y a Deux Sexes, éd de 2004).

    Je ne souscris pas à son analyse que le christianisme serait un « filiarcat » qui exclurait les femmes.(voir ouvrage ibid) Cependant, elle a dénoncé à juste titre l’androcentrisme des religions, laissant là un champ en partie inexploré dont nous nous sommes saisies ici.

    Aussi, nous pouvons nous sentir ses héritières en ne nous laissant accaparer par aucune sphère d’influence, asséner sans analyse aucun dogme, récupérer par aucun courant de pensée pré-formaté.

    Merci à cette grande dame de nous laisser indépendantes à tout jamais !

     

    Michelle .C. DROUAULT

     

    Antoinette Fouque,

    Petit historique ;  dates-clés du Mouvement des femmes.

    Naissance le 1er Octobre 1936 (née Grugnardi) à Marseille.

    1961/1964 : Etudiante, puis professeure à Paris,(elle écrit sa thèse sous la direction de Roland Barthes). Etudes supérieures de Lettres, doctorat en Sciences Politiques. Ecrit dans la Quinzaine Littéraire.

    1964, naissance de sa fille

    1968 :débute avec deux amies, Monique Wittig et Josiane Chanel, un mouvement non mixte le MLF, mouvement de libération des femmes, car le mouvement étudiant, trop « viriliste »,  laisse peu s’exprimer les femmes.

    Printemps 1970 : premier meeting public du MLF à Vincennes,

    26 Aout 1970 : 9 femmes issues de groupes féministes déposent symboliquement une gerbe à l’Arc de Triomphe sur la tombe de « la femme du soldat inconnu »

    Cette manifestation est souvent considérée à tort comme l’acte fondateur du MLF, mais il déclenche les échanges entre tous les courants féministes et de libération des femmes.

    1973 : création des éditions « Des Femmes », pour promouvoir l’expression artistique et culturelle des femmes,

    3 librairies « Des Femmes » sont ouvertes à Paris, Lyon, Marseille.

    6 Octobre 1979 : marche des femmes pour la liberté de la contraception et de l’IVG, pour le remboursement de l’IVG.

     

    1979 : Antoinette Fouque crée le groupe « Psychanalyse et Politique », qui s’oppose aux « féministes » (dont les « féministes révolutionnaires). Elle estime que celles-ci, dans le sillage de Simone de Beauvoir, dont elle ne conteste pas l’apport essentiel, veulent nier la spécificité féminine.

    « Egalité et différence ne sauraient aller l’une sans l’autre, ou être sacrifiées l’une à l’autre.

    Si on sacrifie égalité à différence, on revient aux positions réactionnaires des sociétés traditionnelles. Si on sacrifie la différence des sexes, avec la richesse dont elle est porteuse, à l’égalité, on stérilise les femmes, on appauvrit l’humanité toute entière ».

    Avec Antoinette Fouque : Hélène Cixous, Annie Leclerc, Luce Irigaray.

    Avec les « féministes révolutionnaires » Christine Delphy, Colette Guillaumin.

    Gisèle Halimi, de son côté, a fondé « Choisir », la cause des femmes.

     

    1980 : avec les femmes du MLF : création de l’hebdomadaire « des femmes en mouvements », puis du mensuel du même nom.

    En même temps, elle a l’idée d’une « bibliothèque des voix », les premiers audio-livres.

    1981 : campagne « d’initiative populaire » pour faire du 8 Mars une journée chômée et payée pour les femmes,

    8 Mars 1982 : grande manifestation pour l’indépendance politique, économique, et érotique des femmes,

    1986 : devient psychanalyste,

     

    1989 : fondation de « l’Alliance des Femmes pour la démocratie »

    1989 : création de l’Observatoire de la misogynie,

    8 Mars 1990 : Mise à l’honneur de 12 femmes exceptionnelles dans le monde, sous l’égide de l’Alliance des Femmes pour la Démocratie : , Doina CORNEA ;Simone ROZES ;Kanitha WICHIENCHAOREN ;Ela BHATT, Charlotte PERRAND ;Marta MESZAROS ;

    Maria Jimena DUZAN ; Molly YARD ; Jeannie LONGO ; Albertina SISULU pour Adélaîde TOMBO ; Yvonne CHOQUET BRUHAT ; ELENA BONNER .

    Au cours de cette cérémonie, sous la présidence d’honneur de Simone Veil, celle- ci plaide que « les femmes ne doivent pas oublier que l’objet de leur lutte est la reconnaissance de ce qu’elles sont ».

     

    1994/ 1999 : Antoine Fouque siège au Parlement Européen ; elle s’y bat, entre autres, contre la normalisation de la prostitution et la traite des femmes en Europe.

    1995 : parution  chez Gallimard de son livre « Il y a deux Sexes », essai de « féminologie », constitué d’articles, de débats et d’interviews publiés entre 1980 et 1995. Cette édition sera revue et augmentée en 2004.

    1995 : Vice-présidente de la Commission des Droits des Femmes ; déléguée de l’Union Européenne à la Conférence mondiale des femmes de Pékin.

    Parallèlement : directrice de recherche à l’Université Paris VIII St Denis,

    2000 : création de l’Observatoire de la parité.

    2007 : soutient la campagne de Ségolène Royal aux présidentielles,

    2013 : dictionnaire des Femmes Créatrices, fruit de 5 ans de travail collectif,

    Mort le 20 Février 2014.

     

    Distinctions : Commandeur de la Légion d’Honneur, grand Officier de l’Ordre National du Mérite, Commandeur des Arts et des Lettres.

     

     

     

     

     

     


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  • Nous terminons la traduction de la conférence que Juan Jose Tamayo a prononcée à l'inauguration d'une faculté consacrée à la théologie féministe au Salvador.

    On peut lire le texte original espagnol sur:http://www.adital.com.br/site/noticia.asp?lang=ES&cod=76112  

    et la traduction anglaise sur:

    http://iglesiadescalza.blogspot.fr/2013_06_30_archive.html

    Voici  la traduction française faite par Michelle C.Drouault

     

    CONFÉRENCE PRONONCÉE À L’INAUGURATION DE L’ECOLE DE THÉOLOGIE FÉMINISTE DE L’ASSOCIATION DES FEMMES CATHOLIQUES DU SALVADOR POUR LE DROIT À DÉCIDER

    San Salvador, 28 Juin 2013

     

    LA RÉBELLION DES FEMMES

    Dans les dernières décennies, nous avons assisté à une véritable rébellion des femmes dans la sphère des religions, tant au niveau personnel que collectif ; à l’intérieur des religions comme dans la société.

    -A un niveau personnel, elles ont consciemment transgressé les normes et les orientations en matière de sexualité, de relations de couple, de planification familiale, d’options politiques…

    -A l’intérieur des religions, elles ont créé des mouvements et des associations de femmes, qui exercent leur liberté d’organisation et fonctionnent de manière autonome, en marge des hommes, et se confrontent aux autorités religieuses,

    -Dans la société elles jouent une part activent dans les mouvements féministes et les organisations sociales, comme expression de la convergence des luttes pour l’émancipation des femmes, et comme manière de s’engager dans les secteurs où sont les plus vulnérables de la société.

    LA RÉBELLION DES FEMMES À L’INTÉRIEUR DES RELIGIONS CONSTITUE UN DES FAITS MAJEURS DE L’HISTOIRE DES RELIGIONS, d’une signification profonde, et qui a d’importantes répercussions politiques et sociales.

    Elle suppose une avancée de la lutte pour l’émancipation des femmes, et pour la libération des marginaux et des exclus.

    Par conséquent, la rébellion féministe des femmes croyantes doit compter sur l’appui des collectivités et des personnes religieuses ; mais aussi sur celui de tous les citoyens et citoyennes impliqué-es dans la lutte pour l’émancipation des peuples soumis à différentes formes d’oppression.

    L’INDIGNATION DES FEMMES CROYANTES CORRESPOND À LA SITUATION D’INDIGNITÉ DANS LAQUELLE ELLES SONT MAINTENUES dans la majorité des systèmes de croyance, des religions, et des mouvements spirituels.

    Fruit de cette rébellion, surtout cultivée par les femmes, une nouvelle manière de vivre et de penser la foi religieuse à partir de sa propre subjectivité, a surgi dans les différentes religions :

    LA THÉOLOGIE FÉMINISTE !

    -Elle part de l’expérience de souffrance, de lutte et de résistance des femmes contre la patriarcat et ses différentes manifestations,

    -Elle retrouve la mémoire des anciens qui ont travaillé pour faire avancer l’Histoire vers la liberté des opprimés, et pour l’émancipation des femmes de tout type de discrimination,

    -Elle réécrit l’histoire des religions dans une perspective de genre, en donnant une voix et une présence aux femmes silencieuses dans le patriarcat religieux,

    -Elle utilise les catégories des études sur le genre pour analyser de manière critique les structures patriarcales et les discours androcentriques des religions, et proposer une théologie alternative qui contribue à l’émancipation des femmes dans tous les domaines de leur existence.

    La théologie féministe n’est pas une théologie spécifique qui s’occupe thématiquement des questions relatives aux femmes, ni qui intéresse seulement les femmes, et qui serait élaborée par les femmes seules.

    Il s’agit d’une théologie fondamentale, qui veut donner raison à une foi en Dieu qui ne soit pas soumise à un modèle divin patriarcal, mais à l’enseignement de Jésus, et au mouvement égalitaire des femmes et des hommes qui ont décidé de le suivre.

    C’est une théologie de la libération, qui veut contribuer au salut de tous les opprimés, et à la transformation des structures religieuses hors du domaine masculin.

    C’est une théologie critique, qui recourt aux méthodes historico- critiques et à la théologie féministe, et utilise (ce qu’on peut appeler) « l’herméneutique de la suspicion » pour lire les textes fondateurs des religions dans une perspective de genre.

    L’ »herméneutique de la suspicion » s’étend aussi aux traductions et interprétations ; en majorité effectuées à partir de présupposés andro et anthropologico-centriques.

    Cette théologie reconnaît les femmes comme sujets religieux, moraux, et théologiques ; comme interlocutrices directes avec Dieu sans l’intermédiaire des hommes, et porteuses de grâce et de salut !

    Les théologies féministes se répandent dans la majorité des religions.

    A LA RÉVOLUTION FÉMINISTE, LA PREMIÈRE À CARACTÈRE PACIFIQUE DE TOUTE L’HISTOIRE, LE PATRIARCAT RÉPOND PAR LA VIOLENCE DE GENRE !

    A la théologie inclusive du genre, nombre de religions répondent par l’exclusion des femmes !

    CONCLUSION

    Au XIXème   siècle, les religions ont perdu la classe ouvrière* parce qu’elles se sont placées aux côtés des patrons qui exploitaient les ouvriers, et elles ont condamné les révolutions sociales qui luttaient pour une société plus juste et plus solidaire.

    Les travailleurs ont tourné le dos aux religions parce qu’ils se sont sentis trahis par elles, s’éloignant la plus part du temps du message égalitaire et solidaire des origines.

    Au XXème siècle, les religions ont perdu les jeunes et les intellectuels*, à cause de leurs positions philosophiques et culturelles intégristes, s’éloignant des nouveaux enjeux de la modernité.

    Si elles continuent dans la voie patriarcale dans laquelle elles cheminent actuellement,

    au XXIème  siècle, les religions perdront les femmes, jusqu’à présent leurs meilleures et plus fidèles adeptes.

    Sans la classe ouvrière, sans les jeunes, sans les intellectuels et sans les femmes, les religions seront arrivées à leur fin !

    Elles ne pourront rejeter la culpabilité de leur cuisant échec sur personne.

    Elles se seront fait « harakiri » !

    Pour un approfondissement de ces idées, voir :

    Juan José TAMAYO, «  Une autre théologie est possible, le pluriculturalisme religieux, l’interculturalité, et le féminisme », Barcelone 2012, 2éme édition, et plus spécialement le chapitre : « Une révolution féministe dans la théologie », p. 213 à 265.

     

    Notes de la traductrice :

    *1 Cela nous paraît surtout valable pour le christianisme catholique ; par ailleurs christianisme et islam ont légitimé longtemps l’esclavage.

    Cependant, on peut mettre un bémol avec le clergé catholique irlandais, qui a défendu en sous main les ouvriers irlandais contre l’oppression britannique, le clergé polonais qui a soutenu Solidarnosc.

     

    *2 L’islam chiite en Iran s’est attiré les intellectuels, l’islam sunnite en Algérie les jeunes.


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  • Nous continuons à publier la conférence que Juan Jose Tamayo a prononcée à l'inauguration d'une faculté consacrée à la théologie féministe au Salvador, le 28 Juin 2013.

    On peut lire le texte original espagnol sur:http://www.adital.com.br/site/noticia.asp?lang=ES&cod=76112  

    et la traduction anglaise sur:

    http://iglesiadescalza.blogspot.fr/2013_06_30_archive.html

    Voici  la traduction française faite par Michelle C.Drouault qui est aussi l’auteure de remarques en bas de page.

     

    Deuxième partie

    Les religions légitiment de multiples formes d’exclusion des femmes de la sphère publique, de la vie politique, de l’activité intellectuelle, du champ scientifique ; et limitent leurs fonctions à l’environnement domestique, la sphère privée, l’éducation des fils et filles, l’attention à l’époux, le soin aux malades et aux personnes âgées, etc.

    N’importe quel type de présence des femmes dans l’activité politique ou sociale est censé les éloigner de « l’identité féminine » (qu’est ce ?) et considéré comme un abandon de leur véritable champ de compétence et de travail, qui est le foyer ! Et ce avec la culpabilisation qui en découle…

    Au mieux, les religions défendent le postulat que les femmes peuvent se réaliser A LA FOIS au foyer et au travail ; ce qui ne s’applique jamais aux hommes.

     

    LA MAJORITÉ DES RELIGIONS DÉNIENT AUX FEMMES LA RECONNAISSANCE DE LEURS DROITS REPRODUCTIFS ET SEXUELS

    Les femmes ne sont pas maîtresses de leur propre corps, qui est contrôlé par les confesseurs, directeurs spirituels, époux, etc..

    On ne permet pas aux femmes de planifier leur famille : elles doivent enfanter les fils et filles que Dieu veut, que Dieu leur envoie ; ce ne sont pas elles qui décident librement.

    Elles ne peuvent avoir une sexualité en dehors des limites imposées par la religion (mariage, hétérosexualité).

    La pratique de la sexualité en dehors du mariage et avec des personnes de même sexe est interdite et souvent expressément condamnée.

    Elles sont considérées comme impures à cause des menstruations*1

    Si elles décident d’interrompre une grossesse, même lorsqu’elles le font suivant la loi civile de leur pays ; elles sont accusées d’être des pécheresses et des criminelles et les sanctions peuvent aller jusqu’à la prison (lorsqu’il existe une religion d’Etat, note de la traductrice).

    Les leaders religieux se rejoignent dans la condamnation et la criminalisation de l’avortement, par exemple le catholicisme et l’Islam.*2

    Les femmes ne peuvent utiliser de moyens contraceptifs ; elles sont alors accusées de « faire obstacle à la vie ».

    Les religions ont donc historiquement exercé différents types de violence, physique, symbolique, et religieuse, envers les femmes, et continuent de le faire.

    Certains textes sacrés (ou mythiques) le reflètent. Ils justifient parfois la punition physique des femmes, leur lapidation, l’offrande d’une femme en sacrifice pour tenir une promesse, pour apaiser la colère des dieux *3, le fait de tenir les femmes enfermées jusqu’à leur mort, de leur imposer silence, de ne leur reconnaître aucune autorité, de ne pas accepter leur témoignage à l’égal de celui d’un homme.*4

    Les pratiques religieuses viennent ratifier ces récits. On ne reconnaît pas aux femmes la présomption d’innocence ; elles sont au contraire présumées coupables jusqu’à preuve absolue de leur innocence. Ce sont elles qui succombent à la tentation et tentent les hommes, et pour tout cela, elles méritent d’être châtiées !

    Certains pères de l’Eglise ont considéré que les femmes étaient « la porte de Satan » ou « la cause de tous les maux ».

    Un théologien chrétien aussi influent que St Augustin d’Epone en arrive à affirmer que l’infériorité de la femme vient d’un ordre naturel.

    Un autre théologien aussi distingué en théologie chrétienne que Thomas d’Aquin, définit la femme comme « un homme imparfait ».

    Luther parle des femmes comme d’êtres faibles de corps et d’esprit pour avoir cédé à la tentation, et affirme que les femmes ont été créées sans autre but que de servir les hommes, et de leur servir d’ « aides ».

    La violence des hommes d’Eglise contre les femmes, y compris celle de saints comme Augustin d’Epone, est décrite avec toute sa crudité et son réalisme dans une scène du roman de Jostein Gaarder : « Vita Brevis » ; scène qu’on trouve dans la lettre envoyée par Floria Emilia à  Aurelio Augustin, avec qui elle avait vécu douze ans en concubinage :

    « Une après midi, alors que nous avions partagé de nouveau les plaisirs de Vénus, tu t’es retourné brusquement vers moi avec colère, et tu m’as frappée. Tu te souviens de m’avoir frappée ? Toi qui fus auparavant un éminent professeur de Rhétorique, tu m’as battue brutalement parce que tu t’étais laissé tenter par ma tendresse ! La culpabilité de ton désir retombait sur moi…Évêque, tu m’as battue et insultée parce que j’étais devenue une menace pour le salut de ton âme ! Tu as pris un bâton et tu m’as frappée de nouveau. J’ai pensé que tu voulais en finir avec ma vie (….) Mais je ne craignais pas pour ma vie ; j’étais seulement détruite, si déçue, et j’avais tellement honte pour toi que je me souviens clairement que je t’ai demandé de me tuer une fois pour toutes » (…)

    En plus de raconter l’agression dans les plus petits détails, Floria explique que ce n’est pas elle qu’Augustin a frappé, mais Eve, la Femme ; et elle se souvient, citant Publio Sirio que « celui qui se comporte injustement envers une personne en menace beaucoup d’autres »

    A la fin de la lettre, elle confesse à l’évêque Augustin, d’un ton dramatique qui se justifie : « Je me sens frissonner parce que je crains que ne viennent des temps où les femmes seront assassinées par des hommes de l’Eglise de Rome. » Elle poursuit en posant une interrogation terrifiante « mais pourquoi faudrait il les tuer, honorable évêque ? Pour que vous vous souveniez que vous avez renié votre âme même(…) et pour satisfaire qui ? Un dieu, dites-vous ? Celui qui a créé le firmament qui est au dessus de nous, et la terre sur laquelle vivent les femmes, qui vous donnent la lumière de la vie… »

    L’ancienne compagne d’Augustin dit aux hommes d’Eglise que si Dieu existe, il jugera pour leurs plaisirs ceux qui se sont détournés de Lui ; et il les jugera aussi pour avoir nié l’amour entre l’homme et la femme.

    Floria termine la lettre en disant à l’évêque que si c’est dans le but qu’elle se fasse baptisée qu’il lui a fait parvenir ses « Confessions », elle ne va pas lui donner cette satisfaction….

     

    CEPENDANT, LES FEMMES SONT LES PLUS FIDÈLES ADEPTES DES RELIGIONS

    Certains affirment que l’inclination des femmes pour la religion est innée, plus encore, génétique ! Que les femmes sont par nature plus crédules, et pour cela plus assidues dans leur engagement religieux.

    Aucune investigation dans le domaine génétique ne démontre cela.

    Il s’agit seulement d’un stéréotype, dont le but est de soumettre les femmes à des orientations religieuses restrictives et répressives. Ceux qui pensent ainsi oublient que traditionnellement ce sont les femmes à qui on a le plus inculqué les sentiments religieux.

    Il s’agit d’un processus induit, qui est le résultat d’une éducation et d’un apprentissage déterminé.

    Les femmes ont les meilleures courroies de transmission des enseignements religieux aux enfants dans la famille ; et aux enfants des deux sexes dans les espaces religieux, par le biais de l’éducation religieuse.

    Elles sont aussi les meilleures reproductrices de l’organisation patriarcale et de l’idéologie androcentrique, et celles qui pratiquent le plus les religions.

     

    A suivre, dernière partie et conclusion : LA REBELLION DES FEMMES

     

     

    Remarques de Michelle C.Drouault 

    *1

    On peut considérer que c’est exact dans les 3 monothéismes :

    judaïsme : notion de » pureté familiale », l’épouse ne peut avoir de relation intime avec  son mari que six à sept jours environ après la fin des règles, quand il ne reste plus aucune trace de sang dans ses linges, et qu’elle a pris un bain rituel ;

    christianisme catholique et parfois orthodoxe et copte : exclusion des femmes de la sphère de l’autel dans certaines paroisses,

    islam : la femme est considérée impure pendant la durée de ses règles, et ne doit pas dormir avec son mari, ni avoir de relation avec lui.

    *2

    Nous ne sommes pas entièrement d’accord.

    En effet, l’islam sunnite proscrit l’avortement SAUF dans le délai des trois premiers mois de grossesse (les douze semaines de la loi civile française), dans des cas très précis :

    Menace pour la vie ou la santé de la mère, handicap grave de la mère, malformation   fœtale incurable, viol ou inceste prouvés. L’avortement, certes est considéré comme un mal, mais si pour ne pas le commettre, on provoque un mal plus grand encore ? il revient à la conscience du croyant ou de la croyante de l’évaluer.

    *3

    Livre des Juges, Ancien Testament, chapitre 11, versets 29 à 40 : Jephté fait à Dieu la promesse de lui offrir en holocauste quiconque sortira en premier de sa maison s’il obtient la victoire contre ses ennemis ; or c’est sa fille chérie qui vient en premier au devant de lui…il la sacrifie, après lui avoir accordé sur sa demande deux mois de sursis…

    *4

    Le Coran rend le témoignage de l’homme égal à celui de deux femmes. ( Cependant il s’agit d’une seule référence, qui concerne les dettes et transactions financières, et qui est contredite par une autre, qui stipule que devant la loi islamique, les deux sexes ont la même égalité.) Cette unique référence est malheureusement beaucoup plus vulgarisée que l’autre…

     

     

         


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  • Un exemple parmi tant d'autres d'une réflexion théologique féministe:

    Voici la conférence que Juan Jose Tamayo a prononcé à l'inauguration d'une faculté consacrée à la théologie féministe au Salvador.

    On peut lire le texte original espagnol sur: http://www.adital.com.br/site/noticia.asp?lang=ES&cod=76112  

    et la traduction anglaise sur:

    http://iglesiadescalza.blogspot.fr/2013_06_30_archive.html

    Voici  la traduction française faite par Michelle C.Drouault

     

    CONFÉRENCE PRONONCÉE À L’INAUGURATION DE L’ECOLE DE THÉOLOGIE FÉMINISTE DE L’ASSOCIATION DES FEMMES CATHOLIQUES DU SALVADOR POUR LE DROIT À DÉCIDER

    San Salvador, 28 Juin 2013,

     

    Je souhaite exprimer ma reconnaissance à l’Association des femmes catholiques du Salvador pour le Droit à Décider, pour m’avoir invité à  faire cette conférence pour l’inauguration de l’Ecole de Théologie Féministe, qui se déroulera de Juillet à Décembre 2013 ; avec un programme structuré autour de 3 axes fondamentaux :

    - L’Histoire de la Théologie Féministe,

    - les Droits Humains des femmes, un compromis éthique et théologique

    - Sexualité et Corporalité.

     

    Cette invitation constitue pour moi un honneur et un défi :

    Un honneur, parce que je suppose avoir le privilège d’assister à la fondation d’une des expériences théologiques les plus prometteuses, la naissance de la première école de Théologie Féministe au Salvador ! Elle enrichira sans doute la théologie latino –américaine de la Libération par de nouveaux apports dans une perspective d’études sur le genre ;

    Un défi parce que cette conférence introductive fait une analyse critique de l’attitude des religions envers les femmes, et établit les bases d’une théologie féministe de libération ; élaborée à partir des théories féministes : le genre, le patriarcat, l’autonomie, la subjectivité, l’alliance entre les femmes, la violence de genre, etc.

     

    Je vais développer systématiquement 5 idées maîtresses pendant cette conférence :

    - Les religions ne se sont jamais bien entendues avec les femmes ; c’est vrai encore aujourd’hui

    -Les religions ont exercé sur les femmes des violences de toutes sortes : violence physique, psychologique, religieuse, et symbolique

    -Cependant, les femmes sont les personnes les plus fidèles aux préceptes religieux, les meilleures éducatrices dans les différentes fois religieuses qui existent ; et, pour aussi paradoxal que cela paraisse, les meilleures reproductrices de la structure patriarcale des religions

    -Mais le nombre de femmes qui se rebellent contre les religions va croissant ; et sans abandonner l’espace religieux, elles s’organisent de manière autonome et vivent l’expérience spirituelle à partir de leur subjectivité propre, sans avoir à passer par l’intermédiaire des hommes

    -De cette rébellion a surgi DANS TOUTES LES RELIGIONS une nouvelle forme de pensée, et une reformulation des croyances et des pratiques religieuses : la théologie féministe !

    Les femmes sont les éternelles oubliées et les grandes perdantes en matière de religion !

    Les femmes dans les religions ne sont pas reconnues comme sujets, mais considérées comme d’éternelles mineures qui ont besoin d’être conduites par des guides spirituels masculins pour acquérir le sens de ce qui est moral ; ont besoin qu’ils leur disent ce qui est bien et ce qui est mal, ce qu’elles peuvent et ne peuvent pas faire ; surtout en matière de sexualité, de relation de couple, et d’éducation des enfants.

    Les normes morales auxquelles se conformer pour les femmes sont la plus part du temps éloignées, pour ne pas dire contraires, aux orientations égalitaires des fondateurs des religions.

    Elles sont dictées par les hommes, qui les imposent comme des obligations absolues.

    Dans l’imaginaire religieux patriarcal représenté par les prêtres, imams, rabbins, lamas, pasteurs et maîtres spirituels ; les femmes sont considérées comme tentatrices, de conduite légère ; sans morale, etc.

    Cette image s’est élaborée à partir de textes déterminés piochés dans les livres sacrés écrits(et traduits) en langage patriarcal, et considérés comme valides en tout temps et en tout lieu, et lus avec une optique fondamentaliste et une mentalité misogyne.

    Les femmes ne sont quasiment jamais reconnues comme sujets religieux.

    Dans la majorité des religions, la divinité est masculine, et tend à être représentée seulement par des hommes*. Et, en conclut Mary Daly, »je crois certainement que « Si Dieu est un homme, alors, un homme, c’est Dieu ! ».

    Ainsi, les hommes se sentent une légitimité divine pour imposer leur omnipotente volonté aux femmes ; et le patriarcat religieux- Dieu, en définitive- légitime le patriarcat de la société.

    Et précisément parce que seuls les hommes peuvent représenter Dieu, seuls les hommes peuvent accéder au summum du sacré, au monde divin ; entrer dans le saint des saints, monter à l’autel, offrir le sacrifice ; diriger la prière communautaire à la mosquée ; présider le service religieux à la synagogue… (avec quelques exceptions de nos jours).

    Seuls les hommes peuvent accéder à la fonction sacerdotale dans l’Eglise catholique, ainsi que les imams dans l’Islam, et les rabbins dans le Judaïsme orthodoxe ; et ce SANS QU’AUCUN TEXTE SACRÉ EXCLUE LES FEMMES !

    Dans l’Eglise catholique, l’ordination sacerdotale de femmes est considéré comme un délit grave au même titre que la pédophilie ; l’hérésie ; l’apostasie. Et elle est punie de façon aussi sévère que la pédophilie : avec l’excommunication !*

    Dans l’Islam, la prière communautaire du vendredi dirigée par une femme est qualifiée par beaucoup de profanation du sacré.

    Dans l’Eglise catholique, les femmes peuvent consacrer leur vie à Dieu, mais elles ne peuvent représenter Dieu.

    Dans les mosquées, on a l’habitude de séparer les hommes des femmes (pour éviter quoi ?) ; elles sont reléguées dans la partie supérieure derrière un paravent ; et parfois elles doivent aussi entrer par une porte distincte de celle des hommes.*

    Les femmes sont difficilement reconnues comme sujets théologiques.

    Les institutions religieuses ont l’habitude de dresser aux femmes toutes sortes d’obstacles pour l’étude de la doctrine théologique, l’interprétation des textes sacrés, la réflexion sur la foi, etc.

    Et quand elles décident de penser la Foi, et qu’elles osent faire de la théologie à partir de leur expérience de souffrance et de lutte, et interpréter les textes de leurs religions respectives depuis leur subjectivité propre et leurs expériences de vie, on se met à les accuser d’entrer sur un terrain qui ne leur correspond pas, et de faire du subjectivisme ! Comme si les hommes n’étaient pas subjectifs dans leurs lectures et leurs interprétations !

    Dans la majorité des religions, la théologie est écrite avec des caractéristiques masculines.

    L’organisation des religions se conjugue la plus part du temps patriarcalement : tous les prêtres catholiques et tous les imams sont des hommes ; le Dalaï Lama est un homme, la majeure partie des rabbins et les lamas sont des hommes.

    Pour eux la religion pourrait se définir comme une patriarchie parfaite.

    Il y a heureusement des exceptions dans les églises de tradition protestante qui ordonnent des pasteures, des diaconesses ou des évêques qui sont des femmes.

    Une pratique qui devrait se généraliser pour en finir avec la discrimination de genre pour l’accès aux ministères ordonnés.

    Les femmes accèdent avec beaucoup de difficulté aux postes de responsabilité dans les communautés religieuses.

    De coutume, le pouvoir peut seulement être détenu par les hommes. Ce qui correspond aux femmes, c’est d’obéir aux ordres. Ce qui tend à être justifié par le discours androcentrique des religions qui en appellent à la volonté divine : c’est Dieu qui transmet le pouvoir et l’autorité aux hommes. Dans le cas du christianisme, on en appelle à Jésus pour fermer le chemin de l’ordination sacerdotale des femmes. Le pape vient de l’affirmer dans une interview libre avec le journaliste Peter Seewald : »ce n’est pas que nous ne voulons pas ordonner de femmes ; ce n’est pas que cela ne nous plait pas. C’est que NOUS NE LE POUVONS PAS, parce que le Christ l’a établi ainsi, il a donné à l’Eglise le symbole des Douze Apôtres, et ensuite, pour leur succéder, les évêques et les prêtres. »

    En d’autres mots, on ordonne à la fonction de prêtre les seuls hommes.

    Le machisme pur et dur, et la lecture androcentrique de la Bible pour légitimer l’organisation patriarcale de l’Eglise !

    Et je me demande : les églises chrétiennes, chaque jour plus nombreuses, qui ordonnent des femmes, et leur reconnaissent des fonctions sacerdotales et épiscopales ; elles ont en train de transgresser le mandat du Christ ; ou bien elles appliquent dans leurs communautés le principe évangélique et démocratique d’égalité entre les hommes et les femmes ?

    Avec à la main la Bible chrétienne, et à partir d’une herméneutique de genre, il faut dire :

    a)    que ce qui met en marche Jésus de Nazareth, ce n’est pas une église hiérarchisée et patriarcale comme l’Eglise actuelle, mais un mouvement égalitaire d’hommes et de femmes,

    b)    que Jésus de Nazareth n’a ordonné personne ; ni hommes ni femmes. Tout au contraire : il a exclu expressément de la nouvelle religion le sacerdoce, et a éliminé le Temple comme lieu de culte, proposant comme alternative l’adoration « en esprit et en vérité ».

    c)     le Christianisme, comme le dirait lucidement Diez Alégria, est une religion éthique, prophétique, non ontologico-culturelle.

    Avec à la main l’histoire de l’Eglise, et diverses investigations archéologiques, on peut affirmer que durant plusieurs siècles, les femmes ont exercé des fonctions sacerdotales et épiscopales.

    Ce n’est pas l’Histoire, pour l’Eglise « maîtresse de la vie » ?

    * 1 (divinité représentée par un homme) = sauf dans l'hindouisme, où plusieurs divinités sont féminines*2  = exclusion de tous les sacrements

     

     

     

     

     


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  • Bushra Almutawakel, est une photographe Yéménite qui vit et travaille à Sanaa.

    Née en 1969, elle est diplômée de l’Université d’Atlanta, en Géorgie, USA.

    Elle a travaillé pour des organisations internationales et humanitaires, avant de se consacrer à son propre travail photographique.

    En 1990, elle a été la première femme photographe au Yémen.

     

    A travers la photo,  le but de cette artiste est le questionnement des normes.

    Elle cherche à provoquer des débats sur les normes sociales. Ses images questionnent les manières dont les peuples les jugent, et ce qu’ils en font.

    Les questions d’identité sont un enjeu central de son travail.

    Ses principales œuvres sont : « Disparition » (2009), série de photos désormais devenues célèbres ; et récemment « What If », une autre série qui interroge le costume en fonction du genre des individus

    http://www.slate.com/blogs/behold/2012/11/29/boushra_almutawakel_photographingvariations_of_the_veil_photos.html

    http://www.slate.fr/grand-format/cinquante-nuances-de-voile-65983

     

     

    Le travail de Bushra m’a beaucoup intéressée, parce qu’il aborde la question du voile d’une façon particulière. On lui a reproché de critiquer et de défendre le voile, tout ensemble.

    Mais c’est plus complexe.

    Dans une de ses interviews, elle explique que « beaucoup de gens en Europe sont persuadés que les femmes voilées sont opprimées, arriérées, et non éduquées ; et c’est absolument faux ! »

    Ce qu’elle estime abusif, c’est de couvrir les petites filles (« il n’existe aucune recommandation à ce sujet dans l’Islam », précise-t-elle), ou les costumes de niqab qui ne laissent voir que les yeux, ou pire, obturent aussi le regard des femmes.

    Ne pas pouvoir voir les lèvres de celle qui parle, ou son regard, est pour elle une amputation, un effacement dramatique.

    Son approche de la dissimulation, du masque, est intéressante : elle établit un parallèle entre le voile intégral et le maquillage épais et stéréotypé en Europe : dans les deux cas, une femme est dissimulée derrière un masque social.

    A titre personnel, elle préfère les voiles traditionnels de couleur bariolée, qui ne couvrent pas totalement la chevelure ; et ont plutôt une connotation culturelle.

    Cependant, la loi française sur le voile intégral lui est apparu comme une interférence avec les droits humains de chaque individu de se couvrir ou se découvrir comme il (ou elle) veut, et de se vêtir à sa convenance.

    C’est aussi ainsi que je l’avais ressenti, et ma position avait énormément de difficulté à se faire entendre en France, tant les stéréotypes sur les Musulmans sont prégnants.

     

    L’humour de Bushra n’est pas compris de tout le monde.

    Elle interroge les normes de genre par une attitude ludique, en bousculant les attentes du spectateur.

    Sa deuxième série a été très mal comprise en Occident : certains croyaient qu’elle souhaitait le port du voile pour les hommes aussi !!!

    Pour le moment, elle travaille sur les poupées ; la poupée « Fulla », homologue orientale de la poupée Barbie, qui porte une garde-robe d’abayas, de hijabs, et de costumes traditionnels orientaux. A travers une poupée, dit-elle, on peut faire passer beaucoup de messages et de questions.

    Bienvenue à Bushra Amultawakel dans la ronde des femmes créatrices !


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  • Le mercredi 18 avril 2012, le Vatican avait décidé une réforme complète de la Conférence des religieuses des États-Unis, la Leadership Conference of Women Religious, (LCWR) l’organisme rassemblant plus des 80% des sœurs vivant aux États-Unis (plus de 50 000 membres).

    La Congrégation pour la Doctrine de la Foi du Vatican reprochait notamment aux sœurs de trop « axer leurs travaux sur la pauvreté et l’injustice économique » et leur  » absence de soutien aux enseignements de l’Église sur l’ordination des femmes et sur l’homosexualité. » Elle déplorait aussi « leur silence » concernant le droit à la vie de sa conception à la mort naturelle. De fait, le soutien des religieuses à la réforme de la santé du président démocrate qui comprend tout un volet de médecine reproductive et contraceptive – n’est certainement pas étranger à leur recadrage.

    Comment allaient-elles réagir ? Elles se sont retrouvées cette été et forte du soutien d’une grande partie de la population des USA, elles ont décidé, certes de rencontrer l’évêque délégué par Rome mais sans  aucune soumission,  elles gardent le cap fondé sur leur fidélité à l’Evangile et ont même la prétention de faire comprendre à Rome les raisons de leurs options !

     

    Pour prendre la mesure des options de ces religieuses américaines, vous pouvez  aller voir la vidéo du discours de Sr Simone Campbell, lors d’un meeting démocrate. C’est en anglais mais la traduction française est en dessous. Quelle fougue. C’est un moment de bonheur de voir l’engagement de cette religieuse, sa joie, son audace. Ce discours a été mis en ligne grâce au site du Comité de la Jupe que nous avons mis en lien de notre blog.

     http://www.comitedelajupe.fr/dans-la-presse/avec-soeur-simone-campbell-les-religieuses-sortent-de-l%E2%80%99ombre/

     

    Ci-dessous, vous trouverez aussi l’intégralité du discours de la Présidente de la LCWR, Sr Pat Farrel : un texte magnifique.

    Voici un extrait pour vous donner envie de tout lire :

    « Nous pouvons vivre dans la joie de l’espérance parce qu’il n’y a pas d’herbicide

    politique ou ecclésiastique qui puisse étouffer le mouvement de l’Esprit de Dieu. Notre

    espérance est dans la puissance de Dieu, une puissance absolument impossible à endiguer.

    Et c’est ainsi que nous vivons l’espérance joyeuse, prêtes à être de mauvaises herbes toutes

    tant que nous sommes. Nous vivons de la puissance de la mort et de la résurrection de Jésus.

    Je garde au coeur une expression de cette foi, qui remonte à l’époque de la dictature au

    Chili : Pueden aplastar algunas flores, pero no pueden detener la primavera. Ils peuvent

    écraser quelques fleurs, mais ils ne peuvent pas retarder le printemps. »

     

     

    Les virages et l’art de naviguer

    Pat Farrell, OSF

    Allocution de la présidente, Assemblée 2012 de la LCWR

    L’allocution que je vais vous donner n’est pas celle que j’avais imaginée. Après la sérénité

    contemplative de notre assemblée de l’été dernier, j'envisageais simplement de développer,

    du point de vue de la vie religieuse contemporaine, certains aspects de la nouveauté que

    Dieu continue de susciter. De fait, la nouveauté s’est imposée à nous. Mais je ne pensais pas

    vraiment à l’évaluation doctrinale.

    Il s’est manifestement produit un virage ! Un mouvement important dans l’Église, dans le

    monde, a atterri chez nous. Nous vivons un temps de crise, ce qui est déjà porteur d’espoir.

    Notre conférencière principale Barbara Marx Hubbard l’a bien montré, la crise précède la

    transformation. Il semblerait qu’une transformation ecclésiale, voire une transformation

    cosmique, cherche à percer. L’évaluation doctrinale que nous avons reçue nous donne

    l’occasion d’y contribuer. Nous n’avons pas recherché cette controverse. Mais je ne pense

    pas qu’elle nous soit arrivée par hasard. La visite apostolique a galvanisé la solidarité parmi

    nous. Notre réflexion sur la vie contemplative a fait mûrir notre profondeur spirituelle. Ce

    sera bientôt le 50e anniversaire de Vatican II. Pour nous qui avons pris à coeur le Concile et

    qui avons été façonnées par lui, c’est très important ! Autant de signes qui nous font

    reconnaître avec une clarté émouvante que nous vivons une heure bien différente. Je vois

    que ma prière, ces jours-ci, prend souvent la forme des lamentations. Oui, un déplacement

    s’est produit ! Et nous voici dans l’oeil d’un cyclone ecclésial, sous les projecteurs, un micro

    planté devant nous. À quoi sommes-nous invitées, où est l’occasion à saisir, la responsabilité

    à prendre? Notre énoncé de mission nous rappelle que le temps qui nous est donné est

    sacré, que l’autorité dont nous sommes investies est un don et que les défis qui se

    présentent sont des grâces.

    Je pense que ce serait une erreur d’accorder une importance démesurée à l’évaluation

    doctrinale. Nous ne pouvons pas la laisser accaparer une trop grande part de notre temps et

    de notre énergie, nous distraire de notre mission. Ce n’est pas la première fois qu’une forme

    de vie religieuse heurte l’Église institutionnelle. Et ce ne sera pas non plus la dernière. Nous

    avons vu une visite apostolique, la Commission Quinn, l’intervention du Vatican à la CLAR et

    chez les Jésuites. Plusieurs des fondateurs et des fondatrices de nos instituts ont dû lutter

    longuement pour obtenir la reconnaissance canonique. Certaines, certains ont même été

    réduits au silence ou excommuniés. Quelques-uns, comme Mary Ward et Mary McKillop,

    furent ensuite canonisées. Il y a une tension existentielle inhérente aux rôles

    complémentaires de la hiérarchie et des religieux, et il est peu probable qu’elle disparaisse.

    Dans un monde ecclésial idéal, ces différents rôles sont assumés sous une tension créatrice,

    dans le respect et l’appréciation mutuels, en un contexte de dialogue ouvert, pour

    l’édification de l’Église universelle. L’évaluation doctrinale semble indiquer que nous ne

    vivons pas aujourd’hui dans un monde ecclésial idéal.

    Je pense aussi que ce serait une erreur de sous-estimer l’importance de l’évaluation

    doctrinale. L’impact historique de ce que nous vivons est évident pour chacune de nous. Il

    ressort du soin avec lequel les membres de la LCWR ont su réagir et ne pas réagir, en

    s’efforçant de parler d’une seule voix. Nous l’avons perçu lors d’entretiens privés avec des

    prêtres et des évêques inquiets. Cela transparaît dans la vague d’appuis que nous recevons

    de nos frères religieux et des laïcs. De toute évidence, ils partagent notre inquiétude devant

    l’intolérance face aux opinions divergentes de personnes dont la conscience est éclairée, ou

    devant le rôle étriqué qu’on continue de réserver aux femmes. Voici quelques extraits de

    l’une des nombreuses lettres que j’ai reçues : « Je vous écris parce que j’observe ce qui se

    passe à ce moment charnière dans l’histoire spirituelle de notre planète. Je crois que tous les

    fidèles catholiques se doivent de se joindre à vos efforts et qu’il faut traiter cette crise

    comme le catalyseur qui déclenchera au 21e siècle un débat ouvert en lâchant un courant

    d’air frais sur toutes les verrières du pays. » Oui, les enjeux sont considérables. Dans tout

    cela, nous ne pouvons qu’avancer dans la véracité et dans l’intégrité. Espérons que nous

    saurons le faire dans un esprit qui contribuera au bien de la vie religieuse partout dans le

    monde et à la guérison de l’Église fragmentée que nous aimons tant. Ce n’est pas simple.

    Nous sommes sur la corde raide. Heureusement, nous avançons ensemble.

    À la lumière de la communication de Barbara Marx Hubbard, il est facile de voir dans ce qui

    se joue à la LCWR le microcosme d’un monde en évolution. Niché dans le vaste changement

    de paradigme en cours aujourd’hui. L’effondrement et la percée cosmiques que nous visons

    nous offrent un contexte plus large. Nombre d’institutions, de traditions et de structures

    semblent se dessécher. Pourquoi? Je pense que les assises philosophiques de notre façon

    d’organiser la réalité ne tiennent plus. La famille humaine est mal servie par l’individualisme,

    le patriarcat, l’obsession de la rareté ou la concurrence. Le monde fait éclater les structures

    dualistes (supérieur/inférieur, gagner/perdre, bon/mauvais, domination/soumission).

    Émergent à leur place l’égalité, la communion, la collaboration, la synchronicité,

    l’expansivité, l’abondance, l’intégrité, la mutualité, l’intuition et l’amour. Ce virage, quoique

    douloureux, est une bonne nouvelle ! Il annonce un avenir porteur d’espérance pour notre

    Église et notre monde. Élément naturel du progrès de l’évolution, il ne nie et ne sous-estime

    aucunement ce qui a précédé. Et il n’y a pas lieu non plus de craindre les mouvements

    cataclysmiques de la spirale du changement autour de nous. Il suffit de prendre conscience

    de ce mouvement, de s’y glisser et de se laisser porter par lui. En fait, toute la création gémit

    dans les douleurs d’un grandiose enfantement. L’Esprit de Dieu continue de planer sur le

    chaos. Ce qu’exprime le poème bien connu de Christopher Fry :

    Le coeur humain est capable d’aller jusqu’au bout avec Dieu.

    Il peut faire froid, il peut faire nuit

    Mais ce n’est pas l’hiver.

    La glace de la misère des siècles se fissure, se brise, se met en marche.

    Le tonnerre qui gronde est celui de la banquise.

    Le dégel, le déluge, l’éclosion du printemps.

    Dieu soit loué, ce temps est à nous:

    Le mal se dresse devant nous de toutes parts

    Il ne partira pas que lorsque nous aurons osé

    Faire le plus grand pas spirituel qu’on ait jamais fait :

    L’enjeu est désormais à la mesure de l’âme.

    Le projet, c’est l’exploration de Dieu… Christopher Fry – A Sleep of Strangers

    J’aimerais vous suggérer quelques façons de naviguer à travers les changements grands et

    petits que nous connaissons. Depuis l’avenir, Dieu nous appelle. Je suis convaincue qu’on est

    en train de nous préparer à une nouvelle irruption du Règne de Dieu. Qu’est-ce qui peut

    nous y préparer? Peut-être trouvons-nous des réponses dans notre ADN spirituel. Des outils

    qui nous ont servi pendant des siècles sont encore, me semble-t-il, une boussole capable de

    nous guider aujourd’hui. Examinons-en quelques-uns, un par un.

    1. Comment naviguer? Grâce à la contemplation

    Comment pourrions-nous aller de l’avant sinon en partant d’une prière profonde? Nos

    vocations, nos existences commencent et culminent dans le désir de Dieu. Pendant toute

    une vie, nous avons été attirées par l’union au mystère divin. La Présence est notre véritable

    demeure. Le chemin de la contemplation, que nous avons suivi ensemble, est la voie la plus

    sûre vers l’obscurité à travers laquelle Dieu nous guide. Dans l’impasse, seule la prière crée

    l’espace où puisse émerger ce qui veut se manifester. Nous sommes aujourd’hui dans

    l’impasse. Il nous faut recueillir notre sagesse collective. Elle germe dans le silence, comme

    nous l’avons vu pendant les six semaines qui ont suivi la publication du mandat de la

    Congrégation pour la doctrine de la foi. Nous attendons que Dieu sculpte en nous un savoir

    plus profond. Nous prions avec Jan Richardson :

    Tu nous évides, Seigneur, pour que nous puissions te porter, et tu ne cesses de nous

    combler pour nous vider à nouveau. Adoucis nos espaces intérieurs et rends-les

    vigoureux pour que nous puissions t’accueillir avec moins de résistance et te porter

    avec plus de profondeur et de grâce.

    Voici une image de la contemplation : 1 la prairie. Les racines de l’herbe des prairies sont

    extraordinairement profondes. L’herbe des prairies enrichit la terre. C’est elle qui produit le

    sol fertile des Grandes Plaines. Les racines profondes font respirer le sol et se décomposent

    en un humus aussi riche que fécond. Remarquez qu’une prairie en bonne santé doit être

    incendiée régulièrement. 2 Elle a besoin de la chaleur du feu et de la combustion de l’herbe

    pour faire remonter à la surface du sol les nutriments des racines profondes, qui

    alimenteront les nouvelles pousses. Ce brûlis me rappelle une autre image. Il y a en Australie

    une sorte d’eucalyptus dont la graine ne peut germer que lors d’un incendie de forêt. La

    chaleur intense fissure la coque de la graine et lui permet de se développer. Peut-être y a-t-il

    aussi en nous de profonds replis de notre être qui ne peuvent être activés que lorsque nous

    sommes dépouillées de couches plus superficielles. Nous sommes émondées et purifiées

    dans la nuit obscure. La contemplation et le conflit nous meulent tel un paillis pour nous

    rendre fécondes. Et comme l’incendie de la prairie fait remonter à la surface l’énergie

    emmagasinée dans les racines, la contemplation nous pousse à l’action fructueuse. C’est le

    semis, la pépinière de la vie prophétique. Dieu s’en sert pour nous façonner et nous affermir

    en vue de ce qu’il faut aujourd’hui.

    2. Comment naviguer? D’une voix prophétique

    La vocation à la vie religieuse est par nature prophétique et charismatique, elle offre un style

    de vie alternatif à celui de la culture dominante. L’appel de Vatican II, que nous avons

    entendu et suivi si consciencieusement, nous exhortait à répondre aux signes de notre

    temps. Pendant cinquante ans, les religieuses des États-Unis ont essayé de le faire, d’être

    une voix prophétique. Rien ne garantit, toutefois, que nous puissions être prophétiques du

    seul fait de notre vocation. La prophétie est à la foi un don de Dieu et le fruit d’une ascèse

    rigoureuse. Il faut que notre enracinement en Dieu soit assez profond et notre lecture du

    réel assez claire pour devenir voix de la conscience. Il est habituellement facile de

    reconnaître la voix prophétique authentique. Elle a la fraîcheur et la liberté de l’Évangile :

    ouverte, elle prend le parti des sans-droits. La voix prophétique ose la vérité. On l’entend

    souvent dans la remise en question de l’autorité établie, dans le dévoilement de la

    souffrance humaine et des besoins restés sans réponse. Elle conteste les structures qui

    excluent les uns au profit des autres. La voix prophétique appelle à l’action et au

    changement.

    En considérant de nouveau les virages grands et petits de notre temps, à quoi ressemblerait

    une réponse prophétique à l’évaluation doctrinale? Je pense qu’elle serait humble, mais

    sans servilité; enracinée dans la conviction de ce que nous sommes, mais sans pharisaïsme;

    sincère, mais dans la douceur et sans aucune crainte. Elle poserait des questions pertinentes.

    Sommes-nous invitées à un émondage nécessaire, et y serions-nous ouvertes? Cette

    évaluation doctrinale traduit-elle une inquiétude ou veut-elle être une reprise en mains?

    L’inquiétude naît de l’amour et appelle à l’unité. La reprise en mains par la peur et

    l’intimidation serait un abus de pouvoir. La légitimité institutionnelle que nous confère la

    reconnaissance canonique nous permet-elle de vivre de manière prophétique? Nous donnet-

    elle la liberté de poser les questions que se posent des consciences éclairées? Sait-elle

    accueillir les réactions d’une Église qui prétend respecter le sensus fidelium, le sens des

    fidèles? Comme le dit Bob Beck, « un corps social qui ne dispose pas de mécanisme pour

    enregistrer le dissentiment est comme un organisme qui ne sentirait pas la douleur. Il n’a

    aucun moyen de capter les réactions qui indiquent que ça ne va pas. Par ailleurs, un corps

    social qui ne vit que du dissentiment est aussi dysfonctionnel qu’un organisme en état de

    douleur constante : les deux ont besoin de soins. »

    Quand je pense à la voix prophétique de la LCWR, je me rappelle notamment la déclaration

    sur le discours civil de notre assemblée de 2011. Dans le contexte de l’évaluation doctrinale,

    elle prend à mes yeux une tout autre portée. Saint Augustin a décrit ce que doit comporter

    le discours civil : « De part et d’autre, renonçons à l’arrogance. Ne prétendons, ni les uns ni

    les autres, avoir déjà découvert la vérité. Cherchons ensemble quelque chose que nous ne

    connaissons pas. Car ce n’est que de cette façon que nous pouvons chercher, dans l’amour

    et la tranquillité, sans l’orgueilleuse présomption de la découverte et de la possession. »

    De même, à quoi ressemblerait une réponse prophétique aux grands changements de

    paradigmes de notre époque? J’espère qu’elle comporterait à la fois de l’ouverture et une

    pensée critique, tout en nourrissant l’espérance. Nous pouvons revendiquer l’avenir que

    nous désirons et agir en conséquence dès maintenant. Il y faut la discipline de choisir sur

    quel objet concentrer notre attention. Si, comme le suggère la neurologie, notre cerveau

    reçoit tout ce sur quoi nous nous concentrons comme une invitation à le faire advenir, les

    images et les visions avec lesquelles nous vivons revêtent une grande importance. Nous

    devons donc engager activement notre imagination pour qu’elle façonne des visions

    d’avenir. Rien de ce que nous faisons n’est insignifiant. La moindre décision courageuse,

    consciente, peut contribuer à la transformation du tout. Ce sera, par exemple, le choix

    d’investir notre énergie dans ce qui nous paraît le plus authentique, et de cesser de nous

    investir dans ce qui ne l’est pas. Ce genre d’intentionnalité est ce que Joanna Macy appelle

    l’espérance active. Elle est à la fois créatrice et prophétique. Dans la difficile période de

    transition que nous traversons, l’avenir a besoin de notre imagination et de notre espérance.

    Pour reprendre les mots du poète français Edmond Rostand, « C’est la nuit qu’il est beau de

    croire à la lumière; il faut forcer l’aurore à naître en y croyant. »

    3. Comment naviguer? Dans la solidarité avec les marginalisés

    Nous ne pouvons vivre une vie prophétique sans être proches de ceux et celles qui sont

    vulnérables et marginalisés. Avant tout, c’est là notre place. Notre mission consiste à nous

    donner dans l’amour, en particulier à ceux qui sont le plus dans le besoin. C’est ce que nous

    sommes en tant que religieuses. Mais en outre, le point de vue des marginaux est un lieu

    privilégié de rencontre avec Dieu, qui a toujours préféré les exclus. Il y a une sagesse

    précieuse à glaner de ceux et celles qui vivent dans la marge. Les êtres humains vulnérables

    nous mettent plus étroitement en contact avec la vérité de notre condition humaine, avec

    son désordre et ses limites, sa fragilité, son incomplétude et ses inévitables difficultés. Faite

    dans ce milieu, l’expérience de Dieu en est une de miséricorde absolument gratuite et

    d’amour libérateur. Les gens qui vivent dans la marge sont moins capables et moins soucieux

    de sauver les apparences, et ils ont souvent le don d’appeler les choses par leur nom. Le fait

    de vivre parmi eux peut nous aider à nous situer dans la vérité sans nous bercer d’illusions.

    Nous avons besoin de voir ce qu’ils voient pour devenir des voix prophétiques pour notre

    monde et notre Église en même temps que nous nous efforçons d’équilibrer notre vie à la

    périphérie avec notre fidélité au centre.

    Collectivement, les religieuses ont une expérience aussi vaste que variée du ministère dans

    la marge. N’avons-nous pas eu le privilège de nous tenir avec les populations opprimées? Ne

    nous ont-elles pas enseigné ce qu’elles ont dû apprendre pour survivre : la résilience, la

    créativité, la solidarité, l’énergie de la résistance et la joie? Ceux et celles qui vivent la perte

    jour après jour peuvent nous apprendre à vivre le deuil et à lâcher prise. Ils nous font aussi

    comprendre à quel moment il ne suffit plus de lâcher prise. Il y a des structures d’injustice et

    d’exclusion qu’il faut démasquer et éliminer systématiquement. Voici une image de

    démantèlement actif. Ces photos ont été prises à Suchitoto, au Salvador, le jour de la

    célébration des accords de paix. 4 5 Ce matin-là, les gens sont venus de chez eux avec des

    marteaux piqueurs et ils ont entrepris d’abattre les bunkers, de démanteler la machinerie de

    la guerre. 6

    4. Comment naviguer? Grâce à la communauté

    Les religieuses ont pu prendre plusieurs virages au fil des années parce qu’elles ont navigué

    ensemble. Nous sommes les unes pour les autres une grande force ! 7 Au cours des

    cinquante dernières années, depuis Vatican II, notre vie communautaire a changé de

    manière spectaculaire. Ça n’a pas été facile, et la situation continue d’évoluer, car aux États-

    Unis nous devons relever le défi de faire communauté au sein d’une culture individualiste.

    Néanmoins, nous avons appris de précieuses leçons.

    Nous qui assumons des fonctions d’autorité devons constamment relever le défi de

    respecter un large éventail d’opinions. Nous avons beaucoup appris sur la vie

    communautaire dans la diversité et sur la célébration des différences. Nous en sommes

    venues à faire confiance aux opinions divergentes qui nous ouvrent une voie puissante vers

    une plus grande clarté. Notre engagement envers la communauté nous oblige à le faire, car

    c’est ensemble que nous recherchons le bien commun.

    Nous sommes réellement passées, dans nos congrégations, d’un mode de vie hiérarchisé à

    un modèle plus horizontal. C’est vraiment étonnant, surtout si on se rappelle la rigidité que

    nous avions connue. Les structures de participation et les modèles de gouvernement en

    collaboration que nous avons élaborés ont été libérateurs [empowering] et porteurs de vie.

    Ces modèles pourraient bien être le don, le cadeau que nous avons à offrir aujourd’hui à

    l’Église et au monde.

    L’évolution de notre expérience communautaire nous a amenées à modifier notre façon de

    comprendre l’obéissance. Voilà qui revêt pour nous une importance primordiale au moment

    de discerner notre façon de réagir à l’évaluation doctrinale. Comment en sommes-nous

    venues à comprendre ce que signifie l’obéissance libre et responsable? Une réponse intègre

    au mandat doit naître de notre façon de comprendre ce qu’est la fidélité créatrice. La

    Dominicaine Judy Schaefer a remarquablement articulé les fondements théologiques de ce

    qu’elle appelle « l’obéissance en communauté » ou « l’attention des disciples ». Ces

    catégories reflètent l’expérience postconciliaire que nous avons faite du discernement et de

    la prise de décision communautaires comme formes d’obéissance dans la fidélité. « Ce n’est,

    dit-elle, que lorsque toutes participent activement à l’écoute active que la communauté peut

    être assurée qu’elle est restée ouverte et obéissance à la plénitude de l’appel et de la grâce

    de Dieu à chaque instant de son histoire. » N’est-ce pas ce que nous avons fait dans cette

    assemblée? La communauté est encore une boussole au service de notre navigation. Notre

    monde a changé. Je célèbre la chose avec vous en reprenant un poème d’Alice Walker, tiré

    d’un ouvrage intitulé Hard Times Require Furious Dancing [Les temps difficiles appellent une

    danse frénétique] :

    Le monde a changé

    Le monde a changé :

    Éveillez-vous et respirez

    tout ce qui est devenu possible.

    Le monde

    a changé :

    Il n’a pas changé

    sans vos prières,

    sans votre détermination

    à croire

    en la libération

    et en la bonté;

    sans votre danse

    à travers

    toutes ces années

    où il n’y avait pas

    de rythme.

    Le monde a changé :

    Il n’a pas changé

    sans votre présence,

    votre amour sauvage

    de vous-mêmes

    et du cosmos,

    il n’a pas changé

    sans votre force.

    Le monde a changé :

    Éveillez-vous !

    Faites-vous le cadeau

    d’un jour

    nouveau.

    8

    5. Comment naviguer? Sans violence

    L’effondrement et la percée d’un changement de paradigme massif forment un processus

    violent. Ce processus appelle la force intérieure d’une réponse non violente. Jésus est en

    cela notre modèle. Son inclusivité radicale a eu de graves conséquences. Il fut rejeté

    violemment parce qu’il menaçait l’ordre établi. Mais il n’y a personne qu’il ait déclaré son

    ennemi et il a aimé ceux qui le persécutaient. Jusque dans la défaite apparente de la

    crucifixion, Jésus n’est jamais devenu victime. Il s’est tenu devant Pilate en affirmant qu’il

    avait le pouvoir de donner sa vie, et que personne ne la lui arrachait.

    À quoi ressemble donc la non-violence pour nous? Ce n’est certainement pas la passivité de

    la victime. Elle nous pousse à résister, au lieu de collaborer avec le pouvoir abusif. Mais elle

    suppose qu’on accepte la souffrance au lieu de la refiler à d’autres. Elle refuse d’humilier, de

    condamner, de menacer ou de diaboliser. En fait, la non-violence exige de nous que nous

    apprivoisions notre part d’ombre et de fragilité au lieu de la projeter sur autrui. Ce qui nous

    renvoie à l’unité fondamentale qui nous relie les unes aux autres, même en situation de

    conflit. La non-violence est créatrice. Elle refuse d’accepter les ultimatums et les prétendues

    impasses sans faire appel à l’imagination pour les recadrer. Le cas échéant, j’ai bon espoir

    que nous saurons reconnaître le comportement dommageable et y résister sans rendre le

    mal pour le mal. Nous pouvons absorber un certain niveau de négativité sans en faire un

    drame, en choisissant de prévenir l’escalade et les coups en retour. Ce que j’espère, c’est

    qu’un certain niveau de violence au moins s’arrêtera grâce à nous.

    Voici un paratonnerre. 9 La foudre, la décharge électrique provoquée par le choc des

    masses d’air froid et d’air chaud, peut détruire pratiquement tout ce qu’elle frappe. 10 Le

    paratonnerre protège en attirant la décharge, en la canalisant et en la dirigeant vers le sol.

    Le paratonnerre ne retient pas l’énergie destructrice, mais lui permet de plonger vers la

    terre pour s’y transformer. 11

    6. Comment naviguer? En vivant la joie de l’espérance

    L’espérance joyeuse est la caractéristique du disciple authentique. Nous attendons un

    avenir plein d’espérance face à tout ce qui semble annoncer le contraire. L’espérance nous

    rend attentives aux signes de l’avènement du Règne de Dieu. Jésus décrit le règne à venir en

    prenant la parabole de la graine de moutarde.

    Arrêtons-nous un instant à considérer ce que nous savons de la moutarde. Même si on peut

    en faire la culture, la moutarde est une plante envahissante, une mauvaise herbe en somme.

    12 L’image que vous voyez représente une variété de moutarde qui pousse dans le Midwest

    américain. Certains exégètes nous disent que lorsque Jésus parle de la minuscule graine de

    moutarde qui devient un arbre assez grand pour que les oiseaux du ciel viennent y faire leur

    nid, il est probablement en train de badiner. 13 Il est ridicule d’imaginer des oiseaux en

    train de se construire un nid sur le frêle arbrisseau qu’est la moutarde. Ce que Jésus veut

    dire, c’est probablement quelque chose comme : Écoutez, ne vous imaginez pas qu’en

    venant à ma suite vous allez devenir comme de grands arbres. Ne comptez pas devenir des cèdres du Liban ou quoi que ce soit qui ressemble à un puissant empire. Mais même le plant de moutarde, flexible et courbé, peut porter la vie. La moutarde est le plus souvent une mauvaise herbe. 14 D’accord, la fleur est belle et c’est une plante médicinale. Elle est savoureuse et elle a des vertus thérapeutiques. 15 On peut la cueillir pour la guérison, c’est

    sa plus grande valeur. Mais la moutarde est habituellement tenue pour une mauvaise herbe.

    16 Elle pousse n’importe où, sans permission. Et le plus remarquable, c’est qu’elle est

    impossible à contenir. Elle prolifère et peut envahir des champs entiers de cultures. 17 On

    pourrait même dire que cette petite nuisance était illégale au temps de Jésus. Il y avait des

    lois qui prescrivaient où il fallait la planter, dans l’espoir dans contrôler la prolifération.

    Bien, que conclure en voyant Jésus recourir à cette image pour décrire le Règne de Dieu?

    Pensez-y. Nous pouvons vivre dans la joie de l’espérance parce qu’il n’y a pas d’herbicide

    politique ou ecclésiastique qui puisse étouffer le mouvement de l’Esprit de Dieu. Notre

    espérance est dans la puissance de Dieu, une puissance absolument impossible à endiguer.

    En nous engageant à vivre notre vie radicalement à la suite de Jésus, nous pouvons nous

    attendre à passer pour une mauvaise herbe qu’il faut absolument chercher à contenir. 18 Si

    les mauvaises herbes du Règne de Dieu sont sarclées quelque part, elles repoussent ailleurs.

    Il me semble entendre Monseigneur Romero : « Si on me tue, je ressusciterai dans le peuple

    salvadorien. »

    Et c’est ainsi que nous vivons l’espérance joyeuse, prêtes à être de mauvaises herbes toutes

    tant que nous sommes. Nous vivons de la puissance de la mort et de la résurrection de Jésus.

    Je garde au coeur une expression de cette foi, qui remonte à l’époque de la dictature au

    Chili : Pueden aplastar algunas flores, pero no pueden detener la primavera. Ils peuvent

    écraser quelques fleurs, mais ils ne peuvent pas retarder le printemps.

     

     

    RÉFÉRENCES

    Michael W. Blastic, OFM Conv., « Contemplation and Compassion: A Franciscan

    Ministerial Spirituality ».

    Robert Beck, Homélie pour le 15e dimanche du Temps ordinaire, le 15 juillet 2012,

    Mount St. Francis, Dubuque (Iowa).

    Judy Cannato, Field of Compassion: How the New Cosmology is Transforming Spiritual

    Life, Notre Dame (Indiana), Sorin Books, 2010.

    Barbara Marx Hubbard, Conscious Evolution: Awakening the Power of Our Social

    Potential, Novato (Californie), New World Library, 1998.

    Joanna Macy et Chris Johnstone, How to Face the Mess We’re in Without Going

    Crazy, Novato (Californie), New World Library, 1998.

    Jan Richardson, Night Visions: Searching the Shadows of Advent and Christmas,

    Wanton Gospeller Press, 2010.

    Judith K. Schaefer, The Evolution of a Vow: Obedience as Decision Making in

    Communion, Piscataway (New Jersey), Transaction Publishers.

    Margaret Silf, The Other Side of Chaos: Breaking Through When Life is Breaking

    Down, Chicago, Loyola Press, 2011.

    Alice Walker, Hard Times Require Furious Dancing, Novato (Californie), New World

    Library, 2010.


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