• La laïcité, un concept galvaudé

    Une polémique en chassant une autre, il semble que nos concitoyens français n’aient quitté les manifestations contre le droit au mariage pour tous, que pour crier au loup de la laïcité, avec….l’affaire de la crèche Baby Loup !

    Rappelons brièvement qu’une adjointe de cette crèche associative de banlieue parisienne avait été licenciée en 2008 pour avoir refusé d’oter son foulard pendant ses heures de travail.

    Si l’employeur,lors du jugement en tribunal des Prud’hommes, avait gagné en première instance ; la Cour de Cassation vient d’annuler ce jugement, estimant infondé le licenciement « pour faute lourde «  de la jeune femme, et le jugeant discriminatoire.

    Les employeurs ont déploré cette décision, qui, selon certaines personnalités intellectuelles et politiques, crée une « insécurité juridique » autour de la laïcité….

     

    Or, qu’est ce que la laïcité ? Elle est très strictement définie par la loi de 19O5 :

    Il s’agit de la laïcité de L’ETAT. L’Etat « ne reconnaît ni ne subventionne aucun culte », par conséquent, les FONCTIONNAIRES de l’Etat sont tenus à une stricte neutralité religieuse.

    Les citoyens, eux , ont toute liberté d’exprimmer leurs convictions religieuses, liberté garantie par la Constitution de 1958.

    Les salarié-e-s d’entreprises privées ne peuvent en aucun cas être concerné(e)s par la loi de séparation des Eglises et de l’Etat ! C’est ce qu’a déjà rappelé la HALDE, saisie de cette affaire, dans sa délibération d’Avril 2009.

    S’il existe une insécurité, elle est bien pour les salariés : en effet, après avoir avancé l’argument que certaines crèches ou garderies associatives sont en partie subventionnées par des fonds publics(mais les contrats de travail sont des contrats de droit privé)* ; on ne propose rien moins qu’une distorsion du Code du Travail pour rétablir le DÉLIT D’OPINION.

    Un projet de loi vient d’être déposé en hâte, visant à réglementer l’expression d’opinions, y compris religieuse, au sein des entreprises….

    Que stipule actuellement le Code du Travail ? L’article L 1121_1 indique que « Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives, des restrictions

    qui ne seraient pas justifiées par la nature des tâches à accomplir ».

    Autrement dit, s’occuper d’enfants un foulard sur la tête nuit-t-il concrètement à cette tâche ?

    Certainement non. Voici vingt ans , beaucoup d’auxiliaires de crèches se serraient les cheveux dans un petit foulard blanc ou de couleur , afin d’aviter que les nourrissons ne se prennent les doigts dans leur chevelure, et ne portent des cheveux à la bouche…cette pratique est restée inaperçue !

    Le Code du travail ajoute qu’un règlement intérieur qui prévoirait une interdiction générale et absolue à tous ses salariés de tout signe religieux serait illicite, et puni par le code pénal(Art 225/1/4)…

    La loi semble juste et claire.

     

    Cette fièvre de laïcité conduit donc à envisager de bafouer des droits chèrement acquis,des dispositions législatives équitables, et de faciliter les licenciements « à la tête du client », en cette période de crise économique et de chômage massif !

     

    Les femmes sont déjà discriminées en raison de leur sexe et leur possibilité de devenir mères ; il va falloir y ajouter la ségrégation religieuse ! ( sans oublier les préjugés raciaux qui sévissent toujours en sous-main) .

     

    Pour « Baby Loup, qui a créé le scandale ?

    Dans cette banlieue à forte proportion de familles musulmanes françaises ou étrangères, il ne semble pas que des parents se soient plaints. L’employeur seul est monté au créneau.

     Mais on ne sera pas étonnée que figure dans le parrainage de la crèche une personnalité publique connue pour ses positions radicales sur certains sujets comme l’Islam ; et (bien qu’elle se proclame féministe) affichant des idées très anti-féministes sur la parité, la maternité, ou les mouvements de libération des femmes.

    Ce qui fausse considérablement la donne.

    Des pétitions ont été lançées, avec l’appui de journalistes, d’élus. Remettant en cause, jeu dangereux, la Loi, et la décision judiciaire alors que nul n’a été lésé….sauf la plaignante !!

    Ont suivi des sondages…

    Soi disant 83% des français seraient d’accord avec les nouvelles réglementations restrictives proposées. 

    Il ne s’agit évidemment que 83% des foyers INTERROGÉS, c’est à dire environ mille personnes,et nous ignorons comment la question a été posée.

    Mais la polémique a tant enflé que cette affaire de foulard à la crèche a même été évoquée dans l’interview du chef de l’Etat la semaine dernière !

    Comme pour la loi sur le niqab, qui ne concernait que 0,03% de la population; on légifèrerait, non pour l’interêt général, mais pour satisfaire des intêrets et des intolérances particulières, montés en épingle ? Sans ce que certains qualifient d’ » aéropage d’intellectuelles »(  une philosophe, une journaliste,une ancienne élue) cette affaire n’aurait absolument pas connu un tel tapage médiatique.

    Le résultat est qu’à l’intérieur de la crèche,l’ambiance parait très tendue, et préjudiciable aux enfants(dont encore une fois nul ne se soucie, sauf à fantasmer que l’on puisse faire du prosélytisme à un bébé de 18 mois !) L’avenir de cette structure est compromis, alors qu’elle était la seule à être ouverte 24H/24, pour faciliter la vie professionnelle et familiale des femmes.

    A l’extérieur, ce tapage augmente le racisme,la haine, la peur de la différence, la diabolisation de l’Islam….et par là même la crispation de ceux et celles qui s’estiment humiliés sans cesse.

     

    Le religieux serait il devenu obscène ? S’il était encore en vie, Roland Barthes se poserait sans doute la question avec délèctation.

    Mère française d’un militaire français tué par Mohamed Merah, Latifa IBN ZIATEN,* qui sillonne les banlieues pour y apporter  plus de paix et d’espoir, porte un foulard.

    Nul n’a encore eu, heureusement, l’outrecuidance de le lui faire remarquer.

    Saluons, au passage son combat.

     

    Michelle.C. Drouault.

     

     

    * en l’occurrence, aucuns moyens matériels ou financiers n’ont été fournis à la crèche par la municipalité

    *Mme IBN ZIATEN a publié recemment un ouvrage de témoignage :

    « Mort pour la France »

     

     


  • Commentaires

    1
    SCOUAC
    Dimanche 6 Octobre 2013 à 10:22
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    La laïcité n'est pas une simple règle de droit positif bornée à l'expression qu'en donne la loi de 1905. Elle est surtout un principe destiné à préserver la liberté de conscience des gens et à empêcher que certains dogmatismes (religieux ou non) prévalent sur l'intérêt général.

     

    En matière de liberté de conscience, il est normal de pouvoir garantir à des parents qui ne sont pas forcément musulmans ou même croyants que leurs enfants, placés dans une structure laïque, non-confessionnelle, ne soient pas soumis à des principes éducatifs et religieux en contradiction avec les valeurs qu'ils souhaitent leur transmettre.

     

    Que diriez-vous si dans une école ou dans une crèche, des activités à contenu religieux était proposées aux enfants? Que diriez-vous si dans une école ou une crèche, une partie du personnel revendiquait au nom de la liberté d'expression de pouvoir satisfaire à des obligations religieuses en plein milieu de son travail ? Pourtant vous revendiquez que ces personnes, qui ont AUTORITE sur les enfants, exhibent leur confession religieuse.

     

    Le moins qu'on puisse attendre d'une personne travaillant dans un établissement laïc et non-confessionnel c'est d'avoir un comportement mesuré qui puisse être en conformité avec les convictions des familles, quelles qu'elles soient. C'est-à-dire un comportement non-confessionnel. En conformité avec l'objet social de l'établissement : être un établissement non-confessionnel d'accueil et de garde d'enfants. Et même si la crèche est située dans un quartier "à majorité musulmane" (lui même situé dans un pays à majorité non-musulmane), il peut se trouver au milieu des familles non-musulmanes qui non pas forcément envie de confier leurs enfants à des femmes voilées.

     

    On ne peut pas admettre tout et n'importe quoi au prétexte de liberté d'expression: celle-là est musulmane, elle se mettre un foulard sur la tête au milieu des enfants en bas-âge. Celui-ci est communiste, il va se mettre un béret kaki avec une étoile rouge cousue sur le béret. Un peu plus loin vous aurez le comptable en faveur de la légalisation de la zoophilie qui va se déguiser en lion pour aller au boulot. Et moi je vais bosser avec un tabard blanc avec la croix des templiers et le casque. Et on va où comme ça?

     

    Qu'est-ce que c'est que cette prétention à vouloir transformer la moindre conviction personnelle en revendication identitaire? Vous savez, les revendications identitaires et la vie en société ne font pas souvent bon ménage... Et il est clair que le voile islamique, en particulier tel qu'il est instrumentalisé en Occident, est moins un accessoire lié à la spiritualité (les spécialistes de l'Islam soulignent que le voile n'est pas une prescription religieuse, qu'il s'est imposé de manière tardive dans le monde musulman, qu'il est tout-à-fait secondaire) qu'un moyen de s'affirmer contre le reste de la société, un moyen de la défier, un moyen de se couper d'elle et de la dénigrer.

     

    Ce n'est pas le directeur de la crèche BabyLoup qui est responsable de galvauder la laïcité. C'est vous, à travers une interprétation complètement inepte parce-que trop restrictive et trop littérale (je dirais même fondamentaliste) de celle-ci, qui êtes en train de tuer ce qui en constitue le cœur et la raison d'être : le vivre-ensemble.

     

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    2
    MD
    Dimanche 6 Octobre 2013 à 18:24

    Si mon interprétation est "inepte", elle est la même que celle du recteur de la mosquée de Bordeaux, personne très modérée, telle qu'il la présente dans "Le Monde" daté de ce dimanche, et que celle de Dounia Bouzar, experte à l'Observatoire national de la laïcité..de plus, elle est celle que la loi a retenue: ce licenciement n'était pas licite, et tout ce tapage est improductif..Vous dites vous même que le voile n'est pas , en effet, une obligation absolue pour les musulmanes, donc, il n'est pas vraiment un signe religieux. Il n'est pas question de remettre des crucifix dans les crèches ou les écoles! Les raisons pour lesquelles des jeunes filles ou femmes portent un foulard sont fort diverses. Les discriminer ne relève pas du religieux, mais du politique: les lois ont elles à prescrire ce que les citoyens doivent porter ?En Grande Bretagne, Cameron vient de trancher, et pourtant, c'est un conservateur: la réponse est non! Car alors, si il faut l'uniformité pour que nous puissions vivre ensemble, si la moindre différence est un problème, si l'on apprend aux enfants que tous égaux parce que tous semblables, alors, il y  aura quelque chose de pourri au royaume de France, pour parodier Shakespeare...

    3
    SCOUAC
    Lundi 7 Octobre 2013 à 22:17
    SCOUAC

     

    Concernant la laïcité, vous usez d'arguments d'autorité. Le fait qu'Untel ou Untel reprenne vos conceptions n'est pas un blanc-seing. Le fait que la loi est ce qu'elle est n'implique pas qu'en sa forme actuelle elle soit satifaisante. Le fait que l'Angleterre, qui est une société qui a fait sa fierté de devenir une hydre communautariste, ait tranché n'est pas non plus un gage de qualité.

     

    Vous ne discutez pas du point que je vous oppose qui est la nécessité que le personnel enseignant ou encadrant les enfants NE PUISSE PAS infliger leur mode de pensée aux enfants et aux parents. Le problème se pose de manière exactement identique pour toute personne dépositaire d'une autorité quelle quelle soit, face à une personne dépendante d'elle ou placée sous son autorité : un auxiliaire de vie salafiste, c'est gênant; un juge militant, c'est gênant; un infirmier sectaire, c'est gênant.

     

    Le fait que cette personne soit effectivement prosélyte ou pas n'est pas le problème. Le problème, c'est comment assurer cette impossibilité matérielle à nuire et à pouvoir nuire.

     

    Et la seule réponse valable, c'est de faire observer strictement, par un système contraignant, le principe de réserve et de neutralité.

     

    Si vous voulez être une citoyenne lambda et faire valoir votre droit à la différence au milieu des autres, vous pouvez être caissière à Mac Do, personne ne vous oblige à travailler avec des enfants. Si vous travaillez avec des enfants, vous acceptez votre rôle d'être un relai de l'éducation des parents et donc vous vous inscrivez dans la continuité de cette éducation là. Dans le cas d'espèce, on est dans un établissement laïc et non-confessionnel: vous pouvez avoir en face de vous des parents religieux, des parents non religieux ou avec des conceptions diverses, vous ne pouvez accomplir votre rôle qu'en vous inscrivant dans la continuité de ce qui est commun à tous. Et en évacuant de votre attitude l'expression d'appartenances ou d'exigences non partagées et non validées qui, compte tenu de votre position dominante, peuvent constituer une traitrise et une usurpation.

     

    Par ailleurs, selon quel critère de discrimination autoriseriez-vous le port du voile et interdiriez-vous le crucifix? Dit autrement, est-ce que ça change fondamentalement quelque chose que le crucifix soit suspensdu au dessus du tableau ou autour du cou?

     

    Ou bien votre liberté conduit à une inégalité de traitement entre les religions et les communautés : voile mais pas crucifix, etc.

     

    Ou bien vous tentez de protéger l'égalité au prix d'une exaspération croissante du problème et d'une inflation des revendications communautaristes, toujours plus nombreuses, toujours extravagantes et toujours plus péremptoires : car le problème dans un système communautariste, instauré au faux prétexte de liberté d'expression ou d'opinion, c'est qu'ensuite il faut constamment l'aggraver par de nouvelles concessions à d'autres particularismes, au risque de déclencher un conflit intercommunautaire, toujours larvé dans la mesure où tout le monde passe son temps à épier et à comparer les concessions faites aux autres de peur d'être so-même floué et satellisé. Si à l'une, on accorde le droit de mettre un voile islamique sur la tête dans une crèche parce qu'elle est musulmane, à l'autre on doit accorder le droit de s'habiller en drag queen dans une maternelle; moi je m'habille en templier, les juifs en Rabbi Jacob et le comptable en lion.

     

    Or le voile, on va l'admettre par peur d'islamophobie. La kippa ou les signes du judaïsme, par repentence des années 40, on va les admettre également. Moi si je porte une petite croix ça va passer, si elle est un peu trop grosse on va me catalaguer à l'extrême droite. Pour le drag queen, on hurlera au scandale. Et le comptable, on le foutra à l'asile.

     

    Votre conception figée de la laïcité et de la liberté d'expression, dans les faits, c'est la négation absolue de l'égalité de traitement. La négation absolue de la liberté. Le tank du communautarisme. L'iniquité absolue. L'arbitraire absolu. Le favoritisme communautaire de facto. La guerre totale et hors limite entre factions. La brutalisation des rapports sociaux.

     

    Donc, oui ! Placer des garde-fous à ces dérives et mes pénaliser est une volonté politique assumée. La liberté au sens où vous l'entendez (sauvage, totale, sans entrave) est une liberté qui ne peut se vivre que d'une manière autarcique, dans l'asocialité. Je la respecte pleinement dans la mesure où c'est ce respect là qui rend possible le libre choix personnel (qui à mon sens devrait être réversible) de la mettre entre parenthèse pour permettre la vie en société. On appelle cette conception, le contrat social.

     

    Et lorsque on dispose d'une autorité sur quelqu'un, la liberté est d'autant plus résiduelle.

     

    4
    MD
    Mercredi 9 Octobre 2013 à 11:16

    je suis tout à fait d'accord avec vous en ce qui concerne les fonctionnaires: ils sont les représentants d'un Etat laïc, et ne peuvent laisser penser qu'ils seraient enclins à favoriser des citoyens de telle ou telle confession. Ancienne fonctionnaire d'un service public, j'ai toujours respecté et fait respecter une stricte neutralité confessionnelle. Quant au problème de l'autorité que vous évoquez, oui cela fait une différence si le crucifix est au mur ou autour du cou! An mur, il signifie que L'INSTITUTION(même si elle est privée) affiche ou favorise une confession; au cou, et en général peu visible, elle signifie une conviction intime et personnelle. Avoir une conviction personnelle ne signifie en aucune manière que l'on veut convaincre les autres. Ceci dit, il faut raison garder: les crèches accueillent des enfants de 3 mois à 3 ans!Tout ce qu'un enfant de cet âge voit, c'est qu'il y a des nounous qui ont la tête couverte, d'autres pas. C'est en montant l'apparence en épingle qu'on en fait un problème. Si en effet un jeune enfant ressent qu'il existe un hostilité envers les nounous à foulard, il va poser des questions. C'est le fait de montrer du doigt, de présenter comme anomalie qui crée la tension.Pour les enseignants, de deux choses l'une: ceux du service public sont fonctionnaires, et obligatoirement neutres; ceux du privé sous ou hors contrat, peuvent afficher leurs convictions. Donc, il n'y a pas lieu de croire des enfants "sous influence". Par ailleurs, hélas, il existe certains enseignants et soignants sectaires d'une autre manière que confessionnelle, et ils ne sont guère inquiétés! Il est insensé qu'on se préoccupe plus de l'apparence des femmes qui s'occupent des enfants que des problèmes de misogynie verbale, de mépris de classe ou ethnique, ou encore de tendances pédophiles dans le milieu de l'enseignement. J'en parle parce que mes enfants y ont été confrontés, et les personnes concernées ont seulement été "mises au vert". Cela, c'est plus traumatisant qu'une nounou à hijab! Nous sommes donc dans le registre de la menace fantasmatique, sans rapport avec la réalité du danger éventuel.On ne peut pas non plus rendre le droit du travail totalement répressif pour satisfaire les phobies de certains citoyens.Si l'expression modérée  d'une conviction devient impossible en droit privé, nous voici à la Stasi! Il est déjà difficile d'exprimer des convictions syndicales.....

     

     

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